« danger », définition dans le dictionnaire Littré

danger

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

danger

(dan-jé ; l'r ne se prononce et ne se lie jamais ; au pluriel, l's se lie : des dan-jé-z imminents) s. m.
  • 1 Terme de droit féodal, et d'eaux et forêts. Droit qu'avait le seigneur et plus tard le roi sur les forêts de Normandie, consistant en ce que les propriétaires ne pouvaient les vendre ni les exploiter sans sa permission et sans lui payer le dixième, sous peine de confiscation.

    Bois sujet au tiers et au danger, c'est-à-dire qui paye un droit consistant dans le tiers de la vente, et dans le tiers prélevé au profit du roi.

    Danger seigneurie, défenses, douanes, exactions, confiscations, etc. que les seigneurs des lieux exercent sur les marchands et sur les vaisseaux qui font naufrage sur leurs côtes.

    Fief de danger, celui dont on ne peut prendre possession sans avoir fait hommage et payé les droits au seigneur, à peine de confiscation.

    Ces termes du droit féodal s'expliquent par le sens primitif de danger, qui est domination, puissance.

  • 2 Par extension du sens de domination et de puissance, situation, conjoncture, circonstance qui compromettent la sûreté, l'existence d'une personne ou d'une chose. Il y a du danger à suivre cette entreprise. Je demeure en danger que l'âme, qui est née Pour ne mourir jamais, meure éternellement, Malherbe, I, 4. Plus j'y vois de hasard, plus j'y trouve d'amour ; Où le danger est grand, c'est là que je m'efforce, Malherbe, V, 4. Et tandis que moi seul j'en courrai le danger, Corneille, Pomp. II, 2. … Vos seuls intérêts me mettent en danger, Corneille, Nicom. V, 6. Blésus était en danger de sa vie, Perrot D'Ablancourt, Tac. 21. Alexandre fut cent fois en danger manifeste de sa vie, Saint-Évremond, II, 134. Hé ! mon ami, tire-moi du danger, Tu feras après ta harangue, La Fontaine, Fabl. I, 19. Un orateur voyant sa patrie en danger Courut à la tribune…, La Fontaine, ib. VIII, 4. La vraie épreuve du courage N'est que dans le danger que l'on touche du doigt, La Fontaine, ib. VI, 2. Le trop d'attention qu'on a pour le danger Fait le plus souvent qu'on y tombe, La Fontaine, ib. XII, 18. Si ces personnes étaient en danger d'être assassinées, Pascal, Prov. 11. La goutte se rejeta sur les genoux et sur les pieds, et le voilà hors de danger, Sévigné, Lett. du 9 fév. 1680. Monsieur, où courez-vous ? c'est vous mettre en danger, Racine, Plaid. II, 13. La guerre met un État en danger de périr, Fénelon, Tél. XI. Il n'y avait point de Tyrien qui ne fût en danger d'être l'objet de ses défiances, Fénelon, ib. VIII. Ta gloire est en danger, ta tombe est entr'ouverte, Voltaire, Fanat. IV, 1. Il [Napoléon] donne ordre qu'on laisse toujours sur sa table le résumé qui l'éclaire sur les dangers de sa position, Ségur, Hist. de Napol. II, 4.

    Terme de mer. Toute roche, tout écueil, tout bas-fond, tout haut-fond, à l'approche ou au contact duquel un navire peut courir un danger.

  • 3Au sens actif, en parlant des choses, le péril qu'elles produisent. Le danger des mauvaises doctrines.
  • 4 Familièrement, inconvénient. Il n'y a pas de danger d'entrer, vous ne les dérangerez pas.

    Populairement et ironiquement. Il n'y a pas de danger, c'est-à-dire soyez sûr que je n'en ferai rien. Certes je ne lui prêterai plus d'argent, il n'y a pas de danger.

SYNONYME

DANGER, PÉRIL, RISQUE. Risque se distingue nettement et facilement des deux premiers ; il contient moins l'idée de péril que celle de chance aléatoire, mais considérée de son mauvais côté ; quand un homme joue à la bourse, il fait courir des risques, un risque à sa fortune ; mais si, ayant joué à la baisse, la hausse survient, sa fortune n'est plus seulement en risque, elle est en péril. Il est plus difficile d'établir la distinction entre danger et péril. Ceux qui ont dit que danger impliquait l'idée de dommage se sont fondés sur une fausse étymologie ; le fait est que le sens primitif en est pouvoir, autorité. Aussi en a-t-il conservé quelque chose et c'est même par là surtout qu'il se distingue de péril ; car, dans son acheminement vers le sens de péril, il s'en est tant approché qu'il s'y est presque confondu. Ce sens d'autorité, de pouvoir, qui lui est primitif, tandis qu'il ne l'est pas à péril, fait qu'il peut être employé au sens actif, tandis que péril ne le peut pas. Le danger de cet homme, le péril de cet homme, signifiant le danger, le péril que court cet homme, sont absolument synonymes ; là, danger et péril ont un sens passif et expriment la situation où cet homme est mis. Mais, au sens actif, au sens de mettre en danger, c'est non pas péril, mais danger qui se dit : le danger des mauvaises doctrines signifie non pas que les mauvaises doctrines sont en péril, mais qu'elles causent du péril. Cela se prolonge dans les adjectifs dangereux et périlleux : une navigation dangereuse, une navigation périlleuse sont synonymes et expriment qu'il y a du danger, du péril dans une navigation ; mais un homme périlleux ne se dit pas et ne peut se dire ; au contraire un homme dangereux se dit et signifie un homme qui, d'une façon quelconque, fait courir du danger aux autres. On doit ajouter que, dans l'usage, péril emporte souvent l'idée d'un danger plus grand.

