« hautain », définition dans le dictionnaire Littré

hautain

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

hautain, aine [1]

(hô-tin, tè-n') adj.
  • 1Qui s'élève haut par sa fierté et sa magnanimité. Et dans ces grands tombeaux où leurs âmes hautaines [des rois] Font encore les vaines, Ils sont mangés des vers, Malherbe, I, 3. Avec des qualités, où votre âme hautaine Trouvera mieux de quoi mériter une reine, Corneille, Sertor. V, 4. Nous verrons la vertu de cette âme hautaine, Corneille, Héracl. III, 2. C'est le plus prompt de tous comme le plus certain, Et le plus digne aussi d'un courage hautain, Mairet, Sophon. III, 2. Ces conseils ne plairont qu'à des âmes hautaines, Racine, Alex. I, 2.

    Il se dit aussi des choses en ce sens. En cette hautaine entreprise Commune à tous les beaux esprits, Malherbe, III, 2. Et ce hautain désir qui te fait mépriser Plaisirs, trésors, grandeurs pour t'immortaliser, Régnier, Sat. V. Ainsi mon vol hautain attend un sort funeste, Tristan, Panthée, II, 3.

    Ce sens, qui est le plus près du sens primitif, vieillit.

  • 2Qui pousse la hauteur d'âme jusqu'à l'arrogance et à la superbe. [Le jeune homme] Hautain, audacieux, conseiller de soi-même, Et d'un cœur obstiné se heurte à ce qu'il aime, Régnier, Sat. V. Maintenant que je ne suis plus que l'ombre d'Alexandre, je reconnais qu'Alexandre était trop hautain et trop superbe pour un mortel, Fénelon, Dial. des morts anc. (Alexandre, Aristote). Hautain est toujours pris en mauvaise part ; c'est l'orgueil qui s'annonce par un extérieur arrogant, Voltaire, Dict. phil. Hautain. Les hommes pardonnent quelquefois aux femmes d'être hautaines, parce qu'ils leur passent tout ; mais les femmes ne le leur pardonnent jamais, Voltaire, ib. Quand vous lisez les lettres de Jean Sobiesky, vous le voyez conquérant tracassé par une femme hautaine ; vous le voyez, de la tente du grand vizir, du milieu des trésors qu'il a conquis, écrivant à cette épouse dont il ménage l'orgueil, dont il flatte la coquetterie, et lui promettant les riches dépouilles du harem du vizir, Villemain, Litt. fr. 18e siècle, 2e part. 1re leçon.

    Substantivement. L'insolent est à l'égard du hautain ce qu'est le hautain à l'égard de l'impérieux ; ce sont des nuances qui se suivent, et ces nuances sont ce qui détruit les synonymes, Voltaire, Dict. phil. Hautain.

    Il se dit aussi des choses. Je saurai bien rabattre une humeur si hautaine, Corneille, Cid, II, 6. Leurs enfants ont déjà leur audace hautaine, Racine, Athal. III, 3. Moins piqué d'un discours si hautain Que touché des malheurs où cet État s'expose, Voltaire, Brut. I, 2. Vous voyez cet Assur dont la grandeur hautaine Traîne ici sur ses pas un peuple de flatteurs, Voltaire, Sémiram. I, 3.

HISTORIQUE

XIe s. Très qu'en la mer [il] conquist la tere altaigne, Ch. de Rol. I.

XIIe s. Jusqu'à la mer altagne [la haute mer], Ronc. p. 1. Demain [je] les ferai pendre [les messagers] par dessus cest rivage, Ou saillir de la tour du plus hautain estage, Sax. XXVI. Ou saillir contreval d'une tour moult hautaine, ib. XX.

XIIIe s. Lors [elle] crie de rechef et plore à vois autaine, Audefroi le Bastard, Romanc. p. 14. Douce dame, en despit ne vos veigne Se vos avez mon cuer entierement ; Se je sui bas et vous estes hautaigne [de haut rang], Servirai vos toz jors plus humlement, Mss. de poés. fr. avant 1300, t. I, p. 83, dans LACURNE.

XIVe s. Quant tu veux que ton faulcon soit hautain et prengne son hault, Modus, f° LXXXV. Helas ! dame, je vous asseure Que je ne suis jamais une heure Sans penser à ce haultain bien, Lequel par vous j'entens très bien, l'Alchim. à nat. 139.

XVe s. Il [le comte de Flandre] n'a pas le cœur si dur ni si hautain que, quand il nous verra en tel estat, il ne doie avoir merci [Philippe d'Artevelle aux Gantois], Froissart, II, II, 153. Incontinent que le mary d'icelle Perrine fut couchié, chut auprès d'elle de maladie caduque ; dont icelle print telle paour, qu'elle fut en voye d'en devenir haultaine [épileptique], Du Cange, alteratus.

XVIe s. Il treuve leur route trop haultaine et inaccessible, Montaigne, II, 116. Le rugissement haultain et espovantable de ce lion, Montaigne, II, 192. Ceulx qui prennent mon silence pour une trop haultaine confiance ne m'en veulent gueres moins, Montaigne, IV, 203. Puis, après plusieurs haultaines [brillantes] expeditions, retourna en glorieux triomphe, Yver, p. 541. Il avoit, à ce que l'on dit, la voix plus forte et plus haultaine qu'homme qui fust en toute la ville d'Athenes, Amyot, Alc. 54.

ÉTYMOLOGIE

Dérivé de haut. Dans l'ancienne langue hautain a son sens propre : une tour hautaine, une voix hautaine, tour, voix élevée.