« air », définition dans le dictionnaire Littré

air

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

air [1]

(êr) s. m.
  • 1Fluide invisible, transparent, sans odeur ni saveur, pesant, compressible, élastique, qui forme autour de la terre une couche nommée atmosphère, et qui est composé de 0,79 d'azote et de 0,21 d'oxygène. L'air était un des quatre éléments de l'ancienne physique. L'air n'est pas un élément, c'est un corps composé. Les nuages sont portés dans l'air. L'air est l'aliment de la respiration. Un air pur, un air vif, un air tempéré. Ces émanations ont infecté l'air. Un air lourd et épais. Si l'air était plus épais, il n'aurait pas cette douceur qui fait une nourriture continuelle du dedans de l'homme, Fénelon, Exist. 14. Ces gardes, cette cour, l'air qui nous environne, Tout dépend de Pyrrhus et surtout d'Hermione, Racine, Andr. III, 1. Je sais trop que je dois au bien de votre empire Et le sang qui m'anime et l'air que je respire, Corneille, Cid. IV, 3.

    Les habitants de l'air, les oiseaux.

  • 2 Au pluriel, les airs, l'espace au-dessus de nos têtes. Le ballon s'enleva dans les airs. Avez-vous dans les airs entendu quelque bruit ? Racine, Iph. I, 1. Hélas ! ma prière inutile Se perdra-t-elle dans les airs ? Rousseau J.-B. Cantate, 5. Ses foudres impuissants se perdaient dans les airs, Voltaire, Henr. v.
  • 3Dans un sons général, air signifie gaz. L'oxygène, l'azote et l'hydrogène sont des airs différents. L'ancienne chimie donnait le nom d'airs à tous les fluides aériformes qu'on appelle gaz aujourd'hui ; de là le nom d'air atmosphérique attribué souvent à l'air proprement dit. Dans l'ancienne chimie, l'air fixe est le gaz acide carbonique ; l'air inflammable est l'hydrogène.
  • 4Air libre, l'espace ouvert. On dit dans le même sens le plein air. Arbres de plein air, arbres en plein air.

    Air confiné, désigne, par opposition à air libre, l'air des enceintes dans lesquelles séjournent des êtres vivants, et qui se trouve par conséquent plus ou moins vicié.

  • 5 En termes de théologie, le prince de l'air, Satan ; les puissances de l'air, les démons.
  • 6Mettre, exposer à l'air, soumettre une chose à l'influence, à l'action de l'air.
  • 7Prendre l'air, respirer le frais, se promener. Je marche et je prends l'air avec plaisir, Sévigné, 261. Se faire porter dans son carrosse pour prendre l'air, Sévigné, 40. Il faudrait prendre l'air quand il est bon, Sévigné, 517. Prendre l'air à sa fenêtre, Molière, L'Av. II, 6.

    Fig. Prendre l'air, prendre la fuite. Il n'est rien tel que de mettre son crime ou son innocence au grand air [s'enfuir quand on est accusé], Sévigné, 402.

  • 8Fendre l'air, en parlant d'un oiseau, voler ; et fig. traverser l'espace avec rapidité. Les oiseaux fendent l'air. La flèche fend l'air et vient frapper le but. L'exécution fut prompte : le jeune homme fendit les airs, Montesquieu, Lett. pers. 141.
  • 9Donner de l'air à une chambre, en ouvrir les fenêtres et en renouveler l'air.

    Fig. Donner de l'air à un tableau, en détacher les différents plans, de sorte que l'air semble circuler entre eux.

  • 10Air natal, le pays où l'on est né. C'est l'air natal qui séchera tes larmes, Béranger, Nostalg.
  • 11Vent. Il fait beaucoup d'air. Il ne fait pas un souffle d'air.

    Courant d'air, air en mouvement qui pénètre par les ouvertures d'un appartement. La porte et la fenêtre ouvertes feront un courant d'air. Ne vous mettez pas dans le courant d'air ; vous en seriez incommodé.

    Coup d'air, fluxion ou douleur qui survient à la face, au cou, aux mâchoires, et qui est souvent causée par l'impression d'un air froid.

  • 12Prendre l'air du feu, un air de feu, se chauffer un moment, en passant.
  • 13Cela est dans l'air, se dit de certaines conditions physiques ou morales qu'on croit provenir de la nature d'un pays, d'une société, etc.
  • 14Porter le mauvais air en quelque endroit, y porter la contagion ; prendre le mauvais air, gagner la contagion.