HISTORIQUE

XIIe s. Desor tous autres rois [vous] auriez le dangier [domination], Sax. VI. Nuls ne nous faisoit guerre ne ne menoit dongier, ib. XVI.

XIIIe s. Enciez [avant] qu'il [l'Amour] vint, si m'escria : Vassal, pris ies [tu es], noient n'i a Du contredire, ne du defendre ; Ne fai pas dangier [résistance] de toi rendre, la Rose, 1896. Chascuns ot quatre tours desous lui à baillier, Li uns d'aus [eux] en ot sis, plus ot à justicier, Et desous Garsions ot cil tout le dangier [pouvoir], Ch. d'Ant. VI, 270. Si li respondirent iriéement come cil qui gaires ne prisoient son dongier, Merlin, f° 30. Les tables mises, grans et hautes ; De mes [mets] n'i a dangier [défense] ne fautes, Partonop. V. 967.

XVe s. La riviere qui queurt parmi la ville de Caen, qui porte grosse navire, estoit si basse et si morte, qu'ils la passoient et repassoient à leur aise, sans danger du pont, Froissart, I, I, 272. Quant Hue le despensier vit qu'il ne pouvoit retraire la roine en Angleterre et [la] remettre en son danger [pouvoir de lui Hue] et du roi son mari, Froissart, I, I, 11. Les cardinaux, qui se veoient au danger [pouvoir] des Romains…, Froissart, II, II, 20. Luxurieux ort, sale et aveugle Ne voit pas le dangier où il plonge, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 341. En son dangier [pouvoir] bouter ne m'oseroye ; Car ses tourmens endurer ne pourroye, Orléans, 1. Elle escouta voulentiers, mais pour la presence du Dangier [personnage du roman de la Rose qui tient la belle en captivité] qui trop près estoit, guere ne respondit, Louis XI, Nouv. XXXVII.

XVIe s. Combien que la peste y fust par la plus grande part des maisons, nul n'en print dangier [mal], Rabelais, Gar. I, 27. Sans plus penser au danger des calumniateurs, Amyot, Alc. 36. Et en parlant, par gestes monstroit bien, Que ses advers il ne doubtoit de rien, Ne leur danger [puissance] …, Marot, J. V, 100. Bonne honte sort de danger, Baïf, Mimes, f° 15, dans LEROUX DE LINCY, Prov. t. II, p. 253. En trop fier git le dangier, ib. t. II, p. 295, GABR. MEURIER, Trésor des sentences. Sans danger on ne vient jamais au dessus du danger, ID. ib. t. II, p. 414.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, dangî. nécessité, danger ; bourguig. daingé ; normand, dangier, puissance ; Bretagne, danger, répugnance ; provenç. dangier, difficulté. Raynouard et Diez tirent ce mot de damnum, dommage ; mais cela n'explique ni le sens ni la forme : le sens, car dangier signifie le plus souvent pouvoir, autorité ; la forme, car damnum ne peut produire l'o, qui est dans dongier, aussi autorisé que dangier. Il faut donc trouver un mot qui puisse fournir également l'a et l'o ; or c'est ce qu'on trouve dans dominiarium (on trouve dominiaria, au pluriel neutre dans Du Cange) dérivé de dominium ; car dominus donne à la fois dom et dam, et domina, dome et dame. Dominiarium satisfait à l'autre condition, puisqu'il signifie possession et pouvoir. Maintenant comment, de ce sens, le mot a-t-il passé à celui de péril ? On le comprendra en examinant, par exemple, ce texte de Froissart où il est dit que les cardinaux étaient au danger des Romains ; s'ils étaient au danger c'est-à-dire au pouvoir des Romains, ils étaient aussi par là en péril ; là est la transition. Le sens, aujourd'hui perdu, de résistance, de difficulté, s'explique de même. Pour que damnum fût intervenu dans la signification, il faudrait qu'à un point de l'historique le sens de dommage se montrât avant celui de péril : or il n'en est rien ; la trame de l'historique est serrée : elle va du sens de domination, de résistance, de difficulté, à celui de péril. Palsgrave, p. 60, au XVIe siècle, dit expressément que l'i se prononçait dans dangier.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DANGER. - HIST. XVe s. Ajoutez : Et encore est en danger [dépendance] de touz ses serviteurs pour le service qu'il luy fault, qui est bien grand, les Quinze Joyes de mariage, p. 85.

XVIe s. Permettons à noz sujets chasser de leurs terres et dangers, à cris et jets de pierres, toutes bestes rousses et noires qu'ils trouveront en dommages, sens toutesfois les offenser, Ordonn. janv. 1560.