« sembler », définition dans le dictionnaire Littré

sembler

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

sembler

(san-blé) v. n.
  • 1Avoir une certaine apparence, en parlant de personnes ou de choses. La mort éteint en nous ce courage par lequel nous semblions la défier, Bossuet, Duch. d'Orl. M. de Gornay n'était pas de ceux qui semblent être persuadés que leurs ancêtres n'ont travaillé que pour leur donner sujet de parler de leurs actions et de leurs emplois, Bossuet, Gornay. Ma pitié semblerait un effet de ma peur, Racine, Iph. IV, 7. Ses superbes coursiers… L'œil morne maintenant et la tête baissée, Semblaient se conformer à sa triste pensée, Racine, Phèd. V, 6. Ce songe, ce rapport, tout me semble effroyable, Racine, Ath. II, 5. Cette grande ville [Tyr] semble nager au-dessus des eaux et être la reine de la mer, Fénelon, Tél. III. La félicité se trouve toujours placée plus haut que nous-mêmes ; plus on s'élève, plus elle semble s'éloigner de nous, Massillon, Carême, Malh. des gr. M. Marat semble avoir calomnié la nature humaine plus qu'il ne l'a connue, Voltaire, Mél. litt. Observ. sur le liv.... de J. P. Marat. Les grands poëtes semblent n'avoir écrit que pour les grands peintres, Marmontel, Œuvr. t. VII, p. 433.
  • 2 Absolument. Être jugé vrai, bon (vieux en ce sens). Ce qui vous semble ne les persuade pas, et ils n'ont pas d'oreilles pour nos remontrances, Guez de Balzac, 6e disc. sur la cour.
  • 3Se sembler l'un à l'autre, sembler réciproquement. Nous nous semblons insensés les uns aux autres, disait autrefois saint Jérôme, Bossuet, 2e sermon, Quinquagésim. 1.
  • 4 Impersonnellement. Il semble que, la chose a l'air de (avec l'indicatif). Vous tournez les choses d'une manière qu'il semble que vous avez raison, Molière, D. Juan, I, 2. Ma foi, monsieur, voilà qui est bien fait [un guerrier en marbre] ; il semble qu'il est en vie et qu'il s'en va parler, Molière, ib. III, 6. Il semble que la rusticité n'est autre chose qu'une ignorance grossière des bienséances, La Bruyère, Théoph. IV. Il semble qu'une passion vive et tendre est morne et silencieuse, La Bruyère, III. Il semblait que Mars et Bellone allaient de rang en rang rallumant dans les cœurs la fureur des combats, Fénelon, Tél. X. Il semble qu'il y a une saison pour les passions, Massillon, Panég. Ste Agnès.

    Avec le subjonctif. Il semble que mon cœur veuille se fendre par la moitié, Sévigné, 15. Quand quelqu'un traitait avec elle, il semblait qu'elle eût oublié son rang, pour ne se soutenir que par sa raison, Bossuet, Duch. d'Orl. Il semble que la race de l'homme que l'on trouve en Laponie soit une espèce particulière, dont tous les individus ne soient que des avortons, Buffon, Hist. nat. de l'h. Variétés. Il semble que ces philosophes [les stoïciens] aient imaginé qu'il suffit de dire qu'il n'y a ni bien ni mal, pour se rendre insensible à l'un et à l'autre, Condillac, Hist. anc. liv. III, ch. 22. Il semble que l'esclavage soit d'autant plus dur chez les nations libres, qu'il y est plus injuste et plus étrange, Raynal, Hist. phil. XIV, 45.

    C'est l'idée que l'écrivain a dans son esprit qui, en pareil cas, décide s'il faut mettre l'indicatif ou le subjonctif. Il semble est plus certain avec l'indicatif, plus douteux avec le subjonctif.

    Quand la phrase est négative ou interrogative, il faut toujours le subjonctif. Il ne semble pas qu'il ait fait une faute. Semblait-il seulement qu'il eût part à mes larmes ? Racine, Andr. V, 1.

    À ce qu'il semble, autant qu'on en peut juger. L'affaire tourne mal, à ce qu'il semble.

    Bussy a dit : à ce qui semble : Vous me parlez de désespoir et larmes, tout exprès, à ce qui semble, pour me dire que ce n'est pas pour moi, Lett. à Mme de Sévigné, 13 août 1655.

