« pas.2 », définition dans le dictionnaire Littré

pas

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

pas [2]

(pâ ; l's se lie : il n'est pâ-z-allé) adv.
  • 1Il renforce la négation ne. Je ne vous réponds pas des volontés d'un père, Molière, Tart. II, 4. Il n'eut pas fait une lieue qu'il en fut convaincu, Hamilton, Gramm. 5.

    Interrogativement. N'avez-vous pas été là ? Ne m'avez vous pas appelée ? Molière, Mal. imag. III, 12.

    Abusivement, pas nie quelquefois, même sans ne, dans les phrases interrogatives. Fit-il pas mieux que de se plaindre ? La Fontaine, Fabl. III, 11. Nomme-t-on pas aussi mouches les parasites ? La Fontaine, ib. IV, 3. Vous avais-je pas commandé de les recevoir comme des personnes que je voulais vous donner pour maris ? Molière, Préc. 5. Pécheur… veux-tu pas restituer ce bien mal acquis ? veux-tu pas enfin mettre quelques bornes à cette vie débauchée et licencieuse ? veux-tu pas bannir de ton cœur l'envie qui le ronge ? Bossuet, Sermons, Gloire de Dieu dans la conv. du péch. I. Vois-je pas, au travers de son saisissement, Un cœur dans ses douleurs content de son amant ? Racine, Bajaz. IV, 4. Viens-tu pas voir mes ondines Ceintes d'algue et de glaïeul ? Hugo, Ball. 4.

    Cette suppression de ne est une licence qui se prend surtout en vers.

  • 2On supprime pas et point devant ni, rien, jamais, plus, aucun, parce que ces mots sont autant de compléments de la négation ne : Je ne l'aime ni ne l'estime ; cela ne vaut rien ; je ne le verrai jamais ; je ne lui parlerai plus.

    Mais pas, qui ne se met point avec aucun, rien, personne, jamais, etc. dans un même membre de phrase, se met très bien avec ces mots, d'un membre de phrase à l'autre, ou même, simplement, avec l'intervalle de quelques mots. En cette affaire vous n'avez pas lieu de craindre personne. Je ne vois pas que je puisse y prétendre jamais. Autrefois j'ai connu cet honnête garçon ; Et vous n'avez pas lieu d'en prendre aucun soupçon, Molière, l'Ét. I, 4. C'est pourquoi désormais il la gardera bien, Et je ne vois pas lieu d'y prétendre plus rien, Molière, ib. III, 2. Et tu n'as pas sujet de rien appréhender, Molière, ib. v, 7. Albert n'est pas un homme à vous refuser rien, Molière, le Dép. I, 2. Et mon dessein n'est pas de leur rien opposer, Molière, D. Garc. v, 6. Les bruits que j'ai faits Des visites qu'ici reçoivent vos attraits Ne sont pas envers vous l'effet d'aucune haine, Molière, Tart. III, 3.

  • 3Pas se met négativement devant les substantifs, les noms de nombre, etc. par un abus né de la rapidité du langage qui sous-entend la négation et le verbe. Pas d'argent, pas de Suisses. Pauvre esprit, pas deux mots ! Molière, L'Ét. IV, 3. Vous vivrez sans joug et sans règles ; pas le plus petit retour sur vous-même, Massillon, Carême, Inconst.

    Pas se met négativement devant plusieurs adverbes, dans une réponse négative. Avez-vous de l'argent ? Pas trop, pas beaucoup. Vous êtes donc facile à contenter ? - Pas tant que vous pourriez penser, Molière, Dépit amour. I, 3. Que possède celui qui a renoncé à toute possession ? que peut avoir à soi celui qui s'est soumis à ne rien avoir ? pas même de la vertu, pas même de l'honnêteté, pas même de la volonté, Raynal, Hist. phil. XI, 24.

    Il s'emploie de même hors de toute réponse (emploi qui s'autorise d'un assez grand usage, mais qui reste toujours suspect d'incorrection ; non, en ce cas, est préférable à pas). Les autres, pas encore d'accord avec eux-mêmes, souhaitent… de…, Massillon, Avent, Épiphanie. Le reste est toujours le même ; la vie pas moins tiède, sensuelle, Massillon, Carême, Culte. Les passions, pas encore modérées par l'expérience, semblent sortir en foule, Massillon, Panég. Ste Agnès. Vingt-cinq mille hommes, pas trop mal équipés, Thiers, Hist. de l'Empire, X. Il le lui avait offert [d'être roi d'Espagne], mais pas imposé, Thiers, ib. XX.

    Terme de marine. Pas au vent ! Pas plus au vent ! commandement pour interdire au timonier de gouverner au vent du point du compas où est le cap au moment même.

    Dans le langage le plus familier ; pas vrai ? se dit pour : n'est-il pas vrai ? Vous m'aimez, pas vrai ?

    Populairement. Un pas grand' chose, un homme qui ne vaut guère.

  • 4Pas se place après le verbe simple : je n'aime pas, et, dans les temps composés, après l'auxiliaire : je n'ai pas fini, il n'est pas venu.

    Pas se place ordinairement avant l'infinitif. Il vaut mieux ne pas parler.

    On le place aussi, bien que plus rarement, après l'infinitif. Ne vous obéir pas me rendrait criminelle, Corneille, Cid, IV, 2. Peut-on en le voyant ne le connaître pas ? Racine, Esth. III, 3.

