« semelle », définition dans le dictionnaire Littré

semelle

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

semelle

(se-mè-l') s. f.
  • 1Pièce ordinairement de cuir qui fait le dessous de la chaussure. Mon cordonnier l'a mis [mon nom] autour de ma semelle, La Fontaine, Fabl. XII, 17. Pourquoi faut-il que mon élève soit forcé d'avoir toujours sous ses pieds une peau de bœuf ? quel mal y aurait-il que la sienne propre pût au besoin lui servir de semelle ? Rousseau, Ém. II. Dans mes derniers voyages, j'ai préféré des souliers dont l'épaisse semelle de cuir est armée de fortes vis à huit ou neuf lignes de distance l'une de l'autre, Saussure, Voy. Alpes, t. VIII, p. 345. Fuir, était impossible… et puis, il [Danton] aimait son pays : " Emporte-t-on, s'écriait-il, sa patrie à la semelle de ses souliers ? ", Thiers, Hist. de la Révolution, ch. XVIII.

    Battre la semelle, voyager à pied.

    Battre la semelle, se dit aussi des ouvriers et compagnons qui vont de ville en ville pour chercher maître et travail, et quelquefois des vagabonds. S'il fût ici demeuré jusqu'à la fin de mes leçons, il eût pu y apprendre quelque chose de bon, qu'il ne trouvera pas à Londres ; tous ces étrangers aiment trop à battre la semelle, Patin, Lettres, t. II, p. 401.

    Fig. Pour la première proposition, elle a tant couru la semelle, que je pense qu'elle est maintenant rompue et harassée, Garasse, Rech. des recherches, p. 148, dans LACURNE.

    En un autre sens. Battre la semelle, se dit de deux écoliers qui, pour s'échauffer, frappent en cadence leurs pieds l'un contre l'autre. Il [l'hiver] chante d'une voix peu sûre Des airs vieillots et chevrotants ; Son pied glacé bat la mesure Et la semelle en même temps, Th. Gautier, Émaux et camées, Fantaisie d'hiver.

    Un gentilhomme à simple semelle, se disait de celui dont la noblesse était douteuse.

    Semelles de plomb, semelles pesantes avec lesquelles les coureurs s'exercent. Les semelles de plomb qu'on attache aux pieds des jeunes coureurs, pour les faire courir plus légèrement quand ils en sont délivrés, Rousseau, Dict. de mus. Double fugue.

  • 2Morceau d'étoffe dont on garnit le dessous du pied d'un bas. Mettre des semelles à des bas.
  • 3Semelles de liége, de feutre, etc. morceaux de liége, de feutre, taillés en forme de semelles, qu'on met en dedans de la chaussure pour se garantir de l'humidité.

    Semelles de crin, espèce de coussinets de crin qui ont la même forme et qui servent au même usage.

  • 4Mesure de la grandeur du pied.

    Sauter tant de semelles, sauter un espace contenant tant de fois la longueur du pied.

    Terme d'escrime. Reculer d'une semelle, rompre la semelle, reculer de la longueur du pied.

    Fig. Ne pas reculer, ne pas rompre d'une semelle, ne pas céder, tenir ferme dans ses prétentions. Je ne romprai pas d'une semelle devant ces coquins, répondit le juge de paix, Ch. de Bernard, le Gentilhomme campagnard, II, 6.

    Fig. Ne pas avancer d'une semelle, ne faire aucun progrès dans l'avancement d'une affaire. Je me fatigue en efforts superflus, sans avancer d'une semelle, Ch. de Bernard, les Ailes d'Icare, I.

  • 5Il se dit du cuir en forme de semelle qui garnit le pied de certains quadrupèdes. Une semelle calleuse en forme de corne sous la plante des pieds, Buffon, Quadrup. t. VII, p. 43.
  • 6 Terme de charpenterie. Pièce de bois couchée à plat sous le pied d'un étai.

    Pièce de bois méplate qu'on rapporte sous une autre pour la renforcer.

    Terme de menuisier. Semelle ou talon, feuillet de bois propre à être plaqué, lequel est refendu obliquement dans une pièce de bois.

    Terme de construction. Espèce de tirant fait d'une plate-forme, où sont assemblés les pieds de la ferme d'un comble, pour en empêcher l'écartement.