  • 5Il me semble, il vous semble, etc. que, je crois, vous croyez, etc. que. Il me semblait que, quand vous seriez revenues, je serais bien trois ou quatre mois sans vous voir et sans en mourir, Voiture, Lett. 152. Il semble à trois gredins dans leur petit cerveau, Que, pour être imprimés et reliés en veau, Avec leur plume ils font les destins des couronnes, Molière, Fem. sav. IV, 3. Il faut douter de toutes choses, et vous ne devez pas dire que je vous ai battu, mais qu'il vous semble que je vous ai battu, Molière, Mar. f. 8. Sganarelle : Parbleu ! il faut bien qu'il me semble, puisque cela est. - Marphurius : Ce n'est pas une conséquence ; et il peut vous sembler, sans que la chose soit véritable, Molière, ib. 8. Je m'étonne pour moi, qu'étant, comme il me semble, Vous et le genre humain si fort brouillés ensemble…, Molière, Mis. I, 1. Il me semble déjà que ces murs, que ces voûtes Vont prendre la parole, et, prêts à m'accuser…, Racine, Phèdre, III, 3. Il me semble qu'il n'y a rien de mieux à faire pour les Français que d'être doux, gais et aimables, Voltaire, Lett. Delisle, 10 juil. 1774.

    Dans cet emploi on met, comme on voit, le verbe suivant à l'indicatif. Cependant on trouve aussi le subjonctif. Il nous sembla que nous fussions seuls au monde, Montesquieu, Lett. pers. 3. Par le cours que prend votre goutte, il me semble qu'elle veuille se transformer en sciatique, Rousseau, Lett. à du Peyrou, 18 sept. 1767.

    Employé avec une négation ou une interrogation, il faut le subjonctif. Il ne me semble pas qu'on puisse penser différemment. Eh quoi ! te semble-t-il que la triste Éryphile Doive être de leur joie un témoin si tranquille ? Racine, Iph. II, 1.

    Il me semble peut être suivi d'un infinitif. Il me semble encore l'entendre. Il me semblait, dit la princesse palatine, sentir la présence réelle de Jésus-Christ, Bossuet, Anne de Gonz. Il me semble déjà dans mon oreille entendre De sa touchante voix l'accent tremblant et tendre, Lamartine, Jocelyn, Prologue.

    Il me semble le voir, il me semble de le voir : la première façon est la plus usitée aujourd'hui ; l'autre cependant n'est pas fautive. Quand il m'a dit ces mots, il m'a semblé d'entendre : Va vitement chercher un licou pour te pendre, Molière, le Dép. V, 1. Il lui semblait toujours [à mon fils] de voir autour de lui…, Sévigné, 17 avr. 1671. Il me semblait d'être le premier qui eût pénétré dans ce désert, Rousseau, Hél. IV, 11. Tout ce qu'il me semble d'apercevoir, c'est que…, Rousseau, Lett. à Deluc, 26 fév. 1763.

    À ce qu'il vous semble, à ce que vous croyez.

  • 6Il me semble, il vous semble peut être suivi d'un adjectif. Il me semble raisonnable d'agir ainsi. Ô toi qui me connais, te semblait-il croyable Que… Un cœur toujours nourri d'amertume et de pleurs Dût connaître l'amour ? Racine, Phèd. II, 1.

    Si bon lui semble ; si bon leur semble ; comme bon vous semblera ; il en a usé comme bon lui a semblé ; il nous a semblé bon, c'est-à-dire : s'il lui plaît ; s'il leur est agréable ; comme il vous plaira ; comme il l'a trouvé à propos ; nous avons trouvé bon. La jeunesse prenait le parti que bon lui semblait, Hamilton, Gramm. 2. Faites donc, ajouta-t-il, le serment que j'exige de vous, et retirez-vous ensuite où bon vous semblera, Lesage, Estév. Gonz. 42.

    Dans l'exemple d'Hamilton en remplissant l'ellipse on a : que bon lui semblait de prendre.

  • 7Que vous semble de cette affaire, qu'en pensez-vous ? quelle est votre opinion sur cette affaire ? Mais que vous semble encor maintenant de Paris ? Corneille, le Ment. I, 1. Que vous semble, dit-il, du goût de cette soupe ? Boileau, Sat. III. Comme toi dans mon cœur il [Néron] sait ce qui se passe ; Que t'en semble, Narcisse ? Racine, Brit. I, 4.

    Je lui ai dit ce qu'il m'en semblait, je lui ai dit quelle était ma pensée, mon opinion là-dessus.

  • 8Ce me semble, selon moi, à mon avis. Ce témoignage-là est de quelque prix, ce me semble, Maintenon, Lett. à Mme de Villette, 24 fév. t. I, p. 293, dans POUGENS. Mme du Deffant a eu raison d'appeler son livre [de Montesquieu] de l'esprit sur les lois ; on ne peut mieux, ce me semble, le définir, Voltaire, Lett. d'Uzès, 14 sept. 1751.

