« océan », définition dans le dictionnaire Littré

océan

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

océan

(o-sé-an) s. m.
  • 1Dans le sens ancien et primitif, au temps d'Homère, grand fleuve que les Grecs croyaient couler autour du rond de la terre. La terre y est figurée [sur le bouclier d'Achille] comme un disque environné de tous les côtés par le fleuve Océan, Malte-Brun, Précis de la géographie universelle, liv. II. Hésiode décrit même les sources de l'Océan [le détroit de Gadès ou de Gibraltar] placées à l'extrémité occidentale du monde, ID. ib. Hérodote nous dit que la terre y était figurée [dans les mappemondes de son temps] comme un disque parfaitement arrondi et l'Océan comme une rivière qui la baignait de toutes parts, ID. ib.
  • 2L'étendue d'eau salée qui environne la terre. De même que ces fleuves tant vantés demeurent sans nom et sans gloire, mêlés dans l'Océan avec les rivières les plus inconnues, Bossuet, Duch. d'Orl. Il ne faut pas s'imaginer qu'alors ni dans aucun temps l'Océan pût changer de place ; le mouvement de la terre ne peut s'opposer aux lois de la pesanteur ; en quelque sens que notre globe soit tourné, tout pressera également le centre, Voltaire, Physique, Changem. dans le globe. Tout nous dit que l'Océan a franchi ses bornes naturelles, ou plutôt qu'il n'en a jamais eu d'insurmontables, et que, disposant du globe de la terre au gré de son inconstance, il l'a tour à tour enlevé ou rendu à ses habitants, Raynal, Hist. phil. X, 2. L'Océan réglera le destin de la terre, Chénier M. J. Charles IX, II, 3. Comme sur l'Océan la vague au doux roulis, Berçant du jour au soir une algue dans ses plis, Lamartine, Harm. I, 5. Chaque ruisseau pourrait dire à l'Océan sans doute : moi je viens de ma montagne, je ne connais d'eaux que les miennes ; toi, tu reçois les souillures du monde. - Oui, mais je suis l'Océan ! Michelet, Mémoires de Luther.
  • 3Il se dit des parties de l'Océan. L'océan Pacifique.

    L'océan Atlantique, et, absolument, l'Océan. La Gaule s'étend depuis la Marne et la Seine jusqu'au Rhône et à la Garonne et depuis le Rhin jusqu'à l'Océan, Perrot D'Ablancourt, César, I.

  • 4La mer en général. La reine, à peine sortie d'une tourmente si épouvantable, pressée du désir de revoir le roi et de le secourir, ose encore se commettre à la furie de l'océan et à la rigueur de l'hiver, Bossuet, Reine d'Anglet. L'océan étonné de se voir traversé tant de fois en des appareils si divers et pour des causes si différentes, Bossuet, Reine d'Anglet.
  • 5 Terme de mythologie, l'Océan, la divinité présidant à l'immensité des mers. Une statue de l'Océan. Invoquons l'Océan, le vieux père du monde, Delille, Géorg. IV.
  • 6 Fig. Immensité, grande quantité. Insensés, nous parlons en maîtres, Nous qui, dans l'océan des êtres, Nageons tristement confondus, Malfilâtre, Ode, le Soleil fixe. Un océan de blés, une mer de verdure, Saint-Lambert, Saisons, II. Cet océan de feux [de l'enfer] Qui, brûlant tristement sous ces voûtes funèbres, Sans répandre le jour, laissent voir les ténèbres, Delille, Paradis perdu, I. L'océan des airs, Lebrun, Odes, II, 12. Nous étions assiégés par un océan de flammes [dans l'incendie de Moscou] : elles bloquaient toutes les portes de la citadelle [le Kremlin], et repoussèrent les premières sorties qui furent tentées, Ségur, Hist. de Nap. VIII, 7. La lune est dans le ciel, et le ciel est sans voiles ; Elle éclaire de loin la route des étoiles, Et leur sillage blanc dans l'océan d'azur, Lamartine, Harm. I, 10.

    Au plur. Sur des océans de verdure, Le vent flotte pour s'embaumer, Lamartine, Épître à V. Hugo. Parfois il [Napoléon] vient, porté sur l'ouragan numide, Prenant pour piédestal la grande pyramide, Contempler les déserts, sablonneux océans, Hugo, Orient. 40.

  • 7 Fig. et poétiquement. Océan des âges, le temps. Dieu ! telle est ton essence ; oui, l'océan des âges Roule au-dessous de toi sur tes frêles ouvrages, Mais il n'approche pas de ton trône immortel, Thomas, Ode sur le temps. Ainsi toujours poussés vers de nouveaux rivages, Dans la nuit éternelle emportés sans retour, Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges Jeter l'ancre un seul jour ? Lamartine, Méd. I, 13.
  • 8 Par une autre figure, ce qui est orageux comme l'Océan. Je m'élançai seul sur cet orageux océan du monde dont je ne connaissais ni les ports ni les écueils, Chateaubriand, René. …Soulèverez-vous l'océan plébéien ? Delavigne, la Popularité, IV, 4. Ah ! le peuple, océan, onde sans cesse émue, Hugo, Hernani, IV, 2.
  • 9Océan de lumière, forme sous laquelle la cabale juive représentait la matière première.

REMARQUE

Océan prend un O majuscule quand il signifie la vaste étendue d'eau salée qui entoure le globe, ou quand il est dit absolument pour océan Atlantique, ou pour le dieu mythologique ; et un o minuscule quand on parle des parties de cet océan : l'océan Atlantique, ou quand il est pris figurément : un océan de feux. On observera que les adjectifs qui déterminent les parties de l'Océan prennent une majuscule : l'océan Atlantique, l'océan Pacifique, l'océan Indien.

HISTORIQUE

XIIe s. Entre icest flume [le Danube] e l'occean E la terre ù sunt li Alan, Benoit de Sainte-Maure, I, 327.

XVIe s. Si d'un monde inconstant l'on ne peut s'asseurer, Si c'est un ocean de misere et de peines, Desportes, Œuvres chrestiennes, sonnets, 13. Comme l'Ocean n'entre tout entier en la mer Mediterranée, Charron, Sagesse, I, 18.

ÉTYMOLOGIE

Lat. Oceanus, du grec Ὠϰεανὸς. L'étymologie très-probable de ὠϰεανὸς est le védique āçayāna, épithète de Vritra, dans le sens de entourant, enserrant [les eaux du nuage]. Pour le changement de ā en ω, comparez āçu, qui est ὠϰὺς, rapide.