« supplice », définition dans le dictionnaire Littré

supplice

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

supplice

(su-pli-s') s. m.
  • 1Punition corporelle ordonnée par arrêt de la justice. Je vais, comme au supplice, à cet illustre emploi, Corneille, Hor. II, 5. [Qu'il] De sa rébellion reçoive le supplice, Rotrou, Antig. IV, 1. Que peut-on imaginer de plus malheureux, que de ne pouvoir conserver la foi sans s'exposer au supplice ? Bossuet, Reine d'Angl. Comme on traînait au supplice ces deux fidèles témoins de Jésus-Christ ressuscité…, Bossuet, Hist. II, 9. Un père, en punissant, madame, est toujours père ; Un supplice léger suffit à sa colère, Racine, Phèdre, III, 3. À remonter du supplice injuste de Montecuculli [sous François Ier] jusqu'à celui des templiers, c'est une suite de supplices atroces, fondés sur les présomptions les plus frivoles, Voltaire, Dict. phil. Supplice, II. Il suffirait de réfléchir sur le supplice de la reine Anne de Boulen, de la reine Catherine Howard, de la reine Jeane Gray, de la reine Marie Stuart, du roi Charles Ier, pour justifier celui qui a dit que c'était au bourreau d'écrire l'histoire d'Angleterre, Voltaire, ib. Il [Patkul] reçut seize coups, et souffrit le supplice le plus long et le plus affreux qu'on puisse imaginer, Voltaire, Charles XII, 3. Les supplices sont malheureusement nécessaires ; il faut effrayer le crime ; mais rendez les supplices utiles ; que ceux qui ont fait tort aux hommes servent les hommes, Voltaire, Pol. et lég. Fragm. des instr. 4. Les supplices recherchés dans lesquels on voit que l'esprit humain s'est épuisé à rendre la mort affreuse, semblent plutôt inventés par la tyrannie que par la justice, Voltaire, ib. Comm. Espr. lois, Supplices. On a toujours remarqué que les pays où les supplices sont le plus terribles, sont aussi ceux où ils sont le plus fréquents, Rousseau, Écon. polit.

    Par extension. Les tyrans… vous mettent quelquefois un homme entre quatre murailles sans livres ; ce supplice est pire que la question, qui ne dure qu'une heure, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 11 déc. 1769.

    Condamner au dernier supplice, condamner à mort. Quoi donc ! les Romains ont-ils pu penser à honorer comme Dieu celui que leurs magistrats avaient condamné au dernier supplice ? Bossuet, Hist. II, 12.

    Mener quelqu'un au supplice, le mener à un supplice qui est suivi de la mort.

    Les supplices éternels, les peines des damnés. Qui vous dira qu'une justice infinie ne s'exerce pas à la fin par un supplice infini et éternel ? Bossuet, Anne de Gonz.

  • 2Il signifie quelquefois simplement la mise à mort, sans idée de jugement. Le fils d'Agamemnon vient hâter son supplice [du fils d'Hector], Racine, Andr. I, 4.
  • 3 Par extension, tout ce qui cause une vive douleur de corps, et qui dure quelque temps. La goutte est un supplice. Si messieurs vos maris vous aimaient tant, mesdames, voudraient-ils vous faire souffrir tous les ans un plus grand supplice que ne sont ceux des roués ? Sévigné, 2 déc. 1671.

    Familièrement. Être au supplice, souffrir beaucoup de quelque mal, de quelque incommodité. Je veux… Des souliers où mes pieds ne soient point au supplice, Molière, Éc. des mar. I, 1. Tartufe : Vous toussez fort, madame. - Elmire : Oui, je suis au supplice, Molière, Tart. IV, 6.

    Fig. Être au supplice, avoir quelque inquiétude, ou être impatienté. J'étais au supplice, quand, pour m'achever, le maître de la maison me rappela…, Duclos, Œuv. t. VIII, p. 173.

    On dit de même : mettre au supplice. Vous voulez que toujours je l'aie à mon service Pour mettre incessamment mon oreille au supplice, Molière, Femmes sav. II, 7.

  • 4 Fig. Grande peine d'esprit, grande souffrance morale. L'ambition a ses supplices. … tu veux donc vivre en d'éternels supplices ? Corneille, Clit. II, 4. Je vois bien que ma vue est pour elle un supplice, Molière, Tart. II, 4. Je tiens que, dans tous les beaux-arts, c'est un supplice assez fâcheux que de se produire à des sots, Molière, Bourg. gent. I, 1. Dieu punit l'âme infidèle par son propre déréglement, et, pour s'être cherchée elle-même, elle devient par là son supplice, Bossuet, la Vallière. Il te manquait encor ces perfides amours Pour être le supplice et l'horreur de mes jours, Racine, Mithr. III, 1. La vue de son propre cœur… devient son supplice, Fénelon, Tél. XVIII. Les chrétiens… sont-ils faits pour se fuir, se faire un supplice de se voir, et ne pouvoir se souffrir les uns les autres ? Massillon, Carême, Pardon. Le supplice de la honte, Montesquieu, Esp. VI, 13. C'est un supplice pour les artistes que les préceptes donnés par ceux qui ne sont point de l'art, Marmontel, Œuv. t. x, p. 520. Quiconque aima jamais porte une cicatrice ; Chacun l'a dans le sein, toujours prête à s'ouvrir ; Chacun la garde en soi, cher et secret supplice, Et mieux il est frappé, moins il en veut guérir, Musset, Poésies nouv. Lett. à Lamartine.

    Porter le supplice, porter la peine. Sage en tout, il ne fit jamais qu'un mauvais choix [Richelieu], Dont longtemps nous et lui portâmes le supplice, Corneille, Sonnet sur la mort de Louis XII.

  • 5 Fig. et poétiquement. Personne qui cause le supplice, le tourment. Ceux-là partout à charge et les vivants supplices De qui se condamne à les voir, Mais plus encore à charge à leurs propres caprices, Se donnent plus de mal qu'ils n'en font recevoir, Corneille, Imit. II, 3.

HISTORIQUE

XVIe s. Nule vie sans son suplice, Cotgrave Tel vie, tel supplice, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Lat. supplicium, supplice, proprement offrande, prière, de supplicare (voy. SUPPLIER), ainsi dit parce que, quand on allait exécuter à mort un citoyen romain, le rex sacrorum dévouait le coupable aux dieux au moyen d'une prière et d'un sacrifice, afin de laver le peuple romain des suites du sang versé.