    Fig. L'air du monde est contagieux, la fréquentation du monde n'est pas salutaire au moral. L'air de cour est contagieux ; il se prend à Versailles, comme l'accent normand à Rouen ou à Falaise, La Bruyère, 8. On suit le train du monde, on est de toutes ses compagnies, on en prend toutes les manières ; et est-il surprenant alors que dans un air si corrompu on s'empoisonne et qu'au milieu de tant de scandales on fasse des chutes grièves et mortelles ? Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 85.

  • 15 Fig. et familièrement. L'air du bureau, ce qui paraît en bien ou en mal des dispositions de ceux qui ont la décision d'une affaire.
  • 16Diverses locutions familières, proverbiales et figurées. Être libre comme l'air, n'avoir aucune sujétion.

    Ne faire que battre l'air, se donner inutilement beaucoup de peine.

    Vivre de l'air du temps, être dans la plus profonde misère, n'avoir rien pour subsister.

    En l'air, loc. adv. Au milieu de l'air, dans les airs. Tirer en l'air, un coup en l'air, tirer sans viser de but ; et fig. Faire une démarche sans résultat.

    Paroles, projets en l'air, paroles, projets sans fondement, sans réalité. Ce ne sont pas là, mes pères, des contes en l'air comme les vôtres, Pascal, Prov. 16. Ils dépendent d'un discours en l'air, de mille occasions imprévues, Pascal, Conv. I. Vous l'accusez seulement en l'air de quatre faussetés, Pascal, Réfut. de la rép. à la 12e Lett. Et si d'une offre en l'air votre âme encor frappée Veut bien s'embarrasser du rebut de Pompée…, Corneille, Sertor. IV, 2. Ces menaces en l'air vous donnent trop de peine, Corneille, ib. V, 4. Un discours en l'air qu'il forge, Corneille, Le Ment. V, 2. Et d'une cause en l'air il le faut bien leurrer, Racine, Plaid. III, 2. Moïse ne parle point en l'air, il particularise et circonstancie toutes choses, Bossuet, Hist. univ. II, 3. Ce discours en leur bouche n'est qu'un discours en l'air, Bossuet, ib. II, 13. La sincérité ne permet pas de donner des paroles en l'air, Bossuet, Lett. 52. Que de suppositions bâties en l'air ! Bossuet, Déf. com. Il ne s'agit pas d'un soupçon en l'air, Bossuet, Rem. Quoiqu'il ait trouvé plus aisé de parler en l'air du droit des peuples, Bossuet, Avert. 5. Ce n'est point un fait qu'on avance en l'air, Bossuet, Hist. II, 12. Ce n'est pas ici une prédiction en l'air, Massillon, Car. Communion. Il est venu arrêter les pensées vagues de l'esprit humain et fixer ses raisonnements en l'air, Guez de Balzac, Socrate, Disc. 1. Pour quelque Iris en l'air faire le langoureux, Boileau, Sat. IX. Il est qui fait la moue aux chimères en l'air, Régnier, Sat. X. Parler ainsi, c'est parler en l'air, et vouloir être cru sur tout ce qu'on s'imagine, Fénelon, Exist. 78. Ne vous amusez pas à vous inquiéter en l'air, Sévigné, 215. Je vous dis cela extrêmement en l'air, Sévigné, 210. Il me le dit en l'air, Sévigné, 379. C'est une chose qu'on dit souvent en l'air, Sévigné, 34. Il dit une parole en l'air à M. de Lavardin, Sévigné, 584. Sur des soupçons en l'air je m'irais alarmer, Molière, Le Dép. I, 1. Contes en l'air, Molière, Tart. IV, 3. Les personnages qu'il représente sont des personnages en l'air, Molière, Impr. 3. À considérer cet ouvrage comme un système, j'en trouve le fondement bien incertain, bien en l'air, Diderot, Lett. de Ramsay. Je n'ai pas prétendu faire un système en l'air et qui n'eût aucun fondement, Fontenelle, Mondes, Préface. Il fut question de Mlle d'Armagnac et de Mlle de La Trémouille, mais fort en l'air, Saint-Simon, 28, 61.

    Être, mettre en l'air, en mouvement, dans l'agitation. Cette affaire mit toutes les têtes en l'air. Puisque vous êtes en l'air, Sévigné, 339. Je suis tellement en l'air que je m'en vais…, Sévigné, 540. Enfin j'ai un pied en l'air [je suis prête à partir], Sévigné, 142. Il faudra n'être plus ici un pied en l'air, comme vous y êtes toujours, Sévigné, 399.

