« équivoque », définition dans le dictionnaire Littré

équivoque

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

équivoque

(é-ki-vo-k') adj.
  • 1Qui peut s'interpréter en différents sens, s'appliquer à différentes choses. Un terme équivoque. Cela est équivoque. Vous n'avez pas pris garde à ce sens équivoque Qui fait qu'en vous flattant il semble qu'il se moque, Mairet, Soliman, v, 3. User de mots équivoques sans les expliquer, Pascal, Prov. 1. Ce terme est équivoque, il le faut éclaircir, Boileau, Art p. I. [Qui] D'un songe équivoque envoyé par les dieux Lira d'un œil plus sûr l'avis mystérieux, Delavigne, Paria, II, 2.
  • 2Se dit de tout sur quoi on peut porter des jugements divers. Des traces équivoques. Une expérience équivoque. Si la machine du corps disséquée et démontrée présente encore tant d'énigmes très difficiles et très obscures, à plus forte raison la machine vivante, où tout est sans comparaison moins exposé à la vue, plus enveloppé, plus équivoque, Fontenelle, Du Verney. Savez-vous bien qu'ici votre face équivoque, Et rare en son espèce, étrangement nous choque ? Regnard, Démocrite, IV, 5. Il se contenta de sourire, en faisant une mine très équivoque, Genlis, Ad. et Théod. t. I, lett. 8, p. 37, dans POUGENS.

    Terme de médecine. Signe équivoque, signe qui peut convenir à plusieurs maladies.

  • 3En mauvaise part, suspect, en parlant des personnes. Et malgré la vertu dont il faisait parade, Très équivoque ami du jeune Alcibiade, Boileau, Sat. XI.

    Un homme équivoque, homme à qui l'on ne peut se fier.

    Il se dit aussi des choses qui excitent quelque soupçon peu honorable. Sa naissance est un peu équivoque, Sévigné, 421. Ils s'engagent dans des professions équivoques dont ils se cachent longtemps à eux-mêmes les périls et les conséquences, La Bruyère, VI. Que j'ai toujours aimé, quoique sa conduite à mon égard ait été souvent équivoque, Rousseau, Confess. VIII.

  • 4Rime équivoque, petite pièce de poésie badine autrefois en usage, dans laquelle le son d'un mot placé à la fin d'un vers reparaissait dans le vers consonnant, mais en formant un autre sens. Par exemple : Je viens de faire un vers alexandrin ; Qu'en penses-tu, mon cher Alexandre, hein ?
  • 5 S. f. Sens équivoque, interprétation à double entente. Toute cette entrevue se passe dans cette équivoque [l'un des interlocuteurs comprenant une chose, et l'autre une autre], Pascal, Lett. à Jaqueline, 26 janv. 1648. Si on vous laisse la licence de corrompre les expressions les plus canoniques par les malicieuses subtilités de vos nouvelles équivoques, Pascal, Prov. 16. Je m'aperçus qu'il y avait dans ces vers une équivoque de langue, Boileau, Sat. XII, Préface. Ceux de Bâle se montraient fort éloignés et des sentiments de Luther et des équivoques de Bucer, Bossuet, Var. IV, § 16. Les équivoques qu'on pourrait faire sur la divinité du fils de Dieu, Bossuet, Euch. 2. Je dois, pour lever toute équivoque, distinguer deux sortes de mouvements, Fénelon, Exist. 279. Les soupçons et les jalousies se réveillaient ; les équivoques des traités, les questions qu'ils laissaient indécises, ne fournissaient que trop de ces prétextes toujours prêts à servir tous les besoins ou toutes les passions, Fontenelle, Rép. card. Dubois, t. III, p. 319, dans POUGENS.
  • 6Mauvais jeu de mots, calembour. La belle chose de faire entrer, aux conversations du Louvre, de vieilles équivoques ramassées parmi les boues des halles et de la place Maubert ! Molière, Critique, sc. 1. Ces sources d'un amas d'équivoques infâmes Dont on vient faire insulte à la pudeur des femmes, Molière, Fem. sav. III, 6.
  • 7 Terme de beaux-arts. Défaut de précision dans la pose, l'expression, la couleur, la perspective. Équivoque de mouvements. Équivoque de plan.

REMARQUE

Dans le XVIIe siècle, équivoque était indifféremment masculin ou féminin. Je vous demande pardon de ce mauvais équivoque, Guez de Balzac, liv. III, lett. 9. Du langage français bizarre hermaphrodite, De quel genre te faire, équivoque maudite, Ou maudit ? Boileau, Sat. XI.

HISTORIQUE

XIVe s. L'un [mètre] est de rime serpentine, L'autre equivoque ou leonine, Machaut, p. 9. Cest nom ici n'est pas dit comme non equivoque à cas d'aventure, Oresme, Eth. VII, 12.

XVIe s. Les gens de guerre firent courir parmi eux un equivoque un peu gaillard sur le nom de la place et sur ce qui perdoit l'armée, D'Aubigné, Hist. III, 413. Demosthenes disoit que l'effronté n'a pas de prunelles, mais des putains aux yeulx, se jouant en l'equivoque de ce nom Cora, qui signifie une pucelle et la prunelle de l'œil, Amyot, Mauvaise honte, 1.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. equivoc ; espagn. et ital. equivoco ; du latin æquivocus, de æquus, égal, semblable, et vox, voix, parole.