« conquérir », définition dans le dictionnaire Littré

conquérir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

conquérir

(kon-ké-rir), je conquiers, tu conquiers, il conquiert, nous conquérons, vous conquérez, ils conquièrent ; je conquérais ; je conquis, nous conquîmes ; je conquerrai ; conquiers, qu'il conquière, conquérons, conquérez, qu'ils conquièrent ; que je conquière, que tu conquières, qu'il conquière, que nous conquérions, que vous conquériez, qu'ils conquièrent ; que je conquisse ; conquérant ; conquis v. a.
  • 1Soumettre par les armes. Les Romains conquirent les Gaules. Les Français ont conquis l'Algérie. C'est mon trône, c'est moi qu'on prétend conquérir, Corneille, Sertor. V, 3. S'il avait pu conquérir le monde entier, il en aurait cherché un nouveau pour satisfaire l'avidité de ses désirs, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. VI, p. 583, dans POUGENS. Voir, c'est avoir, allons courir, Car tout voir c'est tout conquérir, Béranger, Bohémiens.

    Absolument. Et ce n'est que pour vous que vous avez conquis, Corneille, Nicom. II, 3. Il aime à conquérir, mais il hait les batailles, Corneille, Attila, IV, 1. Il semblait qu'ils ne conquissent que pour donner, Montesquieu, Rom. 5. C'était une manière lente de conquérir ; on vainquait un peuple et on se contentait de l'affaiblir, Montesquieu, ib. 6. L'empereur écoute encore ; le bruit augmente ; est-ce donc une bataille, s'écrie-t-il ? Chaque décharge le déchire ; car il ne s'agissait plus pour lui de conquérir, mais de conserver, Ségur, Hist. de Nap. IX, 2.

  • 2 Fig. Conquérir le ciel. Conquérir son rang. Conquérir l'estime. J'ai conquis votre cœur au péril de ma vie, Corneille, Perthar. I, 4. Mais quoique sa valeur t'ait conquise aujourd'hui…, Corneille, Cid, V, 8. Il peut me conquérir à ce prix sans danger, Racine, Andr. V, 2. Et n'apprendrez-vous point à conquérir des cœurs ? Voltaire, Alz. IV, 1.
  • 3Se conquérir, v. réfl. Faire la conquête l'un de l'autre. Ces hordes se conquièrent sans cesse les unes les autres, Montesquieu, Esp. XVIII, 19.

    Être conquis, gagné, obtenu. Ici la faveur se conquiert par le mérite.

HISTORIQUE

XIe s. Tresqu'en la mer cunquist la tere altaigne, Ch. de Rol. I. Par tantes terres est alet cunquerant, ib. X. Que Charles die qu'il [Roland] fust mort cunquerant [victorieux], ib. CLXX.

XIIe s. Par vous a Charles tantes terres conquis, Ronc. p. 87. Et sont o lui bien cent mil conquirant, ib. 122. Or [je] voil aler vers France conquirant, ib. p. 119. Car qui ce tolt [ravit] dont [il] ne puet faire don, Il en conquiert [s'en fait] enemis et meslée, Couci, VI. [Je] ne sai se jà l'aurai [ma dame] à moi conquise, ib. X. Jà de mon cuer n'istra mais la semblance Dont [ma dame] me conquist as mots pleins de douçor, ib. XVI. Et là doit-on faire chevalerie, Où on conquiert paradis et honour Et prix et los et l'amour de s'amie, Quesnes, Romancero, p. 93. Car vous avez plus perdu que conquis, Quesnes, ib. p. 101. Anseys le conquist [son ennemi] à l'espée d'acier, Sax. IV. Encor ne nous a pas Charles à sers [serfs] conquis, ib. XXVI. [Il] Ne volt acunte rendre de tut ço qu'en a pris, Ne suffrir jugement, mal los i a conquis, Th. le mart. 53.

XIIIe s. Nostre chevalier et nostre sergant monterent par vive force sur les eschieles et conquistrent le mur sur aus [eux], Villehardouin, LXXVI. Et bien sembloit estoire [flotte] qui terre deüst conquerre, Villehardouin, LX. Seigneur, nos avons ceste ville conquise, la merci Dieu et par la vostre, Villehardouin, XLIX. Seignor, dist-il, vostre merci, Conquis m'avez à vostre ami, Ren. 7070. Or te voil dire et conseillier Que l'Amors metes en oubli, Dont ge te voi si afoibli, Et si conquis et tormenté, la Rose, 3033. C'est cele qui fait à usure Prester mains [qui fait que maints, plusieurs prêtent à usure], par la grant ardure D'avoir conquerre et assembler, ib. 176. Quant la sainte cité de Jerusalem fu conquise sur les ennemis de la croiz et remise el poeir des feauz Jhesu Crist…, Ass. de J. I, 21. S'il avient que li detere [débiteur] qui à l'un donna toutes ses cozes por paier, conquiert de novel [gagne de nouveau], il n'est pas quites envers les creanciers, Beaumanoir, LIV, 6. Si ont tuit de leur volenté Au roi Loeys creanté, Que d'Aubugois [d'Albigeois] la crois presist, Et sien fust quan qu'il conquesist Tout quitement lui et son oir, Ph. Mouskes, ms. p. 688, dans LACURNE.

XVe s. Il leur sembla qu'ils seroient forts et puissants assez pour la conquerre [la France], Froissart, I, I, 97. Et firent tant finalement que la porte fut conquise, Froissart, I, I, 138. Et estions pour lors tous seigneurs des champs et des rivieres, et y conquerismes, nous et les nostres, très grand finance, Froissart, II, III, 15. En Flandres, où il conquit la bataille de Rosebecque, Monstrelet, liv. I, ch. 1.

XVIe s. Mais bel Accueil m'a faict d'assez bons tours, En me laissant maints baisers conquerir, Marot, II, 326. Tant de nations si injustement conquises, Montaigne, IV, 85. Qu'un seul eschelle une forteresse, qu'il assaille une armée, qu'il conquiere un royaume, Montaigne, IV, 349. Nous conquerrons sans difficulté tout le reste de l'Italie, Amyot, Pyrrh. 130.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. conquerer, conquerir, conquerre ; espagn. conquerir ; ital. conquidere ; du latin conquirere, de cum et quaerere (voy. QUERIR). L'ancien infinitif était conquerre, dérivé directement de conquirere, où l'accent est sur qui.