« nier », définition dans le dictionnaire Littré

nier

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

nier

(ni-é), je niais, nous niions, vous niiez ; que je nie, que nous niions, que vous niiez v. a.
  • 1Dire qu'une chose n'est pas vraie ou n'est pas. Il me nia le fait, mais d'une manière qui me le fit croire, parce qu'il me conjura de ne le pas publier, Retz, Mém. t. II, liv. III, p. 245, dans POUGENS. Les sadducéens, qui nient la résurrection, le vinrent trouver, et ils lui proposèrent cette question…, Sacy, Bible, Évang. St Marc, XII, 18. Vous étiez aussi avec Jésus de Nazareth ? mais lui le nia, en disant : Je ne le connais point, et je ne sais ce que vous dites, Sacy, ib. XIV, 67. C'est une maladie naturelle à l'homme de croire qu'il possède la vérité directement ; et de là vient qu'il est toujours disposé à nier tout ce qui lui est incompréhensible, Pascal, Espr. géom. I. Souvenez-vous que nous avons vu nier dans Paris les expériences de Newton sur la lumière, et lui faire des objections plus frivoles, Voltaire, Pol. et législ. Fragm. hist. Inde. XXVI. Vous laissez les taupes, enterrées sous vos gazons, nier, si elles l'osent, l'existence du soleil, Voltaire, ib. Instr. pour le Pr. royal, II. Des avantages qui ne puissent être ni disputés ni niés ; or c'est ce qu'on trouve dans la naissance et dans la fortune, D'Alembert, Ess. sur la soc. des g. de lett. Œuvr. t. III, p. 62, dans POUGENS. Quand on nierait au christianisme ses preuves surnaturelles, il resterait de quoi prouver qu'il est le culte le plus divin et le plus pur, Chateaubriand, Génie, IV, VI, 13.

    Absolument. C'est un des abus de ce tribunal [l'inquisition], que, de deux personnes qui sont accusées du même crime, celle qui nie est condamnée à la mort, et celle qui avoue évite le supplice ; ceci est tiré des idées monastiques, Montesquieu, Esp. XXVI, 12.

    Nier Dieu, prétendre que Dieu n'existe pas. Dieu fait part, au besoin, de sa force infinie ; Qui craint de le nier, dans son âme le nie, Corneille, Poly. II, 6. Son désespoir à la mort de ses enfants, porté jusqu'à nier la Providence, Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. XI, 2e part, p. 735, dans POUGENS. Vous craignez qu'en adorant Dieu on ne redevienne bientôt superstitieux et fanatique ; mais n'est-il pas à craindre qu'en le niant on ne s'abandonne aux passions les plus atroces et aux crimes les plus affreux ? Voltaire, Dict. phil. Dieu.

  • 2Nier suivi d'un autre verbe, régit de et l'infinitif, lorsque le verbe régi se rapporte au sujet de la phrase. Il nie d'avoir rien touché, pour se mettre dans le rang des créanciers, Sévigné, 10 nov. 1675. Il a nié d'avoir prétendu deux fois dans le consistoire…, Rousseau, dans GIRAULT-DUVIVIER.

    Si le verbe régi ne se rapporte pas au sujet de la phrase, on met que et le subjonctif. Si cette vie est le champ fécond dans lequel nous devons semer pour la glorieuse immortalité… l'on ne peut nier que la longue vie ne soit souhaitable, Bossuet, Yol. de Monterby.

    On peut employer la même tournure quand les deux verbes ont le même sujet. Il nie qu'il se soit trouvé dans cette maison.

  • 3Nier un dépôt, une dette, nier qu'on ait une dette à payer, un dépôt à rendre. Doutez-vous de ma probité, monsieur ? vos cent écus ! j'aimerais mieux vous les devoir toute ma vie, que de les nier un seul instant, Beaumarchais, Barb. de Sév. III, 5.
  • 4 En termes d'argumentation, ne pas demeurer d'accord d'une proposition. Nier un principe. Il a accordé la majeure et nié la mineure. Il ne faut point imputer les conséquences à qui les nie, Bossuet, 3e avert. 2.
  • 5Refuser, ne pas accorder. Et je n'ai pu nier au tourment qui le tue Quelques moments secrets d'une si chère vue, Molière, D. Garc. III, 2. Et tâcher par des soins d'une très longue suite D'obtenir ce qu'on nie à leur peu de mérite, Molière, Mis. III, 1. Il demeure libre d'octroyer la demande ou de la nier, Pascal, Prov. VIII.
  • 6Se nier, v. réfl. Être nié. Ce sont là des choses qui se nient facilement.

REMARQUE

1. Nier employé avec une négation est suivi ordinairement de la négative ne : Je ne puis pas nier qu'il n'y ait eu des Pères de l'Église qui ont condamné la comédie ; mais on ne peut pas me nier aussi qu'il n'y en ait eu quelques-uns qui l'ont traitée un peu plus doucement, Molière, Tart. Préface. Vous ne sauriez nier qu'un homme n'apprenne bien des choses quand il voyage, Fénelon, Dial. des morts, n° 17. Je ne nie pas que je ne sois infiniment flatté…, Voltaire, Lett. Mme du Bocage, 19 sept. 1764.

2. On peut aussi supprimer ce ne : Je ne nie pas qu'il ait fait cela, Dict. de l'Académie. Je ne nie pas qu'il ait raison, Rousseau, dans GIRAULT-DUVIVIER.

3. On met également ne quand le verbe paraît sous une forme interrogative : Peut-on nier qu'il n'ait avancé cette proposition ? Mais ici aussi le ne peut se supprimer : Niez-vous qu'il en soit ainsi ?

HISTORIQUE

XIIe s. Puisqu'il le nie, sire, vez-ci mon gant, Ronc. p. 181.

XIIIe s. Li plus sage paien en furent moult dolent : Volentiers s'en r'alassent ariere en orient, Mais plus en ot de fols qui en furent noiant, Ch. d'Ant. VII, 556. Mais ce ne sui-je pas [ce n'est pas moi], sachiez, je vous le noi, Berte, cv. De ce qu'ele le noie, tous [j'] en sui trespensés, ib. CXXI. L'ostel, dit-il, tel cum veés, Prenés, jà ne vous iert neés [refusé], la Rose, 12378.

XIVe s. La pensée qui afferme ou nie, Oresme, Eth. 183. Teles vertus selon lesqueles l'ame dit verité ou en affermant ou en noiant, Oresme, ib. 173.

XVIe s. Qui est-ce qui niera que cela n'ait esté fait par esprit prophetique ? Calvin, Instit. 40. Il faut qu'il nie quant et quant, que la transgression de la loy n'est point peché, Calvin, ib. 488. Il nie qu'il n'a point esté creé apostre ne des hommes, ne par hommes, mais par Jesus-Christ, Calvin, ib. 854. Il ne nioit point qu'il n'eust Cleopatre, mais aussi ne confessoit il point qu'il la tinst pour sa femme, Amyot, Anton. 38. Il nia qu'il l'eust prise, mais il en fut trouvé saisy, Amyot, ib. 104.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, noiî ; provenç. negar, neguar, nejar, neyar ; espagn. et portug. negar ; ital. negare ; du lat. negare, que les étymologistes latins dérivent de nec et du radical du verbe ajo, aio, je dis ; mais à tort : car c'est le dénominatif de la négation nec, où le c s'est changé en g, comme dans neg-otium. La régularité de la conjugaison exclut la composition avec aio.