« saignée », définition dans le dictionnaire Littré

saignée

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

saignée

(sè-gnée) s. f.
  • 1Ouverture de la veine pour tirer du sang. Ce n'est pas que la saison ne soit contraire aux médecins ; le remède de l'Anglais [le quinquina], qui sera bientôt public, les rend fort méprisables avec leurs saignées et leurs médecines, Sévigné, 1er nov. 1679. Il avait fait de pareilles observations sur la saignée : que seize onces de sang, par exemple, se réparaient en moins de cinq jours dans un sujet qui n'était nullement affaibli, Fontenelle, Dodart. Ma saignée s'était rouverte, et je souffrais beaucoup de la tête, Chateaubriand, Itin. part. I.

    Saignée artérielle, celle qui se fait par l'ouverture d'une artère ; saignée veineuse, celle qui se fait par l'ouverture d'une veine ; saignée capillaire, celle qui se fait par l'ouverture des capillaires (sangsues, ventouses scarifiées).

    On dit que l'on fait une saignée blanche, lorsqu'on a manqué la veine, qu'on ne l'a point ouverte.

    Saignée de précaution, saignée que l'on se fait faire sans être malade, mais pour prévenir des incommodités que l'on redoute. Louis XIV n'évita l'apoplexie que par les saignées de précaution ; Monsieur et son fils le régent, qui négligèrent ce moyen, moururent d'apoplexie, ainsi que Louvois et son frère l'archevêque de Reims, Genlis, Maison rust. t. II, p. 179, dans POUGENS.

  • 2Quantité de sang tirée par l'ouverture de la veine. Saignée abondante, Une saignée de trois poêlettes.
  • 3Lieu où l'on fait la saignée, pli du bras. Il a reçu un coup à la saignée.
  • 4 Fig. Il se dit de ce que l'on tire comme le sang qui vient de la veine ouverte. Je me trouve un peu incommodé de la veine poétique par la quantité de saignées que j'y ai faites ces jours passés, Molière, Préc. 12. Il ne sort déjà que trop d'argent du royaume ; les saignées promptes épuisent bien plus que celles qui se font peu à peu, Fénelon, t. XXII, p. 488. Cet ingénieux expédient fut de s'approprier, par forme d'emprunt, tout ce qui m'était revenu des saignées que j'avais faites au coffre-fort, Lesage, Gil Bl. X, 11. Je trompai l'attente de ces dames, qui avaient compté qu'elles feraient à ma bourse une copieuse saignée, Lesage, Guzm. d'Alf. VI, 2.

    C'est une grande saignée, une rude saignée qu'on lui a faite, qu'on a faite à sa bourse, se dit quand on a tiré de quelqu'un une grosse somme d'argent qu'il ne devait ou qu'il ne comptait pas payer.

  • 5 Par analogie. Rigole que l'on fait pour tirer de l'eau de quelque endroit. On a trouvé l'avant-fossé plein d'eau, comme Vauban l'avait remarqué ; et on ne peut en venir à bout que par des saignées ; ce qui est un grand travail, Pellisson, Lett. hist. t. III, p. 388. Eumène fit tant de diligence, qu'il gagna une éminence avec ses troupes ; et, le lendemain, il trouva le moyen de faire une saignée à l'inondation, qui fit couler l'eau, de manière qu'il en sortit presque sans aucune perte, Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. VII, p. 126, dans POUGENS. Les Égyptiens fertilisèrent le sol par les saignées du fleuve, Voltaire, Mœurs, Introd. Mon. égypt. Si la pente était si rapide que les terres mises en valeur pussent être entraînées malgré les sillons, on ajouterait d'espace en espace, et dans le même sens, de petites saignées qui rompraient en partie la force et la vitesse que la roideur des collines ajoute à la chute des grosses pluies, Raynal, Hist. phil. XI, 25.

    PROVERBE

    Selon le bras la saignée, se dit quand on fait une taxe, un emprunt proportionné aux biens de celui à qui on les demande.

HISTORIQUE

XIIIe s. De Guion de Porcesse vous doi dire la vie ; Li bers se fist sainier, ce fut moult grant folie ; Car, si comme Diex volt, mors fu de la sainie, Ch. d'Ant. II, 885.

XIVe s. Icellui Bequemie tourna le coutel contre le bras dudit Mettoier, et li copa dudit bras bien avant par l'endroit de la saignée, Du Cange, sanguinare. Sans leur vie espargnier, ne doubter char navrée, Ne saignie de sang, ne sueur degoutée, Guesclin. 8394.

XVIe s. On pourra provoquer la saignée par le nez, si on voit que nature y tende, Paré, XXIV, 28. Un pauvre homme estant condamné à mourir, et passant devant la boutique d'un chirurgien, requit la justice de permettre qu'il fust saigné, priant le barbier de luy ouvrir la veine : le prevost lors luy va respondre : Hé mon amy, je le veux ; mais que te servira la saignée ? Le pauvre patient luy respond : Si fera, bien me servira ; ne dit-on pas que la première saignée sauve la vie à un homme ? Je ne fus jamais saigné, Bouchet, Serées, II, p. 36, dans LACURNE. Les Romains… ont à escient nourry des guerres… pour servir de saignée à leur republique, et esventer un peu la chaleur trop vehemente de leur jeunesse, Montaigne, III, 98.

ÉTYMOLOGIE

Saigné ; wallon, sainaie ; prov. sangnia, sancnia, sagnia ; espagn. sangria.