    Familièrement et par abréviation, me semble. Maître, en discourant ensemble, Ce jargon n'est pas fort nécessaire, me semble, Molière, le Dép. II, 7. Nous ne nous sommes vus depuis quatre ans ensemble, Ni, qui plus est, écrit l'un à l'autre, me semble, Molière, Éc. des f. I, 6.

  • 9Ce semble, à ce qu'il paraît. Quoique partout, ce semble, accablé sous le nombre, Je n'ai pu me résoudre à me cacher dans l'ombre, Racine, Alex. IV, 2.

    Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir.

SYNONYME

SEMBLER, PARAÎTRE. La raison pour laquelle une chose nous paraît telle ou telle se tire de cette chose même ; la raison pour laquelle elle nous semble telle ou telle se tire de nous-mêmes, de nos dispositions ou de nos réflexions. Quoiqu'il puisse y avoir erreur aussi bien quand les choses paraissent que quand elles semblent telles ou telles, l'erreur cependant est plutôt à présumer dans le second cas que dans le premier : sembler est plus dubitatif, plus conjectural que paraître, LAFAYE., Cette distinction de Lafaye est ingénieuse ; mais dans l'usage on ne distingue guère paraître et sembler ; témoin cette phrase de Voltaire : Toutes les nouveautés utiles lui semblaient [à la femme de Pierre Ier] des sacriléges, et tous les étrangers dont le czar se servait pour exécuter ses grands desseins lui paraissaient des corrupteurs, Russie, II, 10.

HISTORIQUE

XIe s. Nous ne semble pas raisoun que l'on face pruvance…, Lois de Guill. 44. De nos Franceis mi semblet aveir mult poi, Ch. de Rol. LXXXI. S'altre le dist, jà semblast grant mençunge, ib. CXXXII.

XIIe s. Tout ce ne lo-je mie [je ne conseille pas], Que trop sembleroit estre orguil et desverie, Sax. XXXII.

XIIIe s. Nient plus qu'en prés fleuris semble gaste bruiere…, Berte, XI. [Elle] Moult faisoit la dolente et moult sembloit irée, ib. XVI. Il semble à sa maniere qu'ele doive desver, ib. XVII. [Elle] Bien semble gentis feme et sans nul mauvais art, ib. XXII. Mal semble que je soie de lignage roial, ib. XXVI. Car ele [cette cachette] est, ce me semble, moult diversement duite, ib. XXXVII. En dormant lui sembloit que une ourse sauvage Lui menjoit le bras destre, ib. LXX. Sire, il nous sanle qu'en Damiette n'a nului, Chr. de Rains, p. 100. Tuit [tous] esgardent et vont ensemble Toutes les fois que bon lor semble, la Rose, 19208. Onques nus hons [nul homme] si bien sanlans [semblables, ressemblants] D'or ne vit faire deus enfans [statues d'enfants], Fl. et Blancefl. V. 575.

XVe s. Que t'en semble, n'est-elle pas très belle ? Je respondi : oncques mais ne vy telle, Orléans, 1. Et sembloit bien qu'ils escoutassent qui seroit le plus fort du roy ou des seigneurs, Commines, I, 2. Demanda à aucun s'il leur sembloit qu'ilz attendissent l'assault, Commines, III, 10.

XVIe s. Il n'y avoit point de roy en Israel, et chacun faisoit ce qu'il lui sembloit, Calvin, Inst. 1197. Il me sembloit ne pouvoir faire une plus grande faveur à mon esprit, que…, Montaigne, I, 32. Il me semble avoir leu aultrefois chez saint Thomas …, Montaigne, I, 225. Il semble que nous n'avons aultre mire de la verité que…, Montaigne, I, 234. Elle estoit tournée devers la muraille, de maniere qu'il sembloit qu'elle dormist, Amyot, Pyrrhus, 10. Le Gaulois semble au saule verdissant, Plus on le coupe et plus il est naissant, Ronsard, 685. Car il sembloit, le regardant, Un vray mulet de president, Sat. Mén. l'Asne ligueur.

ÉTYMOLOGIE

Berry, sembler, ressembler ; wallon, sôné ; picard, saner ; bourguig. sannai, semnai ; provenç. semblar, semlar ; espagn. semblar ; ital. sembrare, sembiare ; du lat. simulare, imiter, feindre, qui est le dénominatif de simul, de similis ; car simul et similis sont de même origine, comme le prouvent facul et facilis. Simul répond au sanscrit samā, ensemble, grec ἃμα, anc. haut-allemand saman, allemand moderne zu-sammen. Le b épenthétique dans les langues romanes est appelé par l'm.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

SEMBLER. Ajoutez :
10Il semble de…, on dirait… J'ai une maladie… c'est la courte haleine ; quand cela me prend, il semble d'un coup de vague, Malherbe, Lexique, éd. L. Lalanne.