« abaisser », définition dans le dictionnaire Littré

abaisser

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

abaisser

(a-bè-sé ; quelques-uns disent a-bé-sé. Ai prend le son è ou ê, quand la syllabe qui suit est muette : il a-bè-se-ra ou a-bê-se-ra) v. a.
  • 1Rendre moins haut, faire descendre. Abaisser un terrain. Il faut abaisser ce mur d'un mètre. Abaisser la paupière. Abaisser un store. Abaissez vos regards sur lui. Ayant un corps qui vous aggrave et vous abaisse vers la terre, Pascal, édit. Cousin. Abaissons la [l'âme] à la matière, Pascal, ib. Jamais étoile, lune, aurore, ni soleil, Ne virent abaisser sa paupière [du dragon] au sommeil, Corneille, Méd. II, 2. Disposez de sa main, et pour première loi, Madame, ordonnez-lui d'abaisser l'œil sur moi, Corneille, Tite et Bér. IV, 3.
  • 2 Fig. Rendre moins élevé, faire décroître, diminuer. Abaisser la voix. Abaisser le prix des denrées. La découverte des gisements de la Californie a abaissé la valeur de l'or. Car enfin n'attends pas que j'abaisse ma haine, Corneille, M. de Pomp. III, 5. De moment en moment son âme plus humaine Abaisse sa colère et rabat de sa haine, Corneille, Méd. III, 2.
  • 3Déprimer, humilier, ravaler. Abaisser le pouvoir de quelqu'un. Abaisser l'orgueil. Abaisser la majesté des lois. Abaisser la vertu. Pour abaisser notre orgueil et relever notre abjection, Pascal, édit. Cousin. Aujourd'hui devant vous abaissant sa hauteur, Voltaire, Brut. I, 1. Une esclave chrétienne et que j'ai pu laisser Dans les plus vils emplois languir sans l'abaisser, Voltaire, Zaïre, IV, 5. Ils abaissent les Grecs, ils triomphent du Maure, Voltaire, Tancr. II, 1. Pensez-vous abaisser les rois dans leurs ministres ? Voltaire, Brut. V, 2. Plutôt que jusque-là j'abaisse mon orgueil…, Voltaire, Zaïre, I, 2. Mais nous aurons bientôt abaissé son audace, Ducis, Oth. I, 2. Je mourrai satisfaite après cet orgueilleux, Sous qui César m'abaisse à force de l'accroître, Rotrou, Bél. II, 17. Mais, croyez-moi, l'amour est une autre science, Burrhus, et je ferais quelque difficulté D'abaisser jusque-là votre sévérité, Racine, Brit. III, 1.
  • 4Abaisser pris absolument. Que s'il plaît au Seigneur, qui selon les conseils de sa sagesse élève et abaisse…, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 212.
  • 5 En termes de chirurgie, abaisser la cataracte, faire descendre, à l'aide d'une aiguille introduite dans la chambre postérieure de l'œil, le cristallin au-dessous du niveau de la pupille.
  • 6 En termes d'algèbre, abaisser une équation, en diminuer le degré.
  • 7 En termes de géométrie, abaisser une perpendiculaire sur une droite, mener d'un point pris hors d'une ligne une perpendiculaire à cette ligne.
  • 8 En termes de pâtisserie, abaisser la pâte, l'étendre avec le rouleau et la rendre aussi mince qu'on veut.
  • 9 En termes d'horticulture, abaisser une branche d'arbre, la raccourcir.
  • 10 En termes de fauconnerie, abaisser l'oiseau, diminuer la nourriture habituelle de l'oiseau, afin de le rendre plus léger au vol et plus avide à la proie.

    S'ABAISSER, v. réfl.

  • 11Devenir plus bas. Ces nuages s'abaissent vers la terre. Le terrain va en s'abaissant. Là où les collines commencent à s'abaisser. Le soleil s'abaisse. Sur le chaume de ces demeures Déjà le soir s'est abaissé, Millevoye, Élég. I. Et vous, sous sa majesté sainte, Cieux, abaissez-vous, Racine, Esth. III, 9.
  • 12 Fig. S'abaisser, devenir plus bas, se proportionner à, condescendre. La voix s'abaisse. S'abaisser à la portée de ses élèves. Chercher la popularité en s'abaissant. Il s'abaissait jusqu'à converser avec une femme de Samarie, Massillon, av. Disp. Faites bien concevoir à M. Despréaux combien vous êtes reconnaissant de la bonté qu'il a de s'abaisser à s'entretenir avec vous, Racine, Lettres à son fils. Et fait comme je suis, au siècle d'aujourd'hui, Qui voudra s'abaisser à me servir d'appui ? Boileau, Sat. I. Peut-elle s'abaisser jusqu'à souffrir ma vue ? Corneille, Perth. II, 4.
  • 13S'humilier, en bonne et en mauvaise part, se courber, se dégrader. S'abaisser devant Dieu. S'abaisser sous la main divine qui châtie. S'abaisser aux prières. S'abaisser jusqu'à plaider sa cause. Je ne m'abaisserai pas au point de… Votre fierté, Porus, ne se peut abaisser, Racine, Alex. V, 3. Est-il juste après tout qu'un conquérant s'abaisse Sous la servile loi de tenir sa promesse ? Racine, Andr. IV, 5. Vous voulez que le roi s'abaisse et s'humilie…, Racine, Mithr. III, 1. Vestibules profonds, parvis silencieux, Où viennent s'abaisser les cœurs religieux, Lemercier, Fréd. et Brun. I, 1. De savoir si peu m'abaisser, céder dans les rencontres, supporter un mépris…, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 405. Je rougis que mon père, Pour l'intérêt d'un fils, s'abaisse à la prière, Voltaire, Alz. I, 1. Voudra-t-il qu'on s'abaisse à ces honteux moyens ? Voltaire, Zaïre, II, 1. D'un cœur tel que le sien l'audace inébranlable Ne sait point s'abaisser à des déguisements, Voltaire, Ad. II, 5. Ne vous abaissez pas à soupirer pour elle, Voltaire, Orphel. IV, 2. S'il se vante, je l'abaisse ; s'il s'abaisse, je le vante… Forcé à s'abaisser d'une ou d'autre manière… Et s'il ne s'abaisse à cela, Pascal, édit. Cousin. Qui nous retrace dans le souvenir comment il a quitté le sein de son père et il s'est abaissé jusqu'à nous, Bourdaloue, Pensées, t. III, p. 300. Est-il une démarche si humiliante où il ne s'abaisse, dès qu'il croit qu'elle peut le conduire à son terme ? Bourdaloue, ib. t. II, p. 172.

