« chevance », définition dans le dictionnaire Littré

chevance

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chevance

(che-van-s') s. f.
  • Le bien qu'on a. En leurs greniers le blé, dans leurs caves les vins : Tout en crève ; comment ranger cette chevance ? La Fontaine, Fab. VII, 6. Et rendre sa chevance à lui-même sacrée, La Fontaine, ib. IV, 20. Ces gens sont sur le point d'emporter leur chevance, La Fontaine, Orais. … tout l'univers ne vaut pas la chevance Que je rencontre ici, La Fontaine, Pet. chien. Il est force que le peuple croisse, ayant repos, biens et chevance, peu de soldats et point de moines, Courier, I, 189. S'il triomphe, il épousera Yseult en dépit des clercs ; s'il est vaincu, je confisquerai sa chevance, Dusillet, Yseult de Dôle, ch. I.

    Ce mot vieillit, mais il peut encore être très bien employé.

HISTORIQUE

XIIe s. Pour ce vaut mieux Dieu servir, je vous di, Qu'en li n'affiert [n'importe] ne aeur [heur, fortune] ne chevance, Quesnes, Romancero, p. 98.

XIIIe s. Nos ne poons mais de ci movoir devant la Pasque, quar nous ne troverions mie chevance en autre leu, Villehardouin, XLIX. Esperance confort li livre [lui donne confort], Qu'il se cuide veoir delivre Encor par aucune chevance, la Rose, 2629. Por Dieu vos pri, frans rois de France, Que me doniez queilque chevance : Si feriez trop grant charitei, Rutebeuf, 1. Le roy amoit toutes gens qui se metoient à Dieu servir et qui portoient habit de religion ; ne nulz ne venoit à li qui faillist à avoir chevance de vivre, Joinville, 298.

XIVe s. Et vous jure que ce sont et estoient les plus honorables et notables de corps, de chevance et d'ancesterie de la ville de Calais, Froissart, I, I, 321.

XVe s. Qui bon conseil croit et quiert, Honneur et chevance acquiert, Christine de Pisan, Charles V, I, ch. 15. Il se devoit mieulx dire de luy qu'il perdit honneur et chevance ce jour, que l'on ne fist du roy Jehan de France, qui vaillamment fut prins à la bataille de Poictiers, Commines, V, 1. Fortune, qui ennemie et deplaisante estoit de leur bonne chevance, fit tant, que le mari trouva la brigade en present mefet, Louis XI, Nouv. LXVII.

XVIe s. J'ay ainsi ma chevance mieulx logée qu'en des coffres, Montaigne, IV, 11. Stilpon estant eschappé de l'embrasement de sa ville, où il avoit perdu femme, enfans et chevance, Montaigne, I, 277. Feraulez, qui avoit passé par les deux fortunes et trouvé que l'accroist de chevance n'estoit pas accroist d'appetit au boire, manger, dormir…, Montaigne, I, 317. Perseus ne voulut pas, pour sauver sa propre personne, ses enfans et son royaume, despendre un peu de sa chevance, Amyot, P. Aem. 19. Il [Persée] trainnoit après luy une grande chevance, Amyot, ib. 37.

ÉTYMOLOGIE

Ital. civanza, civanzo, profit, bénéfice, et civire, se procurer. Ce mot a même radical que chevir, c'est-à-dire chef ; la chevance est ce dont on est venu à chef, ce qui sert, ce que l'on possède. Comme l'italien civire ne peut venir de capo, qui répond à chef, Diez suppose que civire a été emprunté de chevir ; ce qui vient, outre la forme du mot, à l'appui, c'est que civire, civanza ne sont cités que de Boccace dans le Dictionnaire de la Crusca.