« préférer », définition dans le dictionnaire Littré

préférer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

préférer

(pré-fé-ré. La syllabe fé prend un accent grave, quand la syllabe qui suit est muette : je préfère ; excepté au futur et au conditionnel : je préférerai, je préférerais) v. a.
  • 1Se déterminer en faveur d'une personne, d'une chose plutôt que d'une autre. Et n'a-t-il pas raison [l'Ecclésiaste] de préférer la simplicité d'une vie particulière… aux soucis et aux chagrins des avares, aux songes inquiets des ambitieux ? Bossuet, Duch. d'Orl. Maintenant qu'elle a préféré la croix au trône, et qu'elle a mis ses malheurs au nombre des plus grandes grâces, Bossuet, Reine d'Anglet. Vous pensez sans doute comme Julien, ce grand homme si calomnié, qui disait que les amis doivent toujours être préférés aux rois, Voltaire, Lett. pr. roy. de Pr. 26 août 1736. Celui qui préfère la vérité à sa gloire peut espérer de la préférer à sa vie, Rousseau, Hél. 2e préf. Qu'on ne demande pas s'il faut préférer l'agriculture aux manufactures, ou les manufactures à l'agriculture ; il ne faut rien préférer : il faut s'occuper de tout, Condillac, Comm. gouv. I, 29.

    Absolument. On n'aime qu'après avoir jugé, on ne préfère qu'après avoir comparé, Rousseau, Ém. IV. Préférer n'est pas sentir, c'est se déterminer, c'est agir, Bonnet, Ess. anal. âme, X.

    Préférer avec l'infinitif, sans préposition. Il préfère mourir.

    Préférer avec de et l'infinitif. J'ai préféré de payer mes dettes, Sévigné, 13 juin 1685. Je préférerais de prononcer le discours funèbre de celui à qui je succède, plutôt que de me borner à un simple éloge de son esprit, La Bruyère, Disc. à l'Acad. fr. Je [czar Pierre Ier] préférerai de les transmettre [mes peuples] plutôt à un étranger qui le mérite, qu'à mon propre fils qui s'en rend indigne, Voltaire, Russie, II, 10.

    Préférer avec que et le subjonctif. Je préfère qu'il parte, Dict. de l'Acad.

  • 2Se préférer, v. réfl. Se donner la préférence à soi-même. C'est un égoïste qui se préfère à tout.

REMARQUE

1. Laveaux a voulu établir une distinction entre préférer suivi d'un infinitif sans préposition, et d'un infinitif et de la préposition, disant que, quand l'infinitif est seul, il ne faut pas de préposition, et qu'il en faut une dans le cas contraire : ainsi on mettrait : il préfère mourir ; mais on mettrait : je préfère de mourir avec vous plutôt que de vous trahir. Cette règle est arbitraire : de peut être mis ou supprimé.

2. Je préfère beaucoup ou de beaucoup l'honnête à l'utile. Les deux se disent et sont bons.

3. Il ne faut pas traiter préférer comme un comparatif, et dire : je préfère sortir que rester à la maison. En ce cas on remplace préférer par aimer mieux.

HISTORIQUE

XIIe s. N'i a donne [dame] tant riche [qui] ne la requiere, De ses ovres à fere ne la profiere, Gerart de Ross. p. 362.

XIVe s. Il n'i ot nul en toute la juvente romaine qui par nul art li peust estre comparez ou preferez, Bercheure, f° 20, recto. Elle [verité] doit estre preferée et honorée plus que l'oppinion de son ami, Oresme, Eth. VI, 10.

XVe s. Le bien commun [le prince] doit sur touz preferer, Deschamps, Des vertus nécess. au prince. Le roy René le prefera [son neveu] devant ledit duc de Lorraine, qui estoit fils de sa fille, Commines, VII, 1.

XVIe s. Par quoy je dy, tout propos debatus, Qu'il n'est vivant qui ores le prefere [soit préférable] D'honneur et los, Marot, J. V, 261. Encore que l'on ne luy feist point de tort de preferer Pompeius à luy, Amyot, Crassus, 10. Nous nous preferons aux aultres animaux, Montaigne, II, 205.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. preferir ; ital. preferire ; du lat. praeferre, altéré par les bouches romanes en praeferire ou praeferare ; de prae, en avant, et fêrre, porter.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

PRÉFÉRER.
2Se préférer. Ajoutez : L'a-t-on jamais vu [Corneille] se préférer à aucun de ses confrères ? Racine, Disc. acad.