    En parlant des choses, être en l'air, en désordre. Dans son cabinet tout est en l'air.

    N'être pas solide. Toute sa fortune est en l'air.

    En termes militaires, on dit qu'une troupe est en l'air, quand elle n'est pas appuyée sur son flanc par un obstacle quelconque. L'aile droite de l'armée était en l'air.

    En termes de fauconnerie, prendre l'air se dit d'un oiseau qui s'élève fort haut. Nouer [nager] entre deux airs, manière de voler particulière aux oiseaux de proie.

REMARQUE

En termes de marine, air de vent, chacune des trente-deux divisions du vent. Je suivais le même air de vent pour toute règle, Rousseau, Ém. V. Les marins ont pris l'habitude d'écrire air de vent ; mais ce n'en est pas moins une faute et une confusion d'air avec aire ; l'expression propre est une aire de vent (voy. AIRE), c'est-à-dire la 32e partie de la surface ou cercle qui renferme la direction des trente-deux vents. On trouve aussi air pour vitesse : Ce vaisseau a de l'air, il va vite. C'est encore une faute, et c'est erre qu'il faut mettre (voy. ce mot) : ce vaisseau a de l'erre.

REMARQUE

Airs au plur. se prend dans deux sens différents. Air s'emploie pour gaz ; en ce sens l'azote, l'hydrogène sont des airs différents l'un de l'autre. L'examen approfondi des propriétés nous apprend qu'il existe des airs d'espèces très diverses, c'est-à-dire plusieurs airs, BIOT., C'est là le pluriel comme on l'entend ordinairement. Quand au contraire on dit : s'élever dans les airs, entend-on parler de plusieurs airs, en tant qu'ils diffèrent les uns des autres ? Non assurément ; on veut seulement désigner la généralité de l'air ; ce pluriel n'a donc qu'un sens collectif et non pas le sens distributif qu'exige la définition ordinaire du nombre pluriel, Jullien.

HISTORIQUE

XIIIe s. Eles repairent à lor premiere matere et deviennent airs ansi come uns aniaus pert sa forme au fu et devient ors ou argens que il estoit ançois, Comput, f. 13. Et mout estoit li airs de froide atrempeüre, Berte, XLII.

XIVe s. Ele vit de l'aer non pas pur et sans mangier, Oresme, Eth. 23.

XVe s. Car estoit tané de tant avoir esté à Bruges sans changier air, Chastelain, Chr. des D. de Bourg. III, ch. 159. Et pour la puantise des bestes que on tuoit en l'ost, l'air en estoit ainsi qu'à demi corrompu… et vint le roi loger, telle fois fut, à Male, pour esloigner ce mauvais air, Froissart, II, II, 232.

XVIe s. [Le vent] barbe et cheveux tous blancs me fait branler, Ne plus ne moins que feuilles d'arbre en l'air, Marot, I, 395. D'un toict de tortue qui eschappa des pattes d'un aigle en l'air, Montaigne, I, 74. L'on ne leur demandoit qu'un titre en l'air, au lieu de quoy on leur offroit realement et de faict les choses dont ilz avoient plus grant besoin, Amyot, Sertor. 35. Si tost que les deux compagnons ouirent parler de cette rumeur, ils prirent l'air sous couleur d'aler à la guerre, et depuis on a su leurs projets, D'Aubigné, Hist. III, 60. Ou je suis fol, encores vaut-il mieux Aimer en l'air une chose incogneue Que n'aimer rien…, Ronsard, 215.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. et Berry, ar ; provenç. aer, air, aire ; ital. aria, aere ; espagn. aire ; du latin aer, le même que le grec ἀέρ.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. AIR. Ajoutez :
17 Populairement. Se donner de l'air, prendre la fuite, pour échapper à des poursuites. Il aurait mieux valu rester et prouver son innocence ; mais H… et ses pareils aiment mieux se donner de l'air ; dans leur jargon, c'est une ordonnance de non-lieu, Me Léon Duval, Gaz. des Trib. 15 mars 1873, p. 253, 1re col.

HISTORIQUE

Ajoutez : XIIe s. En près si tost come il enteise [la flèche], Flanbe li fers, l'ers et li venz, Benoit de Sainte-Maure, Roman de Troie, V. 12282.