« accroire », définition dans le dictionnaire Littré

accroire

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

accroire

(a-kroi-r'. D'après Vaugelas on prononçait de son temps accraire. Un dictionnaire de 1786 indique les deux prononciations, a-krè-re et a-kroi-re) v. a.

usité seulement à l'infinitif et avec faire.

  • 1Faire accroire, faire croire ce qui n'est pas vrai. Non qu'il y fût par un désir de gloire, Comme possible alors il vous l'a fait accroire, Mairet, Sol. II, 2. Quand on voudrait faire accroire une chose fausse, Pascal, Prov. 9. J'aurais assez d'audace pour faire accroire à votre père que…, Molière, l'Avare, II, 4, 1. On lui fera accroire toutes choses, dès qu'elles seront à sa louange, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 229. Faire accroire à tout un peuple que ce sont là les livres anciens, Bossuet, Hist. II, 13.
  • 2En faire accroire, conter des sornettes à quelqu'un, le tromper par de belles paroles. Ce n'est pas vous, Monseigneur, à qui on en peut faire accroire, Guez de Balzac, liv. VI, lett. VI.
  • 3S'en faire accroire, présumer trop de soi-même, s'attribuer un mérite qu'on n'a pas. Comme gens entendus [ils] veulent s'en faire accroire, Régnier, Sat. II. Vous savez mieux que personne au monde si je m'en fais accroire dans ce que je viens de vous dire, Scarron, Rom. com. 2e part. 14. Je ne m'en fais pas accroire…, Marmontel, Cont. mor. I, 295.

HISTORIQUE

XIIe s. Si idunkes fu ocis et al coeu [cuisinier] fu livrez ; Li keus manja le cuer ; quant li fu demandez, Fist al seignur acreire que senz cuer esteit nez, Th. le Mart. 31.

XIIIe s. Et li rois li carga [lui chargea] sa lettre de proiere et d'acroire, s'il en avoit mestier, Chr. de Reins, 244. Nus ne vos devoit tant deçoivre, Que ne deüssiez aperçoivre Qui mensonge vous fait acroire Et qui vous conte chose voire, Ren. 13709.

XVe s. Adonc fit le comte de Bouquinghen asavoir parmi la cité que, si ses gens avoient rien acru [pris à crédit], on se traïst avant, et on seroit payé, Froissart, II, II, 83. Et quand à l'accroire [à faire crédit] on ne leur faisoit bonne chere, ils disoient : Que nous demandez-vous ? encore vaut il trop mieux que nous despendons les biens de ce pays que les François les trouvent et aient aise, Froissart, II, II, 36. Je irai ; mais il fait mal d'accroire ; Ce savez-vous bien à l'estraine, le Patelin.

XVIe s. Ferons nous accroire à nostre peau que les coups d'estriviere la chatouillent ? Montaigne, I, 301. Les propres condamnations sont tousjours accrues, les louanges mescrues, Montaigne, IV, 34. Ilz ont feinct d'avoir communication avec les dieux, fiction utile et salutaire à ceulx mesmes à qui ilz le faisoient à croire, Amyot, Numa, 8. Numa leur faisoit à croire qu'il avoit veu quelques visions estranges, Amyot, Numa, 13. C'estoient hommes qui pouvoient facilement persuader et faire à croire tout ce qu'ilz vouloient, Amyot, Caton, 47. Les armes prent, et d'un hardy courage Passe les monts pour venger cest outrage ; Cent ans d'accru [pris à crédit] à une heure se paye, Marot, J. V, 87.

ÉTYMOLOGIE

À et croire ; Berry, accreire et ancreire ; wallon, acreûre, faire crédit (comme dans Froissard) ; provenç. acreire ; espagn. acreer. La langue ancienne a souvent confondu acroire avec à croire, écrivant faire acroire ou faire à croire, surtout dans un temps où les accents n'existaient pas ; mais il est certain qu'il y a eu un verbe acroire, et qu'il vaut mieux écrire dans les anciens textes faire acroire que faire à croire.