« forcené », définition dans le dictionnaire Littré

forcené

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

forcené, ée

(for-se-né, née) adj.
  • 1Qui est hors de sens. …Le dépit dont l'âme est forcenée, Régnier, Sat. X. La perte de toute espérance rend forcené, Fénelon, Tél. XVIII. Tu as l'air d'une sibylle dans son antre, qui étouffe, qui écume, qui est forcenée, Fénelon, t. XIX, p. 319. Les éléphants, percés de coups et ayant la plupart perdu leurs conducteurs, ne gardaient plus l'ordre accoutumé, et, comme forcenés de douleur, ne distinguaient plus amis et ennemis, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VI, p. 507, dans POUGENS. [Caton] Ce héros forcené, la victime d'Utique, Voltaire, M. de Cés. I, 1. La nature, le vrai, de nos livres bannis, Un désir forcené d'inventer et d'instruire, D'ignorants écrivains, jamais las de produire, Gilbert, le XVIIIe siècle.

    Passionné pour. Me voilà forcené des échecs, Rousseau, Conf. V.

    Furieux. Il prit une envie forcenée à Bessus de tuer le roi, Vaugelas, Q. C. V, 12, dans RICHELET. Une ombre de respect pour son saint ministère Peut-être adoucira ces vainqueurs forcenés, Voltaire, Orphel. I, 1. Lorsqu'elle [la tigresse] a perdu tout espoir de recouvrer sa perte, des cris forcenés et lugubres, des hurlements affreux expriment sa douleur cruelle et font encore frémir ceux qui les entendent de loin, Buffon, Quadrup. t. III, p. 256, dans POUGENS.

    Terme de blason. Se dit d'un cheval emporté et furieux.

  • 2 Substantivement. C'est ainsi que souvent par une forcenée Une triste famille à l'hôpital traînée Voit ses biens en décret, Boileau, Sat. X. Contre ces forcenés les lois sont sans vigueur, Delavigne, Vêpres sicil. II, 6.

HISTORIQUE

XIIe s. Dunc li unt respundu à voix li forssené : Se vus ne faites ce que li reis a mandé, Il en aura tut dreit, Th. le mart. 130.

XIIIe s. Fortune ainsinc le pueple vanche Des bobans que vous demenés Cum orguilleus et forsenés, la Rose, 6576. Ne li forsenés, ne li fols naturex ne poent fere testament, Beaumanoir, XII, 45.

XVe s. Lors fut comme tout forcené et dict luy mesme que il vendroit cher sa mort, Boucicaut, I, 24.

XVIe s. Manda au comte de Dunoys par ung gentilhomme des siens, que si le temps n'estoit forcené, que de sa part il garderoit bien le passage contre tous les Espaignols, Jean D'Auton, Annales de Louis XII, ms. f° 43, dans LACURNE. La forcenée curiosité de nostre nature, Montaigne, I, 43. Une forcenée convoitise de gloire, Amyot, Sylla, 15. Un forcené de l'amour d'une vefve nommée…, Carloix, II, 2.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. forsenat ; ital. forsennato ; du latin foris, hors, et l'allemand Sinn, sens : hors de sens. L'orthographe forcené par un c est contraire à l'étymologie et fautive ; elle n'est pas même appuyée par l'antique usage, elle ne vient que d'une confusion malheureuse avec le mot force, et il serait mieux d'écrire forsené.