« redonner », définition dans le dictionnaire Littré

redonner

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redonner

(re-do-né) v. a.
  • 1Donner de nouveau la même chose. Vous m'avez tout donné, redonnant à mes yeux Ce chef-d'œuvre des cieux, Malherbe, V, 24. Attendez, je crois que je serai mieux sans robe… non, redonnez-la moi, cela ira mieux, Molière, Bourg. gent. I, 2. Vous savez… avec quelle franchise je vous redonnai toute la part que vous aviez jamais eue dans mon amitié, Sévigné, à Bussy, 26 juill. 1668. Relevez vos idées pour M. de Lauzun ; le roi lui a redonné ses entrées ; c'est une grande affaire qui a surpris tout le monde, Sévigné, 7 févr. 1689. Il n'y a nulle difficulté à redonner le viatique au bout de neuf ou dix jours, pourvu qu'on soit en état, Bossuet, Lett. Alb. 75. Toute ma douleur, tous mes remords sont inutiles, je ne regagnerai jamais votre confiance. - Je vous la redonne, madame, interrompis-je tout attendri, Lesage, Diabl. boit. 13.

    Se redonner, donner de nouveau à soi-même, causer à soi-même. Il fait tout ce qu'il peut pour se redonner cette vue dont il conserve nuit et jour une si chère idée, Molière, Mal. imag. II, 6. Mme de la Fayette s'est redonné son mal de côté en allant en carrosse à deux pas de chez elle, Sévigné, 22 juill. 1685.

  • 2 Terme de vénerie. Redonner un cerf aux chiens, le relancer.
  • 3Rendre, donner, même pour la première fois, une chose quand celui à qui on la donne l'a déjà eue. Au milieu de cette véritable tendresse, j'ai eu la force de vous redonner votre liberté, persuadée que, si vous pouviez venir, cela était plus capable de vous décider que de vous arrêter, Sévigné, 329. La vieillesse et un peu de maladie donnent le temps de faire de grandes réflexions ; mais ce que j'épargne sur le public, il me semble que je vous le redonne, Sévigné, 8 juin 1676. Dieu ne nous fait sentir notre faiblesse, que pour nous redonner de nouvelles forces, Maintenon, Lett. à Mme de Ventadour, 18 mars 1700. Et redonnant le calme à vos sens désolés…, Racine, Alex. IV, 2. Toutes nos fonctions les plus pénibles se bornent à effacer les taches que le temps y a fait naître [dans l'édifice de la religion] ; à redonner à ce qui est noirci son premier état…, Massillon, Conférences, Zèle contre les scandales.

    Par exagération. Ce remède m'a redonné la vie, il m'a, dans une maladie dangereuse, rendu la santé. Mme de la Fayette prend des bouillons de vipères, qui lui redonnent une âme, et lui donnent des forces à vue d'œil, Sévigné, 20 oct. 1679.

    Fig. Ah ! monsieur, vous me redonnez la vie ! Molière, Impromptu, 10. Ce qu'avait dit Mme de Clèves de son portrait lui avait redonné la vie, en lui faisant connaître que c'était lui qu'elle ne haïssait pas, La Fayette, Princ. de Clèves, Œuv. compl. t. II, p. 166, dans POUGENS. Il [Segrais] rassemblait chez lui les membres les plus estimables de l'Académie de Caen, à laquelle il redonna une espèce de vie, D'Alembert, Éloges, Segrais.

  • 4Il se dit des personnes en un sens analogue. Tandis que la Castille armait dix mille bras Pour redonner ce prince aux vœux de ses États, Molière, D. Garc. I, 2. On m'a assuré que le chevalier [de Grignan] se portait un peu mieux ; j'espère en sa jeunesse… je prie Dieu de tout mon cœur qu'il nous le redonne, Sévigné, 5 févr. 1672. Elle [Mme de Montespan] a su qu'on se plaignait qu'elle empêchait toute la France de voir le roi ; elle l'a redonné, comme vous voyez, Sévigné, 29 juill. 1676. Toujours aise que le temps passe et m'entraîne avec lui, afin de me redonner à vous, Sévigné, à Mme de Grignan, 9 févr. 1680.
  • 5Transmettre. Vraiment, ma fille, je suis ravie que mes lettres et les nouvelles de mes amis que je vous redonne vous divertissent comme elles font, Sévigné, 444.

