« fatiguer », définition dans le dictionnaire Littré

fatiguer

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fatiguer

(fa-ti-ghé), je fatiguais, nous fatiguions, vous fatiguiez ; que je fatigue, que nous fatiguions, que vous fatiguiez v. a.
  • 1Causer de la fatigue. Fatiguer un cheval. Fatiguer l'ennemi. Ces ouvrages avaient été achevés sans fatiguer les sujets, Bossuet, Hist. III, 3. Des bourreaux son courage a fatigué la main, Legouvé, Épich. et Nér. v, 8.

    Fig. On dit qu'une poignée de chrétiens font suer les Ottomans et fatiguent leur empire, Montesquieu, Lett. pers. 19. Agiter l'Europe pour n'être pas oisif, serait le métier d'un intrigant qui fatigue la renommée un jour, parce qu'il n'a pas le crédit de vivre sur une administration bienfaisante, Mirabeau, Collection, t. v, p. 315.

  • 2Causer un certain malaise comparé à la fatigue. Cette écriture fatigue les yeux. Ce long discours lui a fatigué la voix. Ce professeur a fatigué l'attention de ses auditeurs. Cette étude fatigue l'esprit.

    Absolument. C'est une étude qui fatigue.

  • 3Fatiguer un champ, lui faire produire une même récolte plus souvent qu'il ne faudrait.

    Terme d'horticulture. Fatiguer un arbre, lui laisser trop de fruits ou trop de bois.

    Terme de boulangerie. Fatiguer les levains, les prendre trop petits à proportion de la pâte dans laquelle on les fait entrer pour la faire lever.

  • 4Importuner. Ainsi donc mes bontés vous fatiguent peut-être ? Racine, Bérén. II, 4. Elle m'a fatigué de ce nom ennemi, Racine, Brit. IV, 3. Leur prompte servitude a fatigué Tibère, Racine, ib. IV, 4. Ce sceptre, cet empire… fatiguent souvent leur triste possesseur, Racine, Esth. II, 7. Je n'ose fatiguer M. le duc d'Aiguillon de cette affaire particulière ; il est assez occupé de celles du Nord, Voltaire, Lett. d'Argental, 28 juin 1773.

    Dans le style élevé, fatiguer le ciel de ses vœux, de ses prières, adresser au ciel des demandes incessantes. [Elle]… fatigue le ciel par des vœux superflus, Corneille, Othon, v, 6. Ce fils, je l'obtins en fatiguant le ciel de vœux, Molière, le Fest. IV, 1. Et je m'en vais pleurer leurs faveurs meurtrières Sans plus les fatiguer d'inutiles prières, Racine, Phèdre, v, 7. Sans fatiguer le ciel par des vœux inutiles, Massillon, Carême, Prière 2.

  • 5 Familièrement. Fatiguer une salade, la retourner longtemps.

    Fatiguer la terre, la retourner souvent. J'ai dans mon voisinage des camarades qui fatiguent un terrain ingrat avec quatre bœufs, Voltaire, Mél. littér. à M. Dupont.

    Racine a dit, en un sens analogue, fatiguer la mer. Et la rame inutile Fatigua vainement une mer immobile, Racine, Iphig. I, 1.

    Terme d'arts. Fatiguer un ouvrage, le retoucher avec un soin trop minutieux. Saint Chrysostome fatigue son style à la manière d'Isocrate, Chateaubriand, Génie, III, IV, 2.

    Fatiguer la couleur, y porter à diverses reprises le pinceau, de sorte que le coloris perd sa fraîcheur et les tons leur franchise.

  • 6 V. n. Se donner, éprouver de la fatigue. Quoique le roi ne fût pas en état de fatiguer, Vaugelas, Q. C. 427. Certain fou poursuivait à coups de pierre un sage, Le sage… lui dit… reçois cet écu ; Tu fatigues assez pour gagner davantage, La Fontaine, Fabl. XII, 22. Plus les troupes fatiguaient, plus il semblait qu'elles redoublassent de vigueur, Racine, Siége de Namur.
  • 7 Par extension. Ce support fatigue beaucoup. Une poutre qui fatiguait rompit.

    Se dit d'un vaisseau qui, violemment tourmenté par les lames, a de grands mouvements de tangage ou de roulis, et, par cette raison, éprouve, dans ses liaisons et dans sa mâture, de certains désordres qui peuvent avoir de fâcheuses conséquences pour leur solidité, Jal

    On dit que l'argent fatigue, quand il est constamment placé à intérêt. Plus notre argent fatigue, et plus il nous rapporte, Regnard, Joueur, II, 14.

  • 8Se fatiguer, v. réfl. Ressentir de la fatigue. Je me suis fatigué à la chasse. Mes yeux commencent à se fatiguer. Je me fatiguerais à te tracer le cours Des outrages cruels qu'il me fait tous les jours, Boileau, Lutr. II.

    On dit aussi se fatiguer de. On se fatigue même du plaisir.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. fatigar ; ital. faticare ; du latin fatigare, d'un radical fat, fass ou fess (fessus, las, fatiscere, se lasser), et un suffixe igare, comme fumigare, lævigare. Igare paraît représenter agere, pousser.