« invincible », définition dans le dictionnaire Littré

invincible

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invincible

(in-vin-si-bl') adj.
  • 1Qu'on ne saurait vaincre. Ton bras est invaincu, mais non pas invincible, Corneille, Cid, II, 2. Dans la mauvaise fortune, elle s'est montrée toujours invincible, Bossuet, Reine d'Anglet. Que si elle [l'Église] a été invincible contre les efforts du dehors, elle ne l'a pas moins été contre les divisions intestines, Bossuet, Hist. II, 7. Si l'on eût pu avancer ces belles années dont nous admirons le cours glorieux, avec quelle puissance l'Angleterre [révolutionnaire] l'aurait-elle vu [Louis XIV] invincible défenseur ou vengeur présent de la majesté violée ? Bossuet, Reine d'Anglet. Ce grand apôtre [saint Paul]… nous en montre la force invincible [de la grâce], Bossuet, Hist. II, 7. Nos ennemis communs ne sont pas invincibles, Racine, Brit. III, 5.

    Par extension. Je rapporte en ces lieux ses flèches invincibles [d'Hercule], Voltaire, Œdipe, I, 1.

    L'invincible armada, ou, substantivement, l'invincible, la flotte que Philippe II arma en 1588 contre l'Angleterre et qui fut détruite.

    Substantivement. Vos mains seules ont droit de vaincre un invincible, Corneille, Cid, V, 8.

    Qui ne cède pas à l'amour. Pour exciter Néron par la gloire pénible De vaincre une fierté jusqu'alors invincible, Racine, Brit. III, 6.

  • 2 Fig. Qui résiste victorieusement, qui ne se laisse pas surmonter. Mais qui peut t'assurer qu'invincible aux plaisirs, Elle conservera sa première innocence ? Boileau, Sat. X. Bajazet, à vos soins tôt ou tard plus sensible, Madame, à tant d'attraits n'était pas invincible, Racine, Baj. V, 6. Il [Alexandre] n'était plus le même : invincible aux dangers et aux fatigues de la guerre, il ne le fut point à la douceur du repos, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VI, p. 410, dans POUGENS.
  • 3Dont on ne peut triompher, en parlant des choses. Obstacle invincible. Qui pourra mieux que moi vous montrer la douleur Que lui donne du roi l'invincible malheur ? Corneille, Pomp. V. 3. On a bien prévu que, la licence n'ayant plus de frein, les sectes se multiplieraient jusqu'à l'infini ; que l'opiniâtreté serait invincible…, Bossuet, Reine d'Anglet. Je voulais qu'à mes vœux rien ne fût invincible ; Je n'examinais rien, je voulais l'impossible, Racine, Bérén. IV, 5. Je sais qu'à cet égard il y a quelque chose d'invincible dans mon sort, Staël, Corinne, XV, 5.

    Argument invincible, raison invincible, raisonnement invincible, argument, raison, raisonnement auquel il n'y a point de bonne réplique.

    On dit dans un sens analogue : difficulté invincible. Chose inouïe [une interprétation de Luther] et embarrassée de difficultés invincibles, Bossuet, Var. II.

  • 4Qui est plus fort que la volonté. J'eus pour vous de tout temps une haine invincible, Th. Corneille, D. Bertr. de Cig. IV, 5. Ah ! si d'un autre amour le penchant invincible Dès lors à mes bontés vous rendait insensible, Racine, Mithr. IV, 4. Les spectacles, les dons, invincibles appâts, Racine, Brit. IV, 2. L'opposition invincible qu'elles ont à la prière, Massillon, Carême, Prière 1. Cette déplorable passion met dans le cœur un dégoût invincible pour les choses du ciel, Massillon, Carême, Enf. prod. Sa paresse d'écrire est invincible, et par conséquent pardonnable, Voltaire, Lett. Laharpe, 29 sept. 1772.

    Ignorance invincible, l'ignorance des choses dont il est impossible qu'une personne ait eu connaissance. Je ne suis pas dans le cas d'une ignorance invincible, mais dans celui d'une opinion invincible, Voltaire, Quest. miracl. lett. 3e.

HISTORIQUE

XIVe s. Ignorance d'aucunes circonstances que l'en ne peut pas bonnement savoir excusé et est appellée ignorance invincible, Oresme, Eth. 61.

XVIe s. On voyoit les autres incontinent recreuz et rompuz du travail, ou bien amolliz et enervez de delices, et luy au contraire invincible de l'un et de l'autre, Amyot, Cat. 10. Il desfit Hannibal, qui jusques là avoit esté invincible, Amyot, Arist. et Cat. 11. Ainsi mourut cette roine [Catherine de Médicis], n'aiant de femme que le sexe, l'ame entiere aux choses viriles, l'esprit puissant aux grandes affaires, le cœur invincible aux adversitez, D'Aubigné, Hist. II, 8. Ô grand amour, de puissance invincible, Cruel et doux, gracieux et terrible, Desportes, Amours d'Hippolyte, XIX, prière. Un degoust invincible, Montaigne, IV, 263. Une grandeur de courage invincible, Montaigne, I, 241.

ÉTYMOLOGIE

Lat. invincibilis, de in… 1, et vincere, vaincre.