    Répéter, redire. Elle [Mlle du Plessis] a retenu certaines choses que vous disiez ici, qu'elle nous redonne avec la même grâce [que quand elle me copie ; la phrase est ironique], Sévigné, à Mme de Grignan, 7 juin 1671. L'abbé Têtu est toujours fort touché de son commerce [de Mme de Coulanges], et redonne avec plaisir toutes ses épigrammes, Sévigné, 22 avr. 1676. L'auteur [d'une géographie, Hubner] admet la fable de la royauté d'Yvetot… c'est ainsi qu'on nous redonne tous les jours d'anciennes erreurs avec des titres nouveaux, Voltaire, Dict. phil. Géographie.

    Rappeler. Dès que nous revoyons la plus petite de vos lettres, et la moindre période qui nous redonne ce style qui a trouvé si particulièrement le secret de nous plaire, Sévigné, à Moulceau, 29 févr. 1696.

  • 6Faire reparaître. Cela [l'envoi à la monnaie des meubles d'argent du roi, de Monsieur et de Monseigneur] fait beaucoup de millions, et redonnera de l'espèce, qui manquait, Sévigné, 11 déc. 1689.
  • 7 V. n. Se laisser aller de nouveau, se livrer de nouveau. Il a redonné dans les folles dépenses. L'expérience ne le corrige pas ; il redonne dans les mêmes piéges.

    Familièrement. La pluie redonne de plus belle, elle redouble.

  • 8 Terme de fauconnerie. Redonner à propos, se dit de l'oiseau qui se rem et sans peine à la poursuite d'un gibier.
  • 9En termes militaires, revenir à la charge. L'infanterie, repoussée d'abord par le feu de la redoute, redonna avec une nouvelle vigueur.
  • 10Se redonner, v. réfl. Se donner de nouveau à quelqu'un. Son amour se ralluma, et il se redonna tout à elle, Vaugelas, Q. C. VIII, 3. Il ne manquait plus à mon malheur que d'apprendre que Belasire m'aimait encore, qu'elle se fût peut-être redonnée à moi, sans le dernier effet de mon extravagance, La Fayette, Zayde, Œuv. t. I, p. 236, dans POUGENS.
  • 11Se donner de nouveau l'un à l'autre. Vous m'auriez bien étonnée de me renvoyer ce que je vous ai dit de Mme de la Sablière… mais ne nous mettons point cela dans la tête, j'ai pensé mille fois à vous redire, dans mes lettres, des endroits et des tours si bons et si agréables des vôtres, que nous ne ferions plus que nous redonner à nous-mêmes, Sévigné, à Mme de Grignan, 4 août 1680.
  • 12Se livrer de nouveau à quelque chose. Se redonner aux affaires. Cet amant se redonne aux soins de son amour, Racine, Bérén. I, 3.

HISTORIQUE

XIIe s. Passum cest glaive e cest turment, Desque Deus nos redunt victorie [victoire], Benoit de Sainte-Maure, I, 2019.

XIIIe s. Li diex d'amor, qui tout depiece Mon cuer dont il a fait bersaut [cible], Me redonne un nouvel assaut, la Rose, 1829.

XVIe s. Si un asne m'avoit donné un coup de pied, voudriez-vous que je luy en redonnasse un autre ? Amyot, Comme il faut nourrir les enf. 31. Qui du sien donne, Dieu luy redonne, Cotgrave Dieu nous donne les merites, et nous redonne le loyer, Calvin, Instit. 457. Toutte l'armée imperiale cria victoire, quand le duc de Guise, r'alliant Thavanes, le fit donner et redonner aux Allemans devant lui, D'Aubigné, Hist. I, 22. Aiant reconnu aux habitans un ferme desir de se redonner au roi, D'Aubigné, ib. III, 350. Vous les saupoudrerez [des prunes pelées] avec du sucre, les remettrés au soleil pour un jour, leur redonnerés du sucre…, De Serres, 875. Ce peuple [de Bordeaux] qui employa touts les plus extremes moyens qu'il eust en ses mains à me gratifier… et feit bien plus pour moi en me redonnant ma charge, qu'en me la donnant premierement, Montaigne, IV, 171. Nous avions [en France] assez d'ames mal nées, sans gaster les bonnes et genereuses ; si que, si nous continuons, il restera malayséement à qui fier la santé de cet estat, au cas que la fortune nous la redonne, Montaigne, IV, 199.

ÉTYMOLOGIE

Re…, et donner ; wallon, ridné.