  • 7 Terme de marine. Assemblage de plusieurs planches (généralement de trois), composant un corps plat, dont la forme n'est pas sans analogie avec celle de la semelle d'un soulier ; elle est dite aussi aile de dérive, et, placée à tribord ou à bâbord, elle sert à diminuer la dérive des bâtiments à fond plat.

    Semelle d'ancre, synonyme de savate.

    Pièce de bois plate mise sous un corps pesant pour le faire glisser.

    Planche de fond d'un bateau.

  • 8 Terme d'artillerie. Semelle de l'affût du mortier de 15 centimètres ; c'est le plateau en bois sur lequel sont boulonnées les crapaudines qui portent le mortier.

    Semelle du petit châssis de l'affût de place ; elle est formée par deux pièces de bois assemblées en croix, sur lesquelles repose le plateau circulaire qui porte la cheville ouvrière.

    Semelle du sabot d'enrayage, pièce de fer soudée sur la face inférieure du sabot d'enrayage.

    Dans les ponts militaires, les semelles extérieures d'un bateau sont des planches fixées de chaque côté sous le fond, à fleur des bordages, pour protéger le fond dans les transports. Les semelles du chevalet à deux pieds sont des planches dans lesquelles sont engagés les pieds du chevalet ; en prenant appui sur le fond de la rivière, elles empêchent les pieds d'enfoncer plus qu'il ne faut.

  • 9 Terme de mineur. Pièce de bois qu'on place sous les poteaux, afin de les empêcher de s'enfoncer dans un terrain meuble ou tendre.

    Plancher ou sol d'une mine de charbon de terre.

  • 10Pièce de bois qui supporte les jambages d'un tour.

    Chacun des deux plateaux d'une presse, entre lesquels on place la substance à comprimer.

    Morceau de fer aplati pour faire des feuilles de fer-blanc.

  • 11 Terme de boucherie. Morceau de la cuisse du bœuf qu'on nomme aussi gîte à la noix.
  • 12Poids de semelle, poids qui représente les 24 carats de l'or ou les 12 deniers de fin de l'argent, et dont se servent les essayeurs, ainsi dit parce que, le battant, ils le rendent mince comme une semelle.
  • 13 Au plur. Feuilles de tôle repliées et soumises à un troisième laminage.

    Pièces d'appui de l'ordon d'un marteau.

HISTORIQUE

XIIIe s. Nus [nul] ne puet estre baudroier à Paris, ce est à savoir conreur de cuir por fere courroies à ceindre et por fere semeles à souliers, se il n'achate le mestier du roy, Liv. des mét. 224.

XVe s. Solea, sommele, Scheler, Gloss. rom. lat. p. 17.

XVIe s. Encore que son argent fust egaré dedans les semelles de ses souliers [qu'il fût sans le sou], pour cela il ne perdit à disner, Despériers, Contes, CV. Sot à triple semelle, Pasquier, Lettres, t. II, p. 796. Semelles et du vin passent chemin, Cotgrave J'ai veu encores des cannes farcies de plomb, desquelles on dict qu'il [le père de Montaigne] exerceoit ses bras… et des souliers aux semelles plombées, pour s'alleger au courir et à saulter, Montaigne, II, 17.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, simell. Origine inconnue. Ménage y voit sapella, diminutif tiré de sapinus, sapin. Scheler y voit un autre sapella, stapella, stapa, chaussure, objet servant à marcher ; mais ailleurs, Gloss. rom. lat. p. 17, il pense que la forme primitive est sommelle, qu'il tire de somme, charge, poids.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

SEMELLE. Ajoutez :

Battre la semelle, battre le cuir pour le corser.

15Petit plateau d'osier portant huit pêches, dit semelle, parce que c'est un fond de panier. Pêches de Montreuil : 1 fr. 50 la semelle de huit.

ÉTYMOLOGIE

Ajoutez : Origine inconnue, est-il dit dans le Dictionnaire. M. Bugge, Romania, n° 10, p. 157, essaye de pénétrer plus loin. Arguant d'une des formes, sommele, il suppose un bas-lat. sumella, qu'il croit dit pour subella, comme samedi pour sabedi. Dès lors subella est le diminutif du lat. suber, liége ; d'après cela, la notion originaire de semelle serait petit morceau de liége ; on sait du reste que les Romains et les Grecs portaient des semelles de liége, pour paraître plus grands ou, dans l'hiver, pour la santé. Cela est bien, mais il faudrait des intermédiaires pour assurer la déduction.