« altérer », définition dans le dictionnaire Littré

altérer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

altérer

(al-té-ré) v. a.
  • 1 En termes de physique, changer l'état d'une chose. Le sel altérerait ce corps.
  • 2Changer une chose de bien en mal. Le soleil altérera ces couleurs. Altérer les mœurs. Altérer l'amitié. La diverse nourriture [éducation], Fortifiant en l'un [chien] cette heureuse nature, En l'autre l'altérant, La Fontaine, Fab. VIII, 23. Une pitié qui n'altère en rien leur félicité, Fénelon, Tél. XIX. Mais quel triste mélange altère ce bonheur ! Voltaire, Zaïre, II, 1. Et nos seuls ennemis altérant sa bonté Abusaient contre nous de sa facilité, Racine, Brit. V, 3. Et du méchant l'abord contagieux N'altère point son innocence, Racine, Athal. II, 1. Des interprétations qui en altéraient la pureté, Massillon, Évid. Ce qui peut aboutir à déranger la fortune et altérer les affaires, Massillon, Car. Nombre des élus.
  • 3Agiter, émouvoir péniblement, en parlant des personnes. Quel sujet inconnu vous trouble et vous altère ? Boileau, Sat. III.
  • 4Altérer la vérité, ne pas s'y conformer. Son ingénuité N'altère point encor la simple vérité, Racine, Athal. II, 7.

    Altérer un discours, le rapporter autrement qu'il n'a été prononcé. Altérer un texte, en corrompre le sens. Après avoir altéré saint Grégoire, l'auteur affecte…, Bossuet, Préf.

    Altérer les monnaies, les falsifier

  • 5Exciter la soif. La chaleur altère tous les animaux.

    Absolument. Les salaisons altèrent.

  • 6S'altérer, v. réfl. Se changer en mal. Le vin s'altère à l'air. Les bonnes coutumes s'altèrent peu à peu. La bonne humeur ne s'altère jamais, Bossuet, Lett. quiét. 177. Monsieur, votre visage en un moment s'altère, Molière, l'Étour. III, 2.

HISTORIQUE

XIVe s. Et ainsi sa felicité n'est en riens alterée ne muée, Oresme, Eth. 25.

XVe s. Mais qui s'altere en trop chantant Peut bien trois fois ou quatre, Sans vergongne, boire d'autant, Basselin, I.

XVIe s. Le vin s'altere aux caves, Montaigne, I, 20. Ils souffroient d'estre fouettez jusques à la mort sans alterer leur visage, Montaigne, I, 307. Le degousté charge la fadeur au vin ; l'alteré, la friandise, Montaigne, II, 373. Il se sentit tellement embrasé et alteré, que toute son attente n'estoit qu'à complaire à sa chere captive, Yver, p. 544. Et y estoit la peinture en reputation de retenir la vraye perfection, sans y avoir rien de corrompu ny d'alteré, Amyot, Aratus, 14. Il ne beuvoit jamais estant à la guerre que de l'eau, si ce n'estoit aucunefois qu'il se trouvoit excessivement alteré, Amyot, Caton, 3. De ne plus s'alterer contre [se brouiller avec] les femmes, Carloix, II, 9. Cela les altera tellement que chacun d'eux taschoit à desarçonner son compagnon, Satir. Mén. p. 114. Des estrangers alterez de nostre sang, ib. p. 163. La decoction de deux poulets ou chapons alterés avec ozeille, scabieuse…, De Serres, 947. Estant la personne fort alterée en temps chaud, pourra boire…, De Serres, 948. Les rois de France et de Polongne, sous couleur de porter un mommon, entrent chez Nantouillet, mettent tout par place jusques à rompre les coffres, piller la vaisselle et l'argent monnoié au profit de quelques alterez qui les suivoient, D'Aubigné, Hist. II, 104.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. alterar ; ital. alterare ; d'alterare, de alter, autre (voy. AUTRE). On voit la série des sens : changer, émouvoir, affecter, et, finalement, causer de la soif.