    Dans le style marotique, pas peut se mettre au commencement de la phrase. Pas ne croyait [Vulcain] avoir fait telle affaire [être le père des Amours], Voltaire, Coc.

  • 5Pas un, voy. UN.

    Pas, avec ni, voy. NI, n° 6 et n° 7.

    Non pas, voy. NON, n° 5.

    Non pas après un que de comparaison ; voy. NON, n° 5.

    Non pas que, ce n'est pas que. Il se déclara contre lui, non pas qu'il fût son ennemi, mais…

  • 6Il n'est pas que… ne (ce second ne étant dans la seconde proposition), signifie : sans doute. Il n'est pas que vous ne confessiez quelqu'un, Pascal, Prov. IV.
  • 7Pas aussi, avec le sens de ce que nous rendons maintenant par pas non plus. Nous ne voulons pas que les autres nous trompent… il n'est donc pas juste aussi que nous les trompions, Pascal, Pens. II, 8, éd. HAVET. Je ne suis pas un être nécessaire ; je ne suis pas aussi éternel ni infini, Pascal, ib. I, 11.

REMARQUE

1. Ne… pas que : Je n'ai pas que ce livre : grosse faute ; voy. QUE, adv.

2. On supprime pas et point devant autre : Je ne veux d'autre témoignage que votre approbation. On les retranche aussi après les adjectifs conjonctifs suivis du subjonctif : Est-il quelqu'un qui ne le sache ? après que signifiant pourquoi : Que ne vous montrez-vous ? après si, à moins que et autres conjonctions qui ont le même sens : Si vous ne l'ordonnez ; à moins que vous ne vous déclariez.

3. Avec les noms de nombre joints à la préposition de, on retranche pas ou point : Je ne le verrai de dix jours.

4. On dit de même : Il y a dix jours que je ne l'ai vu. Toutefois il faut remarquer qu'on ne supprime pas ou point en des cas de ce genre que lorsque le verbe est au passé ; car, s'il était à tout autre temps, on mettrait pas ou point : Il y a un an que je ne lui parle pas ; il y avait un an que je ne lui parlais point.

5. Après le que qui suit un comparatif et qui se construit avec ne, on mettait souvent autrefois ne… pas. Piqué contre Alaric plus qu'il n'est pas croyable, D'Urfé, Astrée, I, 2. S'il était autrement situé au respect de l'œil qu'il n'est pas, Descartes, l'Homme. La négociation de la reine mère avec le roi de Navarre dans la ville de Nérac dura plus longtemps qu'elle n'avait pas cru, Mézerai, Abr. de l'hist. de France, an 1579. Ah ! vous avez plus faim que vous ne pensez pas, Molière, L'Ét. IV, 4.

SYNONYME

PAS, POINT. Point nie plus fortement que pas. On dira également : Il n'a pas d'esprit ; Il n'a point d'esprit ; et on pourra dire : Il n'a pas d'esprit ce qu'il en faudrait pour sortir d'un tel embarras ; mais, quand on dit il n'a point d'esprit, on ne peut rien ajouter. Ainsi, point, suivi de la particule de, forme une négation absolue ; au lieu que pas laisse la liberté de restreindre, de réserver. Par cette raison, pas vaut mieux que point devant plus, moins, si, autant, et autres termes comparatifs : Cicéron n'est pas moins véhément que Démosthène ; Démosthène n'est pas si abondant que Cicéron. Par la même raison pas est préférable devant les noms de nombre : Il n'en reste pas un seul petit morceau ; il n'y a pas dix ans ; vous n'en trouverez pas deux de votre avis.

HISTORIQUE

XIe s. Vous n'irez pas uan [cette année] de mei si loin, Ch. de Rol. XVII.

XIIe s. Douce dame, je ne vous os [ose] rover [demander] Ce dont amors ne me rove pas taire, Couci, II. N'est pas amors dont on se puet mouvoir, ib. XVIII.

XIIIe s. Chanter m'estuet [il me faut chanter], que m'en est pris courage, Non pas pour ce que d'amors me soit rien, Quesnes, Romancero, p. 85. Sa femme [il] enmene o lui, ne l'i a pas laissie, Berte, II. Cil n'ont mort deservie, à ce pas ne pensons [ne pensons pas à cela], ib. LXXVII.

XVIe s. La plus belle royne vient-elle pas de mourir ? Montaigne, I, 66. Il ne s'en est encore trouvé pas un, que moy seul, qui l'ait entierement achevé [traduire Plutarque] en quelque langue que ce soit, Amyot, Préf. XXVI, 55. Il n'alla jamais soupper chez pas un de ses amis, Amyot, Péric. 12. Ilz eurent un oracle qui leur commanda de ne mettre pas Cimon en nonchaloir, Amyot, Cimon, 36. Les vainqueurs n'estoient en tout que la vingtieme partie, et encore pas, de ceulx qui furent vaincus, Amyot, Lucull. 55. Ces choses mettent plus clairement en evidence le naturel des personnes que ne font pas les grosses batailles, Amyot, Alex. 1.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et catal. pas. C'est le substantif pas pris pour renforcer la négation, comme les substantifs point, mie, goutte, brin, etc. Dans l'exemple suivant qui est du XIIe siècle, le caractère du substantif est manifestement conservé : Mun defens [ma défense] un pas ne gardas ; Delivrement le trespassas, Adam, p. 34.