« soûl », définition dans le dictionnaire Littré

soûl

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

soûl, oûle

(sou, sou-l' ; dans soûl l'l ne se prononce jamais, même devant une voyelle ; au XVIe siècle, Bèze note que saoul se prononce sou) adj.
  • 1Pleinement repu, extrêmement rassasié. Laisse-les [des mouches], je te prie, achever leur repas, Ces animaux sont soûls ; une troupe nouvelle Viendrait fondre sur moi, plus âpre et plus cruelle, La Fontaine, Fabl. XII, 13. Quand j'ai bien mangé, je veux que tout le monde soit soûl dans ma maison, Molière, Méd. malgré lui, I, 1.

    Familièrement. Être soûl de quelque chose, en être rassasié jusqu'au dégoût. M'en voilà soûl, reprit le sire, Et quoi toujours pâtés au bec ! La Fontaine, Pâté d'anguille.

    Fig. Être soûl de quelque chose, en être rebuté, ennuyé. Je suis si soûl de cet homme-là, que je ne puis le souffrir. Je suis soûl de servir le chapeau dans le poing, Régnier, Épît. II. Si leurs désirs [des d'Albret] n'en sont contents, Et que plus haut leur âme aspire, Je serai le premier à dire Qu'ils auront tort, et que les cœurs Ne sont jamais soûls de grandeurs, La Fontaine, Poés. mêl. 33. Jamais je n'ai été si soûl de sottises, Molière, Pourc. II, 4.

    Absolument. [Messaline] Lasse, dis-je, et non soûle enfin s'est retirée, Régnier, Sat. XII. Bon dieu ! combien sont-ils [certains favoris] ingénieux à inventer de nouveaux plaisirs à une âme soûle et dégoutée ! Guez de Balzac, 3e disc. sur la cour.

  • 2Plein de vin, ivre. …les centaures soûls au bourg Atracien…, Régnier, Sat. X. Bref, je jure ce dieu qui naquit d'une cuisse, Un jour que Jupiter était soûl comme un Suisse, Maître Adam Billaut, Œuvr. p. 223, dans POUGENS.

    Être soûl comme une grive, être très soûl.

  • 3Substantivement, avec mon, ton, son, leur, autant qu'on veut, autant que cela est suffisant. Par une générosité inouïe en une maîtresse de tripot, [elle] permit au charretier de faire manger ses bêtes tout leur soûl, Scarron, Rom. com. I, 1. Au bout de la semaine, ayant dîné son soûl, Elle entend quelque bruit, veut sortir par le trou, La Fontaine, Fabl. III, 17. Un vieux ladre, un vieux fou Qui ne mangeait du pain que le quart de son soûl, Boursault, Lett. nouv. t. II, p. 131, dans POUGENS. Est-il permis de boire et de manger tout son soûl sans nécessité et pour la seule volupté ? Pascal, Prov. IX. Horace a bu son soûl lorsqu'il voit les Ménades, Boileau, Art p. IV.

    Fig. Dans le langage familier, et alors il se met quelquefois avec l'article le. Il a eu du mal, de la peine tout le soûl, tout son soûl. Nous pouvons de la sorte Nous battre tout le soûl, si le cœur vous en dit, Scarron, Jodelet, v, 5. " Dieu merci, on ne se plaindra pas qu'on ne l'ait laissé parler tout son soûl, " que dites-vous de ces belles paroles [d'un juge de Fouquet] ? ne sont-elles pas d'un fort bon juge ? Sévigné, Lett. à Pompone, 1er déc. 1664. Villars ne s'était pas contraint de dire, en parlant des puissances, que, s'il ne leur fallait que du plat de la langue, il leur en donnerait tout leur soûl, Saint-Simon, 201, 181. N'ayant plus de maîtresse, et n'ayant pas un sou, Nous philosopherons maintenant tout le soûl, Regnard, le Joueur, IV, 13.

    PROVERBE

    Il n'est pas soûl qui n'a rien mangé.

HISTORIQUE

XIIIe s. Et à saoul et à geün Me servira toute sa vie, la Rose, 10607. C'est [l'amour] fain saoule en habondance, C'est convoiteuse suffisance, ib. 4321.

XVe s. …que tu boives de l'eaue de Seine ou de Loire plus que ton soul, Chastelain, Exposit. sur vérité mal prise. … Où il fut tué meschamment et mal acompaigné, comme si Dieu n'eust pas esté saoul de venger cest oultrage qu'il avoit faict à son pere, Commines, IV, 1.

XVIe s. J'entends, avecques une grande honte de nostre siecle, qu'à nostre veue deux tres excellents personnages en sçavoir sont morts en estat de n'avoir pas leur saoul à manger, Lilius Gregorius Giraldus en Italie et Sebastianus Castalion en Allemaigne, Montaigne, I, 257. Ils vous entretiendront votre saoul, si vous en avez envie, Montaigne, I, 188. Estants las et saouls de vivre, Montaigne, II, 41. Ilz n'ont autre reconfort des travaux qu'ilz endurent, sinon que de boire et manger leur saoul, Amyot, Dion, 65. Il fut puis après bien tost saoul des dangers et travaux que telle seigneurie porte quant et soy, Amyot, Aratus, 37. Ceulx qui ont esté engendrez de peres saouls et yvres deviennent ordinairement yvrongnes, Amyot, Com. nourrir les enfants, 5. Qui voit sa viande appareiller est souvent saoul sans en manger, Génin, Récréat. t. II, p. 248.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig.  ; picard, sau, seu ; wallon, sô, soûl, sôll, soûle ; norm.  ; provenç. sadol ; ital. satollo ; du lat. satullus, dimin. de satur, dont le radical est le même que satietas, satiété.