« bayer », définition dans le dictionnaire Littré

bayer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

bayer

(ba-ié. Il faut se garder de le confondre avec bâiller, dont il se distingue par l'a bref et par l'absence des ll mouillées ; plusieurs prononcent béié, ce qui vaudrait mieux), je baye, tu bayes, il baye ou il baie, nous bayons, vous bayez, ils bayent ou ils baient ; je bayais, nous bayions, vous bayiez, ils bayaient ; je bayai ; je bayerai, baierai ou baîrai ; je bayerais, baierais ou baîrais ; baye, bayez ; que je baye, que nous bayions, que vous bayiez, qu'ils bayent ; que je bayasse ; bayant ; bayé v. n.
  • 1Tenir la bouche ouverte en regardant quelque chose. Je voulus aller dans la rue pour bayer comme les autres, Sévigné, 20. Il trouva sous sa main le comte de la Tour parmi une foule d'officiers qui étaient venus bayer là et faire leur cour à M. de Vaudemont, Saint-Simon, 346, 49.

    Fig. et familièrement. Bayer aux corneilles, regarder en l'air niaisement. Allons, vous, vous rêvez, et bayez aux corneilles, Molière, Tart. I, 1.

  • 2 Fig. Désirer quelque chose avec une grande avidité. Vanité… Qui baye après un bien qui sottement lui plaît, Régnier, Sat. V. Ce verbe vieillit en ce sens.

    Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir.

REMARQUE

Il serait à désirer que la prononciation de ce verbe fût bé-ier et non ba-ier, tant à cause de l'analogie avec payer et de l'ancienne orthographe et prononciation beer, que pour le distinguer de bâiller. Ces deux verbes en effet ont été souvent confondus, et le sont encore. La Fontaine a dit : C'est l'image de ceux qui bâillent aux chimères, La Fontaine, Fabl. II, 13. ; et : Le nouveau roi bâille après la finance ; Lui-même y court pour n'être pas trompé, La Fontaine, ib. VI, 6. Les éditions données par la Fontaine lui même ont baailler (c'est-à-dire bâiller) ; mais c'est une faute de sa part (faute qui prouve qu'il prononçait ba-ier et non bé-ier), et que des éditeurs subséquents ont corrigée avec raison. On lit de même dans St-Simon : Les tables sans nombre et à tous les moments servies ; jusqu'aux bâilleurs les plus inconnus, tout était invité, retenu, 60, 2. Lisez bayeurs, et voy. ce mot.

HISTORIQUE

XIIe s. Mout [je] voi baïe celle gent d'orlenois, Ronc. p. 137. Pinabel ont saisi, qui gist goule baée, ib. p. 196. Et du douz lieu où mes cuers tent et bée, Couci, XVII. N'est pas amours dont on se peut mouvoir, Ne cil amis qui en nule maniere La [l'amour] bée à decevoir, ib. XVIII. … Fins cuers qui bet à haute honeur, Ne se pourroit de tel chose desfendre, ib. XXIV.

XIIIe s. Et que c'est pour noient que rois Flores i bée, Berte, LXVIII. [Une ourse] qui vers lui s'en venoit courant gueule baée, ib. XLVI. Pour qui ferai mais ne chançon ne chant, Quant je ne bé à nule amour ateindre ? , Anonyme, dans Couci. Qui honeur cace [chasse, poursuit], honeur ataint ; Et ki à peu bée à peu vient, Bl. et Jehan, 2. Endementieres que Brun [l'ours] bée, Renart a les coins empoingniez Et à grant peine descoigniez, Ren. 10304. Mais qu'il ne puissent aparçoivre Que vous les beés à deçoivre, la Rose, 7456. Vers le bouton tant me treoit Mes cuers, que aillors ne beoit, ib. 1736. Et quant il sera resaizis, li sires pot propozer contre li ce qu'il bée à demander, en la presence de ses pers, Beaumanoir, 47. Je ne me bée pas à combatre pour vostre querele, Beaumanoir, VI, 16. Or [elle] a quanques demandé a, Or a ce à qu'ele bea, Or a ele sa volonté, Rutebeuf, II, 185. Sire de Joinville, foi que doi vous, je ne bée mie si tost à partir de ci, Joinville, 304.

XVe s. Et si tost après diner ils revenoient devant son hostel, et beoient en la rue, jusques à donc qu'il vouloit aller aval la rue, Froissart, I, I, 65. Et quant je voy que creature humaine à repentir n'à bien faire ne bée, Deschamps, Souffr. du peuple. Et quant ce fut fait, il dit que les Turcs avoyent euxmesmes fait une partie de ce qu'il beoit à faire, Bouciq. I, ch. 32. Nous avons beau coucher en raye, L'oreille au vent, la gueule baye, Villon, Malle paye et Baillevent. Elle s'avança de venir beyer et regarder par les crevances des fenestres, Louis XI, Nouv. C.

XVIe s. Ores des dieux les autelz elle adore, Et de presents chacun jour les honore ; Ores beant aux poitrines sanglantes, Regarde au fond des entrailles saillantes, Du Bellay, J. IX, 8, recto. Tu ne verras beer les portes grandes De la maison espouvantable à veoir, Si paravant tu n'as fait ton devoir, Du Bellay, J. IX, 41, verso. Car c'est de là que vient la fine marchandise, Qu'en beant on admire, et que si hault on prise, Du Bellay, J. 83, verso. Aller beant aprez les choses futures, Montaigne, I, 11. Qui ne bée point aprez la faveur des princes, Montaigne, IV, 165. Nous ne voulons pour conseillers et medecins ceux de Lorraine, qui de long-temps béent après notre mort, Sat. Mén. p. 177. Il acculoyt ses souliers, baisloyt souvent aux mousches, Rabelais, Gar. I, 11. Les gentilz hommes de Beauce desjeunent de baisler, et s'en treuvent fort bien, Rabelais, ib. I, 16. On trouvoit les bestes par les champs, mortes la gueule baye, Rabelais, Pant. II, 2. Ressemblans aux petits oysellets qui ne peuvent encore voler, et qui baillent toujours attendans la becquée d'autruy et voulans que l'on leur baille ja tout masché et tout prest, Amyot, Comment il faut ouir, 28.

ÉTYMOLOGIE

Picard, beer et beyer ; Berry, baier et é-bader, ouvrir, élargir ; wallon, bawi ; namurois, bauï, bâiller et bayer ; rouchi, baier, être étonné ; provenç. badar ; ital. badare. Étymologie incertaine. Le bas-breton bada, être dans l'étonnement, est sans doute emprunté au roman. L'ancien irlandais báith, sot, imbécile, et l'ancien haut allemand beitôn, muser, tarder, n'ont pas le sens primitif de bayer, qui est être béant. Diez propose comme conjecture une onomatopée, ba, exprimant l'ouverture de la bouche, avec un suffixe itare : ba-itare.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

BAYER. - ÉTYM. Ajoutez : Saintong. bader, ouvrir la bouche.