« dignité », définition dans le dictionnaire Littré

dignité

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dignité

(di-gni-té ; au XVIe siècle, Palsgrave, p. 43 et 57, dit qu'on prononçait dinité) s. f.
  • 1Fonction éminente dans l'État ou l'Église. La dignité épiscopale. Le roi qui s'en souvint à son heure fatale, Me laisse comme à vous la dignité royale, Corneille, Pomp. I, 3. Toutes les dignités que tu m'as demandées, Je te les ai sur l'heure et sans peine accordées, Corneille, Cinna, V, 1. Quitte ta dignité comme tu l'as acquise, Corneille, ib. IV, 2. Ma vie est en vos mains, mais non ma dignité, Corneille, Nic. III, 1. Soutenir jusqu'au bout la dignité de reine, Corneille, D. Sanche, II, 1. De votre dignité soutenez mieux l'éclat, Boileau, Lutr. I. Qu'est-ce qu'une dignité, j'entends surtout dans les principes du christianisme, smon une spécieuse servitude, dit saint Basile de Séleucie ? Bourdaloue, Dim. de la Septuagés. Dominic. t. I, p. 368. Il y a pour arriver aux dignités ce qu'on appelle la grande voie ou le chemin battu ; il y a le chemin détourné ou de traverse, qui est le plus court, La Bruyère, VIII. Les versions grecques ni les versions latines ne nous donnent point d'idées justes des dignités chaldéennes marquées dans Daniel et dans Ézéchiel, Fleury, Mœurs des Israél. tit. XXV, 2e part. p. 325, dans POUGENS. Ils [les Pharisiens] étaient des hommes constitués en dignité, Voltaire, Phil. II, 165.
  • 2En quelques églises, certains bénéfices auxquels est annexée quelque juridiction ecclésiastique, quelque prééminence ou quelque fonction particulière dans le chapitre, comme celles de prévôt, doyen, trésorier, archidiacre, ou dans le chœur, comme celle de chantre, etc.

    Personnes qui possèdent ces bénéfices. Il y a des cathédrales où toutes les dignités portent la robe rouge.

  • 3Se dit des choses où l'on sent éminence et noblesse. Il comprit toute la dignité de son sujet. Quand on n'aurait point de considération pour une telle grandeur que celle de Dieu, il en faudrait avoir pour une telle vieillesse que celle de sa parole, et reconnaître le mérite des choses anciennes, quand on ne pourrait pas comprendre la dignité des choses divines, Guez de Balzac, Socr. chrét. disc. 7. Madame, pour laisser toute sa dignité à ce dernier effort de générosité, Corneille, Hérac. II, 7. Pour donner plus de dignité à l'action, Corneille, Ex. de Poly. Je sais peu de mes droits quelle est la dignité, Voltaire, Mérope, IV, 2.

    Sens analogue, en parlant des personnes. Toute la dignité de l'homme est en la pensée ; mais qu'est-ce que cette pensée ? qu'elle est sotte ! Pascal, Pensées, art. XXIV, 53, éd. Lahure, 1860. On ne sent pas les ténèbres d'une raison déchue de sa dignité, Massillon, Myst. Assomp.

  • 4Respect qu'on se doit à soi-même. Compromettre sa dignité. Il a perdu toute dignité.
  • 5Gravité dans les manières. Ses manières sont pleines de dignité. Parler, agir avec dignité. Son port avait de la dignité. Une gravité trop étudiée devient comique, ce sont comme des extrémités qui se touchent, et dont le milieu est dignité, La Bruyère, XII. Et de tout cela ensemble se forme un air de dignité qui n'appartient qu'à la vertu et que les dignités mêmes ne donnent point, Fontenelle, Dodart. Là brillaient sans orgueil mais non sans dignité Les Périclès, et les Alcibiades, Delille, Convers. Prol.
  • 6Affectation d'importance, de grandeur. Son air de dignité fait rire.
  • 7 Terme d'astrologie. Situation d'une planète dans le signe où elle a le plus d'influence.

HISTORIQUE

XIe s. Que nous perdons l'onur ne la deintet, Ch. de Rol. III.

XIIe s. Nel ferai, fait li il ; divine dignité Ne rendrai à lai [laïque] humme en trestut mon eé [âge], Th. le mart. 41. Et quand je fui à Londres esliz et alevez à ceste dignité…, ib. 44.

XIIIe s. Et rescrit ne vaut riens en tel quas, s'il ne fet mention de la digneté, Liv. de Jost. 14.

XIVe s. Il sont pires en tant comme il ne ont en eulx nulle dignité ou esperance de bien, Oresme, Eth. 88. Le fort œuvre et sueffre toutes choses selon la digneté de la vertu, Oresme, ib. 80.

XVIe s. Nous sommes quelque chose, non point par nostre dignité [mérite], mais en tant qu'il [Dieu] nous en estime dignes par sa grace, Calvin, Instit. 442. [Archimède] pensoit en cela [par des applications pratiques] avoir corrompu la dignité de son art, Montaigne, I, 141.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. dignitat, dignetat ; espagn. dignidad ; ital. dignità, degnità ; du latin dignitatem, de dignus, digne. La forme originale est deintet ; les autres ont été refaites sur le latin au XIIe siècle.