« entêter », définition dans le dictionnaire Littré

entêter

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

entêter

(an-tê-té) v. a.
  • 1Remplir la tête de vapeurs qui l'incommodent. Les chèvrefeuilles ne m'entêtent point, Sévigné, 144.

    Absolument. Le charbon en-tête.

  • 2 Fig. Porter à la tête des fumées d'orgueil, de vanité, etc. Sa grandeur l'en-tête. La qualité l'entête, et tous ses entretiens Ne sont que de chevaux, d'équipage et de chiens, Molière, Mis. II, 5. Et de quoi vous sert donc d'être auprès d'un grand prince, Si ces titres d'honneur ne vous entêtent pas ? Boursault, Fabl. d'Ésope, I, 2. Voilà donc, répliqua Socrate, ce qui vous entête, un point de terre imperceptible [les biens-fonds d'Alcibiade], Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. IV, p. 373, dans POUGENS. Retranchez ces petits agréments-là de votre discours ; ce sont des fleurs de rhétorique qui m'entêtent, Marivaux, la Fausse suivante, II, 6.

    Absolument. Les louanges entêtent.

  • 3Prévenir d'une passion pour. Qui vous a entêté de cette personne ? Vous ne m'entêterez pas d'une pareille opinion. Pourquoi m'avez-vous entêtée d'une chose que les gens qui m'estiment ne peuvent pas croire que je soutienne sérieusement ? Fontenelle, Mondes, 6e soir. P. Lentulus s'était laissé entêter de je ne sais quelles prédictions qui promettaient, disait-on, l'empire à trois Cornelius, Vertot, Rév. rom. XII, p. 166. L'art d'entêter les hommes, Lesage, Gil Blas, IX, 6. Si vous pouvez entêter cette fille jusqu'à l'obliger de vous épouser, vous serez à votre aise le reste de vos jours, Lesage, Est. Gonzalez, ch. 4. L'archevêque Laud avait fait beaucoup de mal à Charles 1er en l'entêtant de la suprématie épiscopale, Chateaubriand, Stuarts, 207.
  • 4 Terme d'épinglier. Attacher la tête d'une épingle à la hanse, de manière qu'elle paraisse y avoir été soudée. Un ouvrier en-tête communément 8 à 9 milliers d'épingles en un jour.
  • 5S'entêter, v. réfl. Prendre des préventions favorables et tenaces à l'égard de quelqu'un. Écoutez, n'allez pas vous entêter de ce petit vilain-là, La Fontaine, Coupe enchant. sc. 12. La dame s'était entêtée depuis peu du comédien Octave, premier acteur de la troupe du prince, Lesage, Est. Gonzalez, ch. 26.

    Il se dit des choses comme des personnes. Il n'est point à propos d'engager les filles dans des études dont elles pourraient s'entêter, Fénelon, t. XVII, p. 4. Ne méprisez personne, ne vous entêtez de rien, Maintenon, Lett. à Mme de Caylus, 1705, t. VI, p. 4, dans POUGENS. Quand les philosophes s'entêtent une fois d'un préjugé, ils sont plus incurables que le peuple même, parce qu'ils s'entêtent également et du préjugé et des fausses raisons dont ils le soutiennent, Fontenelle, Oracl. I, 8.

  • 6Tenir fortement à sa volonté, à ses opinions. Il s'entête dans cette détermination. Ce vice si commun de croire toujours une chose, parce qu'on l'a crue d'abord, ou de n'y acquiescer jamais, parce qu'on l'a une fois combattue ; de s'entêter qu'elle est, parce qu'on veut qu'elle soit ; de la contredire avec obstination, parce qu'on a intérêt qu'elle ne soit pas, Bourdaloue, Carême, Sur la paix chrétienne.

HISTORIQUE

XIIIe s. Et avoec un baril de vin [il] Aporta, qui crut sur le Rin ; Mout estoit fors et entestans, Bl. et Jeh. 3838. En lieu de haires, haubers vestent, Et boivent tant que il s'entestent, Rutebeuf, 156. Vent et fouldre et tonnoirre qui tout perce et enteste, Feu et gresle, et orage, noif [neige] et glace, et tempeste Les tormentent adès des piés jusqu'à la teste, J. de Meung, Test. 1957.

XIVe s. Tu romps alambics, grosse beste, Et brusle charbon qui t'enteste, Nat. à l'alch. 18.

XVIe s. Bertrand ne s'entesta point de touttes ces louanges, Mém. s. D. G. ch. 29. La tranquillité sombre et stupide se treuve assez pour moy ; mais elle m'endort et enteste : je ne m'en contente pas, Montaigne, III, 309.

ÉTYMOLOGIE

En 1, et tête ; provenç. entestar.