« semblant », définition dans le dictionnaire Littré

semblant

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

semblant

(san-blan) s. m.
  • 1En parlant des personnes, apparence. Prendre le feint semblant d'un satyre sauvage, Régnier, Élég. IV. Si vous ne l'aimez pas, faites-en le semblant, Tristan, Marianne, II, 1. Souvent un visage moqueur N'a que le beau semblant d'une mine hypocrite, Corneille, Mélite, III, 2. Et sur lui [un cheval difficile], quoique aux yeux il montrât beau semblant, Petit-Jean de Gaveau ne montait qu'en tremblant, Molière, Fâch. II, 7. On devrait châtier sans pitié Ce commerce honteux de semblants d'amitié, Molière, Mis. I, 1. Pour faire semblant d'assurance, Je veux chanter un peu d'ici, Molière, Amph. I, 2. Je savais que, malgré tous les beaux semblants, il régnait contre moi dans tous les cœurs génevois une secrète jalousie qui n'attendait que l'occasion de s'assouvir, Rousseau, Conf. X. J'ignorais que Mme Dupin, qui ne m'en a jamais fait le moindre semblant, fût si bien instruite, Rousseau, ib. VIII. C'est lui [un démon] qui, le premier déguisant sa malice, D'un semblant de vertu sut habiller le vice, Delille, Parad. perdu, IV.

    Fig. Je ne les puis fermer [mes mains malades] qu'autant qu'il faut pour tenir une plume ; le dedans ne fait aucun semblant de vouloir se désenfler, Sévigné, 4 juin 1676.

  • 2Faire semblant, avoir l'air. Je vous avoue que je sens fort cette joie, sans en faire semblant, Sévigné, 491.

    Faire semblant de, avec un infinitif. J'aimais mieux faire semblant d'entrer dans son opinion, Guez de Balzac, Liv. VI, lett. 3. Il est bon quelquefois de ne point faire semblant d'entendre les choses qu'on n'entend que trop bien, Molière, Am. méd. I, 5. L'on ne peut presque faire semblant d'aimer que l'on ne soit bien près d'être amant… car il faut avoir l'esprit et les pensées de l'amour pour le semblant, Pascal, Pass. de l'amour. On fait semblant d'aimer le roi, et on n'aime que les richesses qu'il donne, Fénelon, Tél. II. Après cela paraîtront des Iroquois, en mangeant tout vif quelque prisonnier de guerre, qui fera semblant de ne s'en pas soucier, Fontenelle, Mond. 1er soir. On ne faisait semblant d'aimer Catilina [de Crébillon] que pour me faire enrager, Voltaire, Lett. d'Argental, 1 févr. 1762. Si je voulais, je ferais semblant de ne pas vous entendre ou de ne pas vous croire ; mais je ne fais jamais semblant, Marmontel, Cont. mor. Connaiss.

    Faire semblant que, avec l'indicatif. Profitons de la leçon, si nous pouvons, sans faire semblant qu'on parle à nous, Molière, Critique, 7. L'archevêque, dans cet embarras, crut devoir prendre le parti de ne point répondre à cette requête, et il fit semblant qu'il ne l'avait point reçue, Racine, Hist. de Port-Royal, 2e part.

  • 3Ne faire semblant de rien, feindre l'indifférence, l'ignorance, de manière à détourner l'attention. Mon grand-père ne fit aucun semblant de rien ; mais un moment après il demanda la permission de sortir, Saint-Simon, 50, 118. Elle va venir sans faire semblant de rien ; pour lors vous l'aborderez, vous, en faisant semblant de rien ; elle vous écoutera faisant semblant de rien ; voilà comme se font les mariages des Tuileries, Regnard, Attends-moi s. l'orme, 9. Si on siffle [la tragédie du Triumvirat que Voltaire donnait sous un nom supposé], mes anges [M. et Mme d'Argental] ne feront semblant de rien ; quoi qu'il arrive, c'est un amusement sûr pour eux, et c'est tout ce que je prétendais, Voltaire, Lett. d'Argental, 1er août 1763.
  • 4Faux semblant, apparence trompeuse. D'un faux semblant mon esprit abusé, Corneille, Cinna, III, 4. Et sous un faux semblant d'un peu d'humanité, Corneille, Perthar. V, 3. Tout cela n'était qu'un faux semblant, Bossuet, Var. 15.

HISTORIQUE

XIe s. Si voil [je veux] vedeir alques de sun semblant [de sa contenance], Ch. de Rol. XI.

XIIe s. Si com la fausse gent vaine Qui font semblant sans talent [passion], Couci, IV. El mont [monde] n'a [il n'y a], voir, si cruel traïson C'un bel semblant et corage felon, ib. IX. Grant pechié fait qui son honme veut prendre Par biau senblant monstrer, tant que bien tient, ib. XX. De leur seigneur aidier [ils] firent semblant mauvais, Sax. X. Car felenesse gent a mult à guverner, E pur ço li covient mult fier semblant mustrer, Th. le mart. 107. E ad fait bel semblant pur les suens esbaudir, ib. 47.

XIIIe s. Ce est Dieux qui fait semblant que il dorme, Psautier, f° 51. Sachiés que moult de mes gens me mostrent grant semblant d'amor, qui ne m'aiment mie, Villehardouin, LXXXVIII. Quant il le vit, s'aperçut bien Que Renart i entent engien, Mes il n'en fet semblant ne chiere, Ren. 2013. Lors s'est Dangier en piés dreciés ; Semblant fet d'estre correciés, la Rose, 3766. À tex manieres de gent [les méchants] doit [le bailli] monstrer semblant de cruauté et de felonie et de force de justice, Beaumanoir, I. 4.

XIVe s. Chando ne fit semblant du horion qu'il sent, Ains escrioit en haut : or avant, bonne gent, Guesclin. 19226.

XVe s. Mais ma bouche fait semblant Qu'elle rie, Quant maintes fois je sens mon cueur plourer, Orléans, Bal. 20.

XVIe s. Grippeminaud, faisant semblant n'entendre ce propos, s'adresse à Panurge, disant…, Rabelais, Pant. V, 13. Eux non seulement se taisans et faisans semblant de rien, mais…, Calvin, Instit. 919. Lors qu'il fera trop de chaud ou trop de froid, ou qu'il fera semblant de pleuvoir…, De Serres, 292. Romulus l'inhuma fort honorablement, mais au reste il ne monstra aucun semblant de vouloir venger sa mort, Amyot, Rom. 36. Neoptolemus, oultre plusieurs aultres honneurs et semblanz d'amitié qu'il feit à Pyrrhus, lui donna deux paires de bœufs à la bourer, Amyot, Pyrrhus, 9.

ÉTYMOLOGIE

Sembler ; Berry, semblant, ressemblance, à mon semblant, à mon avis ; wallon, sônan ; provenç. semblant, semlant ; espagn. semblante ; ital. sembiante.