« baiser », définition dans le dictionnaire Littré

baiser

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

baiser [1]

(bè-zé) v. a.
  • 1Appliquer sa bouche sur le visage, la main ou un objet quelconque. Son père le baisa et le congédia. Il portait un reliquaire qu'il baisait avec effusion. Viens baiser cette joue et reconnais la place Où fut jadis l'affront que ton courage efface, Corneille, Cid, III, 6. Et baiser une main qui nous perce le cœur, Corneille, Hor. IV, 4. Apprenons … à trahir nos amis, nos ennemis baiser, Régnier, Sat. IV. Chacun baise en tremblant la main qui nous enchaîne, Voltaire, M. de Cés. II, 2. Il baise avec respect ce vase qu'il me rend, Corneille, Pomp. V, 1. Allons à nos martyrs donner la sépulture, Baiser leurs corps sacrés, les mettre en digne lieu, Corneille, Poly. V, 6. Tu le vois tous les jours, devant toi prosterné, Baiser avec respect le pavé de tes temples, Racine, Esth. Prol. Les colonels [russes] ainsi traités [battus de verges] par leurs soldats, furent encore obligés de les remercier, selon l'usage oriental des criminels, qui, après avoir été punis, baisent la main de leurs juges, Voltaire, Russie, 4.

    Fig. Hé, se peut-il qu'un roi craint de la terre entière, Devant qui tout fléchit et baise la poussière…, Racine, Esth. II, 7. Les rois des nations devant toi prosternés De tes pieds baisent la poussière, Racine, Athal. III, 7. Il faut pouvoir baiser ses fers et aimer son esclavage, Massillon, Bonh. Elle nous fait baiser la main qui nous frappe, Massillon, Dégoûts.

    Baiser la main, porter sa main par respect près de sa bouche, quand on veut présenter ou recevoir quelque chose, ou quand on veut saluer quelqu'un.

    Anciennement, baiser dans le sens de rendre ou de recevoir visite, parce qu'on se baisait à chaque visite. Vous avez donc baisé toute la Provence ? Sévigné, 229.

    Familièrement. Baiser les mains à quelqu'un, lui faire ses compliments. Sur cela je vous baise très humblement les mains, Sévigné, 10. Je baise les mains à monsieur le docteur, Molière, Mar. forcé, 6.

    Ironiquement. Je vous baise les mains, je ne suis pas de cet avis, je ne ferai pas ce que vous voulez. Répare ce malheur et me sois secourable. - Je vous baise les mains, je n'ai pas le loisir, Molière, l'Étour. II, 7. Je vaux bien que de moi l'on fasse plus de cas, Et je baise les mains à qui ne me veut pas, Molière, F. sav. V, 4.

    Fig. Vous devriez baiser la trace de ses pas, c'est-à-dire vous devriez à chaque instant lui prouver votre reconnaissance, votre respect.

    Populairement, à certains jeux, baiser le cul de la vieille, perdre sans prendre un point, sans gagner un coup.

    Terme de féodalité. Baiser le verrou, la serrure, espèce d'hommage du vassal, le seigneur étant absent.

  • 2 Par extension. Toucher légèrement. Ces flots qui baisent sans murmure Les flancs de ce rocher…, Hugo, Orient. 14. L'onde qui baise ce rivage, De quoi se plaint-elle à ses bords ? Lamartine, Méd. II, 15.

    Ancien terme de mathématiques. Avoir une osculation ou un contact de second ordre.

  • 3 Fig. Arriver jusqu'à. Ceux du conseil des finances y entrèrent ce jour-là sans en savoir davantage que le public, ni même si l'affaire baiserait ou non le bureau de ce conseil, Saint-Simon, 284, 113.
  • 4Se baiser, v. réfl. Il est constant qu'elles se baisent de meilleur cœur devant les hommes, Rousseau, Ém. V.

HISTORIQUE

XIe s. Quand l'ot [ouit] Marsile, si l'ad baiset al col, Ch. de Rol. XLIV.

XIIe s. Au departir de li [elle] [il] l'a doucement baisie, Sax. VII. Fait dunc li arcevesques, cui Deus esteit mult près : Sire, à l'onur de Deu e la vostre vus bes, Th. le mart. 109. Si vint devant le rei, si aürad à terre, puis sil baisad li reis, Rois, 172.

XIIIe s. En larmes et en pleurs souvent le baiserai, Berte, VII. La terre mout souvent par humbleté [elle] baisoit, ib. XXVIII. Il deviennent si homme, chascun en foy [il] baisa, ib. CXXXI. Grant joie fait à sa mesnie, Qui devant li est esmaïe, Celui bese et cestui enbrace, Ren. 11851. Et, par behordeïs [combat] de vens, Les undes de mer eslevans, Font les flots as nues baisier, la Rose, 19147. Et tu qui la rose baisas, Par quoi de duel si grant fais as, Que tu ne t'en sez apaisier ? Cuidoies-tu tous jors baisier, Tous jors avoir aide et delice ? ib. 6771. Et ces choses dites, il le doit baisier en fei, et crier quanque il peut : Entrez, Ass. de Jér. I, 30. Et lors vint frere Henri de Ronnay à li, qui avoit passé la riviere, et li besa la main tout armée, Joinville, 228. L'en disoit que la royne Blanche le [le fils d'Élisabeth de Thuringe] besoit ou [au] front par devocion, Joinville, 206.

XIVe s. Toutes bouches qui rient à le fois [parfois], te dist-on, Ne voilent [veulent] pas baisier ; bien souvent le voit-on, Baud. de Seb. XIII, 42.

XVIe s. Ou elle tient Ascaigne qu'elle embrasse, Et baise en luy de son pere la grace, Du Bellay, J. IV, 8, verso. Je sçay le vent Libyen, Je sçay bien Quelz flots ceste coste baisent, Du Bellay, J. IV, 35, recto. De là il donne à ces deux cornettes qui venoient de charger les Suisses, et aux Lanskenets qui ne les avoient fait que baizer [aborder], D'Aubigné, Hist. I, 168. Avant que cette armée eut baisé [gagné] la frontière, D'Aubigné, II, 179. Tout cela exploité si courageusement, que sans la venuë des Anglois ils allaient baiser [atteindre] l'artillerie, D'Aubigné, III, 391. Là sera ajusté et ajencé l'escusson, de telle sorte que l'escorce de la partie superieure baise la ligne traversante [de l'incision de l'arbre], De Serres, 668.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. boisé ; picard, boisier, bager ; wallon, bâhi ; namurois, bauji ; rouchi, basier ; provenç. baisar ; espagn. bezar ; portug. beijar ; ital. baciare ; du latin, basiare.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. BAISER. Ajoutez : - REM.

1. Figurément, baiser les mains signifie aussi dire adieu, renoncer. Elle va louer une maison pour cent ans, et baise très humblement les mains à la pauvre Bretagne, Sévigné, 236. S'il est ainsi, je vous baise les mains, Muses ; gardez vos faveurs pour quelqu'autre, Rousseau J.-B. Liv. I, Epître I.

2. C'est à grand tort que plusieurs écrivains remplacent baiser par embrasser. On lit souvent : il lui embrasse les mains. Ainsi défigurée, la locution devient ridicule.