« empoisonner », définition dans le dictionnaire Littré

empoisonner

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

empoisonner

(an-poi-zo-né) v. a.
  • 1Infecter de poison. Empoisonner des viandes. Empoisonner un fruit. Certains sauvages empoisonnent leurs flèches.

    Empoisonner un étang, un cours d'eau, y jeter des substances propres à faire mourir le poisson.

    Empoisonner des terres, jeter dans les terres des choses propres à tuer les chiens, afin d'empêcher la chasse.

    Fig. Je ne demandais pas à gémir auprès d'eux, à respirer encore un air qu'ils empoisonnent, Voltaire, Triumv. II, 1. Il ne se contenta pas d'aiguiser, il empoisonna ses traits, D'Olivet, Hist. Acad. t. II, p. 311, dans POUGENS.

  • 2Faire prendre du poison à dessein de causer la mort. Empoisonner un homme. Empoisonner un chien.

    Il se dit aussi des substances vénéneuses. La noix de galle empoisonne les chiens.

    Absolument. Certains champignons empoisonnent.

    Il se dit de la communication d'une maladie honteuse. Cette malheureuse fille l'a empoisonné.

  • 3 Par exagération. Faire manger quelque chose de très mauvais. Je sors de chez un fat qui, pour m'empoisonner, Je pense, exprès chez lui m'a forcé de dîner, Boileau, Sat. III.
  • 4Exhaler une odeur infecte. Cela empoisonne toute la salle.

    Absolument. Les exhalaisons de cet étang empoisonnent.

  • 5Remplir de choses nuisibles. Votre prairie est empoisonnée de mauvaises herbes. Ce champ est empoisonné de rats et de sauterelles.
  • 6Au moral, remplir de quelque chose comparé à un poison. On nous empoisonne de mauvais romans. Et ce qui plus encor m'empoisonne de rage, Régnier, Sat. V. Un je ne sais quel trouble empoisonne ma joie, Racine, Esth. II, 1. Des plaisirs qui ont empoisonné toute la douceur de sa vie, Massillon, Av. Mort du péch. Son rang même, ses bienséances, ses devoirs, tout empoisonne sa passion criminelle, Massillon, Pet. car. Malh. Les chagrins qui empoisonnent la vie humaine, Massillon, Prof. rel. 4. Oui je veux dans son cœur Empoisonner sa joie, y porter ma douleur, Voltaire, Oreste, I, 2. Une passion funeste pendant cinq ans empoisonna ma vie, Genlis, Théât. d'éduc. la Mère rivale, II, 7.
  • 7Corrompre l'esprit, le cœur. Cette doctrine a empoisonné beaucoup d'esprits. Photin et ses pareils Vous ont empoisonné de leurs lâches conseils, Corneille, Pomp. I, 3. Ceux que vous trompez depuis si longtemps, soit en les laissant dans leurs désordres par votre mauvaise conduite, soit en les empoisonnant par vos médisances, Pascal, Prov. 16. Pallas de ses conseils empoisonne ma mère, Racine, Brit. II, 1. Qu'entends-je ? quel conseil ose-t-on me donner ? Ainsi donc jusqu'au bout tu veux m'empoisonner, Malheureuse ! voilà comment tu m'as perdue, Racine, Phèdre, IV, 6. Ses maîtres avaient empoisonné par la flatterie son beau naturel, Fénelon, Tél. II. On avait empoisonné mon cœur dès ma plus tendre enfance, Fénelon, ib. XII. Le luxe empoisonne toute une nation, Fénelon, ib. XXII.

    Il lui a empoisonné l'esprit, c'est-à-dire il lui a inspiré d'injustes sentiments de défiance, de soupçons.

  • 8Prendre et offrir le mauvais côté des choses, les dénaturer malignement. Les médisants empoisonnent tout. Ne m'empoisonnez pas vos bienfaits les plus doux, Molière, Mélic. II, 1. Les rapporteurs, nation maligne, qui empoisonne les choses innocentes, Fénelon, Tél. XXIV. Tandis que vos concurrents, que vos amis prétendus peut-être… empoisonnent vos discours et vos démarches les plus innocentes, Massillon, Car. Injust. du monde. L'esprit prévenu contre lui, et plus disposé à empoisonner ses bonnes actions qu'à faire grâce à ses mauvaises, Lesage, Estev. Gonzalez, VII.
  • 9S'empoisonner, v. réfl. S'administrer du poison. Il s'est empoisonné, mais des secours donnés à temps l'ont sauvé.

    Fig. Quand les passions sont maîtresses, elles sont vices ; et alors elles donnent à l'âme de leur aliment, et l'âme s'en nourrit et s'en empoisonne, Pascal, dans COUSIN.

    Devenir comme un poison. C'est ainsi, mes frères, que tout s'empoisonne entre nos mains, et que tout nous éloigne de Dieu, Massillon, Car. Injust. du monde.

HISTORIQUE

XIe s. Si home enpuissuned altre, seit ocis, Lois de Guill. 38.

XIIe s. De ço fu il acusez à Eupator ; e cil le fist empoisoner, e fu morz, Machab. II, 10. Ainques [jamais] dou buvraige ne bui [je ne bus du breuvage] Dont Tristan fu enpoissonnez, Chrestien de Troyes, dans HOLLAND, p. 232.

XIIIe s. D'amour et de sa poison, Sire, estes empoisonnez, Grieviler, dans Bibl.des Chartes, 4° série, t. V, p. 33. Fuiés, enfans, car il enherbe, Et empoisonne et envenime Tout homme qui de il s'aprime [s'approche], la Rose, 16755. Encore sont il dui cas de crieme, li uns si est d'autrui empoisoner, et li secons d'estre omicides de li meismes, si comme de celi qui se tue à escient, Beaumanoir, XXX, 14.

XVIe s. On leur faict accroire que l'on peult empoisonner une lettre par la pouldre que l'on met sur l'escriture, Carloix, VI, 10. Il y a quelques nations barbares qui empoisonnent leurs armes, Amyot, Comment refréner.... 22.

ÉTYMOLOGIE

En 1, et poison ; bourguig. empousenoi, infecter ; provenç. empoizonar ; portug. empeçonhentar.