« sévère », définition dans le dictionnaire Littré

sévère

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

sévère

(sé-vè-r') adj.
  • 1Qui impose rigoureusement les choses, qui n'a point d'indulgence. Il est plus sévère pour les autres que pour lui-même. Un père sévère envers ses enfants. Oh ! qu'il est aisé de se faire dans le monde la réputation d'homme sévère et de la soutenir aux dépens d'autrui ! Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 462. Quiconque est plus sévère que les lois, est un tyran, Vauvenargues, Réfl. et max. 163. Du plus loin qu'il [mon père] m'aperçut [chargé de prix du collége], il laissa son ouvrage, il s'avança sur sa porte, et se mit à pleurer ; c'est une belle chose qu'un homme de bien et sévère qui pleure, Diderot, Lett. à Mlle Voland, 18 oct. 1760. Les juges les plus sévères ne sont pas toujours ceux auquels il serait le plus permis de l'être, Condorcet, Margraaf.

    Sévère à… Le juste, sévère à lui-même et persécuteur de ses propres passions, Bossuet, Reine d'Anglet. Rome lui sera-t-elle indulgente ou sévère ? Racine, Bér. II, 2. Promettez…Que, sévère aux méchants et des bons le refuge, Entre le pauvre et vous vous prendrez Dieu pour juge, Racine, Athal. IV, 3.

  • 2Il se dit des choses en un sens analogue. Une punition sévère. La piété sévère exige son offrande [le sacrifice d'Iphigénie], Racine, Iph. V, 3. Mon courroux aux vaincus ne fut que trop sévère, Racine, Andr. I, 2. Une loi moins sévère Mit Claude dans mon lit et Rome à mes genoux, Racine, Brit. IV, 2. Quand toutes vos actions n'auraient été que sévères pendant que vous étiez le maître, elles devenaient des crimes affreux dès que vous ne l'étiez plus, Montesquieu, Dial. de Sylla et Eucr. Dans ton courroux sévère, Songe au moins, mon cher fils, qu'il a sauvé ton père, Voltaire, Alz. III, 6. Nous avons, au jour de nos grandeurs, D'un cœur trop complaisant écouté les flatteurs ; Il est juste sans doute, au jour de nos misères, D'accoutumer notre âme aux paroles sévères, P. Lebrun, Marie Stuart, I, 4.

    Sort sévère, destin sévère, sort, destin qui traite l'homme sans indulgence. Je l'expose aux rigueurs du sort le plus sévère, Th. Corneille, Ariane, IV, 5. Et puissent désormais les destins moins sévères…, Voltaire, Olymp. III, 5.

    Climat sévère, climat froid et dur.

  • 3Qui exige une exactitude rigoureuse. Ayez pour la cadence une oreille sévère, Boileau, Art p. I.

    Qui est tenu rigoureusement. Un blocus, une quarantaine sévère. La seule chose dont nous puissions répondre, c'est l'assiduité de notre travail et l'emploi sévère de notre temps, D'Alembert, Œuvr. t. I, p. 362.

  • 4Qui marque, qui annonce qu'on est sévère. Un front sévère. Une mine sévère. Je devins plus rouge que le ruban que vous m'aviez envoyé ; et celui devant qui j'étais prit un visage aussi sévère que si…, Voiture, Lett. 23. Quel sujet inconnu vous trouble et vous altère ? D'où vous vient aujourd'hui cet air sombre et sévère ? Boileau, Sat. III.
  • 5Très régulier, conforme aux règles. Une vertu, une morale sévère. Ses mœurs [de Quesnel] étaient sévères, comme celles de tous ceux qui ne sont occupés que de disputes, Voltaire, Louis XIV, écrivains, Quesnel.

    En parlant de l'observance rigoureuse des lois de la pudeur. Car je ne croirai pas que, sans me consulter, La sévère Junie ait voulu le flatter, Racine, Brit. II, 3.

    Peu sévère, relâché, qui cède facilement aux tentations. Il est peu sévère en affaires d'argent. Mais parlons d'affaires, Beautés peu sévères, Béranger, Cocagne.

  • 6 Terme de littérature et d'arts. Noble et régulier, sans élégance affectée, sans ornements recherchés. Un style sévère. Des ornements sévères, d'un goût sévère.
  • 7Il se dit aussi d'une figure qui a plus de régularité que d'attrait. Une beauté sévère. Les femmes sont grandes, fortes, brillantes de santé, presque toutes fort belles, mais ce sont des beautés sévères et imposantes, Barthélemy, Anach. ch. 48.
  • 8 S. m. Ce qui est sévère. Passer du grave au doux, du plaisant au sévère, Boileau, Art p. I.

    Populairement et au fém. En voilà une sévère, voilà un fait bien surprenant, et aussi bien révoltant.

  • 9 S. f. Espèce de vipère.

HISTORIQUE

XVIe s. Si le minois du medecin chagrin, rebarbatif, mal plaisant, malcontent, severe, rechigné, contriste le malade, Rabelais, IV, Ép. au card. de Chastillon.

ÉTYMOLOGIE

Lat. severus, d'un radical sev, qui se trouve dans le grec σέϐας, σέϐω. Sévère paraît être un néologisme du XVIe siècle.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

SÉVÈRE. - HIST. Ajoutez : XIIe s. Nostre perfections n'est mie senz culpe, se li severs jugieres ne le [la] poiset merciablement en la balance de son destroit jugement, li Dialoge Gregoire lo pape, 1876, p. 328.