« ains », définition dans le dictionnaire Littré

ains

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

ains

(in-s'. On ne sait comment il se prononçait autrefois ; aujourd'hui on fait sentir l's) conj.
  • Mais. Digne non de pitié, ains de compassion, Régnier, Sat. VII. Car il ne faut jurer… Ains changer par le temps et d'amour et de flamme, Régnier, Épît. II.

REMARQUE

Ce mot est hors d'usage ; mais s'il était possible de le faire rentrer dans la langue, cela serait à désirer ; car nous avons parfois des mais qui, s'échelonnant, deviennent fastidieux ; ains se mettrait en place avec beaucoup d'avantage.

HISTORIQUE

XIe s. Einz i ferai un peu de legerie, Ch. de Rol. XX. Einz demain nuit bele en iert [sera] l'amendise, ib. XXXVIII. Ainz que Rolanz se seit aperceüt…, ib. CL. Ainz qu'on alast un seul arpent de champ…, ib. CLXIII. Onc einz ne puis ne fut si fort [bataille] justée, ib. CCXLVI.

XIIe s. Ains [mais] de s'espée ne fu li pons [la poignée] guerpis [lâchée], Ronc. p. 24. Ainz [auparavant] i mourra maint chevaliers eslis, ib. p. 72. Fors de la presse comme ainz il put s'est mis, ib. p. 103. [Il] nel salue, ainz [mais] l'a contralié, ib. p. 186. Ainz que j'aille outremer…, Couci, VI. [Ses beaux yeux] M'eurent ainz pris que [je] m'osasse doner, ib. VI. Je ne m'en puis mie ariere retraire ; Ainz me convient otroier et graer, ib. II. Ne me vout [voulut] pas Diex pour neant donner Tous les soulas qu'ai eüs en ma vie ; Ainz les me fait cherement comparer [payer], ib. XXII. Quatorze rois i eut ainz que table fust mise, Sax. XXIII. Ainz [il] i lairroit la teste que il fust asservis, ib. XXVI. De grant outrage faire nuls hom ne monteplie, Ainz se monte et essauce qui son cuer humilie, ib. XXXII. Amis doit secorre autre, ainz que il soit prié, ib. t. II, p. 97.

XIIIe s. Ains [avant] que l'en commençast à chanter la grant messe, li dus de Venise monta el letrin, Villehardouin, XXXIX. J'iroie ains [auparavant, plutôt] d'uis en huis mes aumosnes rouver [demander], Villehardouin, XLIII. Onc puis [elle] ne fu levée, ains [mais] a tousjours geü, Villehardouin, LXXIX. Mes ains pria qu'il travaillassent Tant por li, que sa mort venjassent, la Rose, 8683. Puis fu par ceste mesprison Apius mis en la prison, Et là s'occist hastivement Ains le jor de son jugement, ib. 5674. C'est cele qui à la karole, La soe merci, m'apela, Ains que nule, quant je vins là, ib. 1240. Blasmer le doit l'en et reprendre, Ains qu'en li laist folie emprendre, ib. 4152. Mais l'en puet tiex songes songier, Qui ne sunt mie mençongier, Ains sont après bien aparant, ib. 5. Arier est cascuns retornés Dedens la sale, qui ains ains [à qui le plus vite], Fl. et Bl. 838.

XVe s. Ils esperoient un grant fait à faire ains leur retour, Froissart, I, I, 160. Ains que je la commence [l'histoire], je requiers au Sauveur de tout le monde… qu'il veuille…, Froissart, Prol. Certes, dame, voyez ci votre chevalier qui ne vous fauldroit pour mourir, si tout le monde vous failloit, ains ferai tout mon pouvoir de vous et de monseigneur votre fils conduire, Froissart, I, I, 14. Pensant que le roi ne tint point ces places, ains que les rendroit, Commines, VII. 8.

XVIe s. Le cler soleil, ains qu'estre en occident, Lairra espandre obscurité sus elle, Rabelais, Garg. I, 58. Lors je ne me reputerai totalement mourir, ains [mais] passer d'ung lieu en aultre, Rabelais, Pant. II, 8. Vous n'estes jeunes, qui est qualité competente pour en vin, non en vain, ains [plus, plutôt] physicalement philosopher, Rabelais, ib. III, Prol. Conclusion : Roy nostre souverain, De cuer humain vous prions, et bon zelle, C'est qu'il vous plaist ains à nuyt que demain Venir en France, Marot, J. V, 221. Mais ains que fusse entré au gouffre noir, Je voy à part un autre vieil manoir, Marot, I, 248. Mille ans ains sa venue, Marot, IV, 201. Ce n'est point une isle, ains terre ferme, Montaigne, I, 232. Cela n'est point la faulte de l'histoire, ains des hommes partiaux, qui abusent indignement de ce nom, Amyot, Préf. XII, 39. Ou me transforme, ou bien fay moi mourir : La seule mort me pourra secourir, Ains que l'ardeur de ce bouquin je sente, Ronsard, 961.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. ant, ans, anz ; catal. ans ; espagn. antes ; ital. anzi ; de ante, avant.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

AINS. - REM. Ajoutez : Ains a été employé par Mirabeau. Les habitants des campagnes, sans lesquels nous ne pouvons consolider la révolution, et qui n'y prendront aucun intérêt, ains au contraire, s'ils n'y trouvent pas leur soulagement immédiat, Mirabeau, Lett. à M. de la Mark, cité par JOHN LEMOINNE, Études crit. et biogr. Paris, 1852.