« ravaler », définition dans le dictionnaire Littré

ravaler

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

ravaler

(ra-va-lé) v. a.
  • 1Faire descendre de nouveau ; sens propre, mais vieilli. Ravaler un capuchon sur les épaules.

    Rabattre. Et toi, rival des Praxitèle et des Phidias… inimitable Pigal, ta main se résoudra à ravaler le ventre d'un magot, ou il faudra qu'elle demeure oisive, Rousseau, Scienc. 2.

  • 2Avaler de nouveau (avaler, c'est faire descendre par le gosier). Ravaler sa salive.

    Fig. et familièrement. Retenir ce qu'on allait dire. Il a bien fait de ravaler ce qu'il voulait dire. Voilà encore une lettre immense ; je ravale pourtant mille choses que je voudrais vous dire, Mme du Deffand, Corresp. t. I, p. 120, dans POUGENS.

    Ravaler ses paroles, s'arrêter sur le point de les dire, ne les pas proférer, et aussi se dédire des discours injurieux que l'on a tenus contre quelqu'un.

    Je lui ferai ravaler ses paroles, je le forcerai à rétracter ce qu'il a dit.

  • 3 Terme de jardinage. Couper les branches d'un arbre jusque sur leur empatement ou talon en ménageant les yeux adventifs de ce même talon. Si l'on a quelques arbres languissants dont la pousse s'arrête, on ne manque pas de les ravaler, Genlis, Maison rust. t. II, p. 475, dans POUGENS.
  • 4Aplanir la terre après le labourage.
  • 5 Terme de maçonnerie. Crépir une construction de haut en bas ; ainsi dit parce que l'ouvrier avale, c'est-à-dire va en descendant le long du mur. Ravaler un mur.

    Couvrir de plâtre ou de mortier un tuyau, un pan de bois, une cloison ou un mur.

  • 6 Terme de menuiserie. Diminuer d'épaisseur le bois en certains endroits, afin de donner du relief aux moulures ou aux champs.
  • 7 Terme de serrurerie. Rendre ovale l'anneau d'une clef, de rond qu'il était.
  • 8Étendre des feuilles d'or ou d'argent sur du métal avec le brunissoir.
  • 9 Fig. Déprimer, rabaisser. Ce n'est qu'une pièce de théâtre que je lui présente, mais qui l'entretiendra de Dieu ; la dignité de la matière est si haute, que l'impuissance de l'artisan ne la peut ravaler, Corneille, Polyeucte, à la reine régente. [La raison] Soumettant à ses lois la partie animale, Dont l'appétit grossier aux bêtes nous ravale, Molière, Fem. sav. I, 1. Vouloir ravaler la dignité de médecin à des emplois de cette nature ? Molière, Méd. malgré lui, II, 9. Et lorsqu'une cabale, Un flot de vains auteurs follement te ravale, Boileau, Ép. VII, à Racine. Seulement pour l'argent un peu trop de faiblesse De ces vertus en lui ravalait la noblesse, Boileau, Sat. X. La duchesse fut indignée d'un choix qui semblait ravaler son mérite beaucoup plus que les autres, Hamilton, Gramm. 10.

    Absolument. Plus dans leur folle estime il se trouve compris, Plus il ravale de son prix, Corneille, Imit. III, 42.

  • 10 V. n. Le blé ravale, il diminue de prix.
  • 11 Terme de vénerie. Se dit de l'état d'un cerf qui devient très vieux, et auquel il pousse des têtes irrégulières et basses.
  • 12Se ravaler, v. réfl. S'abaisser, s'avilir. Qu'à des pensers si bas mon âme se ravale ! Corneille, Poly. II, 1. Dois-je me ravaler jusques à cet époux, Ou dois-je par votre ordre aspirer jusqu'à vous ? Corneille, Oth. II, 3. Le caractère de Valens ressemble trop à celui de Félix dans Polyeucte, et a même quelque chose de plus bas, en ce qu'il se ravale à craindre sa femme, Corneille, Théod. Examen. C'est en vain que vous vous ravalez ; Je sais votre mérite et ce que vous valez, Th. Corneille, Feint astrol. III, 2. Puisque, pour abattre l'arrogance humaine, il ne suffisait pas que le Fils de Dieu descendît du ciel en la terre, si sa majesté ne se ravalait jusqu'à la pauvreté d'une étable, Bossuet, 5e sermon, Vêture, 1. J'aimerais bien mieux, disais-je en moi-même, qu'elle connût toute ma misère ; je la lui peignis, mais sans me ravaler, Maintenon, Lett. à Mme de Chantalon, 11 juill. 1666.

HISTORIQUE

XIIIe s. Et s'aydoit bien dudit bras en dreçant à mont et en ravalant à sa volonté icelui bras, Miracles St Loys, p. 173.

XIVe s. Li assaux fu pesans, et forment demenez ; Vallet et escuyer emplirent les fossez ; Mais de merriens pesans sur les creneaux posez Avoit-on nostre gent laidement ravalez [jeté en bas], Guesclin. 8269. Par foi, ce dist li princes, je deveroie amer Aucun bon chevalier, s'il est à mon disner, Et il oit [entend] dire chose pour moi à ravaler, Se tost ne le disoit pour ma vie amender, ib. 13401.

XVe s. Nous devons bien avoir laissé le royaume de France… quand nous sommes ainsi ravalés de vilains, et ne nous en veut-on faire droit, Froissart, II, III, 18.

XVIe s. Martius, seul, ne se monstra onques étonné ny ravalé de courage, Amyot, Cor. 32. Sur ces entrefaittes les vivres d'aventure ravallerent [baissèrent de prix], dont le peuple estant fort aise…, Amyot, Pomp. 40. Caton lui dit qu'il s'en allast, et qu'il fermast la porte après luy, et se ravalla dedans son lict, comme pour dormir ce qui restoit encore de la nuict, Amyot, C. d'Utiq. 88. … Dont l'esprit demeure sot, faible, peu capable, plat, ravallé, obscur, tel qu'est la plupart du commun, Charron, Sagesse, Préf. de la 2e édit. Elle [la fortune] l'a ravallé [l'ordre de Saint-Michel] et rabaissé jusques à mes espaules et au desoubs, Montaigne, II, 340. Ayant ravalé son sçavoir au service du proufit et du gaing, Montaigne, I, 142.

ÉTYMOLOGIE

Re…, et avaler.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

RAVALER. Ajoutez : - REM. Ravaler, au sens de taire, ne pas énoncer ce qu'on voulait dire, se trouve dans Mme de Sévigné : Je vous exhorte à conserver votre modération, et à ravaler le plus que vous pourrez de ce que vous aurez envie de dire, Lett. à Mme de Grignan, 23 mars 1689, dans Lett. inédites, éd. Capmas, t. II, p. 262.