« cruche », définition dans le dictionnaire Littré

cruche

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

cruche

(kru-ch') s. f.
  • 1Vase en poterie à large panse. Aller querir de l'eau avec une cruche. D'un vin pur et vermeil il fait remplir sa coupe ; Il l'avale d'un trait, et, chacun l'imitant, La cruche au large ventre est vide en un instant, Boileau, Lutr. I. Le pilote couronné de fleurs laissait le gouvernail et tenait en sa main une grande cruche de vin qu'il avait presque vidée, Fénelon, Tél. IV.
  • 2Quantité de liquide contenue dans une cruche. Une cruche d'huile. Répandre une cruche d'eau. Joseph ne cessa de me donner à boire de grandes cruches d'eau, Chateaubriand, Itin. 245. Une cruche de vin de Falerne se vendait cent deniers romains, Montesquieu, Esp. VII, 2.
  • 3 Familièrement. Personne ignorante et stupide. J'aimerais mieux cent fois être grosse pécore, Devenir cruche, chou, lanterne, loup-garou, Et que monsieur Satan vous vînt tordre le cou, Molière, l'Étour. I, 11. Cornes cela ! vous me prenez pour cruche ! Ce sont oreilles que Dieu fit, La Fontaine, Fabl. V, 4. Le cousin me connaît ; oh ! je ne suis pas cruche, Tel que vous me voyez, Regnard, le Bal, 7. N'y aurait-il pas moyen de réveiller le deux-cents [nom d'un conseil à Genève] ? s'il ne voit pas ici son intérêt, ses membres ne sont que des cruches, Rousseau, Lett. à M. d'Ivernois, Corresp. t. VI, p. 161, dans POUGENS.

    Vous le feriez devenir cruche, se dit à ceux qui veulent trop s'opiniâtrer ou trop tourmenter un homme.

PROVERBE

Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse ou qu'en fin elle se brise, c'est-à-dire quand on s'expose souvent à quelque danger, à quelque tentation, on y succombe.

Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle s'emplit, arrangement du proverbe par Beaumarchais, pour signifier qu'une fille qui s'expose finit par succomber.

HISTORIQUE

XVe s. Jehanne print sa cruye ou bouteille, pour aler à l'eaue en une fontaine, Du Cange, oruga. Pour ce est bien dit que tant va la cruche à l'eaue que le cul y demeure, Le Chev. de la Tour, Instr. à ses filles, f° 33, dans LACURNE.

XVIe s. La cruche va si souvent à la fontaine, qu'à la fin elle se rompt le col, Despériers, Contes, LXXXI. Telle terre, telle cruche, Cotgrave Ce chien, estant en peine d'avoir l'huile qui estoit dans le fond d'une cruche où il ne pouvoit arriver de la langue, alla querir des cailloux et en meit dans cette cruche jusques à ce qu'il eust faict haulser l'huile plus prez du bord, où il la peust attaindre, Montaigne, II, 176.

ÉTYMOLOGIE

Kymri, crwc, dont le radical est aussi dans l'allemand : anc. h. allem. cruoc, krôg ; allem. mod. Krug.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CRUCHE. - HIST. Ajoutez : XIVe s. Guillaume le potier… pour un millier de cruches (1322), Varin, Archives administr. de la ville de Reims, t. II, 1re partie, p. 301.