« serre », définition dans le dictionnaire Littré

serre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

serre

(sê-r') s. f.
  • 1Action de serrer ; résultat de cette action. Donner une serre.

    Populairement. Il a la serre bonne, se dit d'un homme qui a le poignet vigoureux.

    Fig. Cela se dit d'un homme avare ou rapace.

    Il a la serre bonne, se dit aussi d'un homme qui dans un écrit pince fortement un adversaire. Il [Linguet] a de l'esprit pourtant, et a quelquefois la serre assez forte, Voltaire, Lett. d'Alembert, 23 déc. 1768.

  • 2Action de serrer, de presser les fruits dans un pressoir. La première serre. La seconde serre.
  • 3Presse pour serrer l'une contre l'autre les deux parties d'un moule de fondeur.

    En chirurgie, serre-fine, voy. SERRE-FINE.

  • 4Petit cadre qui s'enchâsse dans les moules où l'on jette en lames les matières d'or et d'argent.

    Coin pour affermir un châssis.

  • 5 Terme de marine. Synonyme de vaigre, planche qui sert au revêtement intérieur des membres du navire.

    Serre-bauquière, serre placée immédiatement au-dessous de la bauquière.

    Serre-gouttière, serre placée au-dessus de la fourrure de gouttière, pour seconder l'effort de cette ceinture.

    Serres de mât, pièces de bois qu'on met au pied des mâts pour les affermir.

  • 6Pied des oiseaux de proie ; dit main en termes de fauconnerie. Le milan a les serres bonnes. L'aigle a les serres très fortes. Mais la pauvrette [l'alouette] avait compté Sans l'autour aux serres cruelles, La Fontaine, Fabl. V, 17. Le peuple vautour, Au bec retors, à la tranchante serre, La Fontaine, Fabl. VII, 8.

    Fig. La serre du malheur me tient, Staël, Corinne, XVIII, 5. Comme un vautour qui plonge sur sa proie, Le malheur… Et pressant l'univers dans sa serre cruelle…, Lamartine, Médit. I, 7. Quand l'imposture ou la bassesse Livraient l'innocente faiblesse Aux serres du crime puissant, Lamartine, Harm. IV, 1.

    Fig. La serre, la rapacité. Chaque jour le fer du soldat et la serre des agents français flétrissent les beautés naturelles de Rome, Courier, Lett. I, 34.

    Terme de fauconnerie. Chausser la grande serre de l'oiseau, entraver l'ongle du gros doigt du faucon avec un petit morceau de peau.

    La Fontaine a dit serre en parlant de l'ours. Car il [l'ours] s'approchait de bien près, Te retournant avec sa serre, Fabl. V, 20.

  • 7Galerie close de vitrages dans une exposition chaude, où l'on serre pendant l'hiver les plantes qui craignent la gelée. On admet trois espèces de serres : les serres chaudes, où le degré de chaleur doit être maintenu depuis quinze degrés jusqu'à trente ; la serre tempérée, où le thermomètre ne doit pas descendre en hiver au-dessous de six degrés, ni monter au delà de quinze ; et la serre froide, où le thermomètre ne doit pas descendre au delà du terme de la congélation, ni monter au-dessus de huit ou dix degrés.

    Fig. Cela est venu en serre chaude, c'est un fruit de serre chaude, se dit de talents précoces dont on a hâté la maturité par un travail forcé.

    Fig. Être tenu en serre chaude, n'avoir aucune liberté d'action. Nous ne songeons pas que cette énorme population [de Paris] a été longtemps entretenue, comme en serre chaude, par l'ancien ordre de choses, Mirabeau, Collection, t. III, p. 232.

    Serre chinoise, serre enfoncée dans la terre.

  • 8Serre à légumes, espèce de cellier.
  • 9 Terme de pêche. Chambre de la bourdigue, qui sert de décharge à la dernière tour, quand il y a beaucoup de poissons.

HISTORIQUE

XIIIe s. De Got et de Magot que il enclost et prist, Et estoupa la serre del mur que il i fist, Rom. d'Alexandre, dans LACURNE. Bien t'ai apris à ceste fois, Comment et par quel art tu dois Amor acointer et requerre ; Or te vueil doner cles et serre, Par quoi lonctens garder porras L'amor que porchacie auras, Ovide, ms. de St-Germ. f° 95, dans LACURNE. Li crestien, cil de sa terre, Ne doutoient prison ne serre, Gui de Cambrai, Barl. et Jos. p. 4. Et maintenant vinrent as portes, et brisierent les sieres sans le seu dou castelain, Chr. de Rains, 140. Desor un palefroi norrois, Dont les regnes erent d'orfrois, La cheveciere ert bien ovrée ; Un fevre i mist une jornée Qui fist les faces et les serres, Blanchandin, mss. de St-Germain, f° 177, dans LACURNE. Com li cuers el ventre vous serre, Quant Diex a mis sitost en serre Lou conte à la doutée enseigne ! ID. I, 61.

XIVe s. Ne cuit pas [ne pense pas] que je te decuevre Tel mien secret qui m'est tant cher, Se premier tu ne vas cercher Le germe de tous les metaulx, Des animaulx et vegetaulx Qui sunt en mon pouvoir tenus Et en ma serre detenus, Nat. à l'alch. err. 62.

XVe s. L'amour tient vostre cueur en serre, Orléans, Rép. à Fred. De toute honeur [du Guesclin] estoit la droicte serre : Plourez, plourez, flour de chevalerie, Deschamps, Mort de du Guesclin. Et aussi moins est femme en serre, Et moins est du mari guettée, Et tant sera meilleur trouvée, Que celle à la quelle on deffent D'aler au marchié où l'en vent, Deschamps, Poés. mss. f° 554.

XVIe s. …Et le mauvais en enfer tiendra serre, Fust le sien corps sous l'autel enserré, Marot, III, 289. Non les palays, maisons, loges, gualeryes et eschaffaultz seullement estoyent plains de gens en bien grande serre, mais aussy les toictz, Rabelais, Sciomach. Nous empeschons la prinse et la serre de l'ame en luy donnant tant de choses à saisir, Montaigne, IV, 154. Il languissoit d'estre tenu en serre, Ne demandant que d'aller à la guerre, Amyot, Agis et Cléom. 67. Plus asseurée marque que nulle autre est celle qui se fait en la serre ou griffe des pigeons, De Serres, 402. [Ils] mettent leur corps aux champs, et tiennent leur esprit en serre, Charron, Sagesse, II, 2.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. et Berry, sarre ; provenç. et ital. serra ; du lat. sĕra, barre pour fermer une porte, serrure.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

SERRE. Ajoutez :
10 Dans le Puy-de-Dôme, réservoir où l'on recueille l'eau des sources, les Primes d'honneur, p. 442, Paris, 1874.
11Le local où, dans le Trésor ou à la Banque, on garde les valeurs (voy. RESSERRE au Supplément).