SYNONYME

1° BAISSER, ABAISSER. Faire descendre, faire aller de haut en bas. Baisser est absolu et Abaisser est relatif. Baisser une chose, c'est la mettre plus bas qu'elle n'était ; abaisser, c'est la mettre plus bas qu'une autre ou du moins la faire descendre jusqu'à une autre qui était plus bas qu'elle. Au fond, abaisser, c'est baisser vers, LAFAYE., C'est là le fond de la différence entre baisser et abaisser. Toutes les fois qu'on voudra faire sentir cette idée de direction, on préférera abaisser à baisser. Ainsi le chevalier baissa la lance ou abaissa la lance ; on dira plutôt le premier pour indiquer que la lance est baissée sans aucune intention ; on dira plutôt le second pour indiquer que le chevalier la baisse vers un objet déterminé, la met en arrêt par exemple.

2° ABAISSER, RABAISSER, RAVALER, HUMILIER, AVILIR. Tous ces mots ont le sens général de déprécier. Abaisser n'a rien de plus que le sens général. La malignité humaine abaisse la vertu. Rabaisser est plus fort ; on rabaisse ce qui est beaucoup trop élevé, l'arrogance, la présomption. L'envie, ne pouvant s'élever jusqu'au mérite, pour s'égaler à lui, tâche à le rabaisser. Ravaler exprime une idée analogue à rabaisser, mais avec plus de violence et d'emportement. Avilir attire la honte, imprime la flétrissure. Le grand homme peut être humilié, ravalé, mais non pas avili. De grands motifs nous engagent à nous humilier, à nous abaisser, aucun à nous avilir. L'homme modeste s'abaisse, on rabaisse la présomption, l'esprit de parti ravale les hommes éminents, le lâche s'avilit, le pénitent s'humilie, ROUBAUD.

HISTORIQUE

XIIe s. David guerria fierement les Philistins et moult les abaissa, Rois, 146. Ses grant orguels [sera] abaissez, Ronc. p. 21. Sainte iglise dreit lui abaissier [il] ne lerra, Ne à laie [laïque] justice les clers ne livrera, Th. le mart. 27. Moult durement vers lui en ire [le roi] s'enflamba, Et très bien lui pramet [promet] que il l'abaissera, Et là où il le prist que il le remetra, ib. 28. Il s'abaissa [se baissa], si a pris un cuillier ; Le portier [il] fiert parmi le hanepier [la nuque] ; Li sans en chiet dusqu'au talon derrier, Bat. d'Aleschans, 3886.

XIIIe s. Fu requis Jofrois qu'il alast à Andrenoble et qu'il meist conseil à ce que ceste guerre fust abaissie [finie], Villehardouin, CXIX. Cis feus [ce feu] fu si grans et si oribles que nel pot nuls abaissier ne esteindre, Villehardouin, XCI. Bien fust la crestienté essaucie [exhaussée] et non mie abaissie, Villehardouin, XXXIV. Mais or ne pensez plus pour riens Que je m'amour donner vous doie [doive] ; Trop durement [je] m'abaisseroie, Blonde et Jehan, 884. On ne doit pas penre [prendre] garde s'il [le prix] monte ou abaisse au marché, Beaumanoir, XXXVII, 4. De la fontaine m'appressai [m'approchai] ; Quand je fui près, si m'abaissai Pour veoir l'iaue qui couroit, la Rose, 1532.

XIVe s. Icelle femme desmenti plusieurs fois le suppliant en abaissant honneur de sa personne et de son office, Du Cange, abassare.

XVe s. Certes, seigneurs, Jean Lyon se souffre maintenant et abaisse la teste bien bas, Froissart, II, II, 52. Or entendez au soustenir [soutenez-le] ; Car je le voy bien qu'il s'abesse, la Pass. de N. S. J. C.

XVIe s. Le peintre eut charge d'abaisser de couleur l'endroit qui estoit par trop enluminé, D'Aubigné, Faen. IV, 11. Ils ne se pressoient pas beaucoup de partir et attendoient la chaleur à s'abaisser [que la chaleur fût tombée], Despériers, contes, 39.

ÉTYMOLOGIE

À et baisser ; provenç. abaissar ; espagn. abaxar ; ital. abbassare.