« suppléer », définition dans le dictionnaire Littré

suppléer

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suppléer

(su-plé-é), je supléais, nous suppléions, vous suppléiez ; que je supplée, que nous suppléions. que vous suppléiez v. a.
  • 1Ajouter ce qui manque, fournir ce qu'il faut de surplus. Ce sac doit être de mille francs ; et ce qu'il y aura de moins, je le suppléerai. On supplée les vides provenant des soufflures, des bulles d'air…, Boutard, Dict. des arts du dessin, Réparer.

    Suppléer les cérémonies du baptême, faire à l'église la cérémonie du baptême sur un enfant qui n'a été qu'ondoyé.

    Suppléer ce qui manque dans un auteur, remplir les lacunes qu'il y a dans ses ouvrages.

  • 2Ajouter à une phrase ce qui y est sous-entendu. On comprendra dans la suite pourquoi, dans la construction simple, je supplée des mots qui ne sont point dans le texte ; ceux qui ne les suppléent point confondent la syntaxe simple avec la syntaxe élégante, Dumarsais, Œuvr. t. I, p. 188.
  • 3Mettre en place de. Ils [les géomètres] prétendent que l'esprit supplée toujours la définition entière aux termes courts qu'ils n'emploient que pour éviter la confusion que la multitude des paroles apporte, Pascal, Esprit géomét. I. S'ils [des titres, dans les Caractères] ne plaisent point assez, l'on permet d'en suppléer d'autres, La Bruyère, Disc. sur Théophr. L'on ne ferait que suppléer de nouveaux députés à la place de ceux qui mourraient, Montesquieu, Esp. XI, 6.
  • 4Réparer le manquement, le défaut de quelque chose. Il [La Rochefoucauld] n'a jamais été capable d'aucunes affaires, et je ne sais pourquoi ; car il avait des qualités qui eussent suppléé en tout autre celles qu'il n'avait pas, Retz, Mém. t. I, liv. II, p. 297, dans POUGENS. Suppléer par la variété des plaisirs ce qui manque à leur solidité, Massillon, Panégyr. St Franç de Paule. Quand j'ai voulu ranger les lettres dans leur ordre, il a fallu suppléer, en tâtonnant, des dates incertaines sur lesquelles je ne puis compter, Rousseau, Confess. IX. Vainement il [Napoléon] avait pris la majesté extérieure de l'empire… tout ce faste paisible qui décore la force, mais ne la supplée pas, Villemain, Souvenirs contemporains, Cent Jours, chap. VIII.
  • 5Suppléer quelqu'un, le remplacer, faire ses fonctions. Ce professeur se fait suppléer.
  • 6 V. n. Réparer le manquement, le défaut de quelque chose. Que n'a-t-elle déjà des enfants de Jason, Sur qui plus pleinement venger sa trahison ? Suppléons-y des miens, Corneille, Médée, v, 2. Suppléez au peu d'art que le ciel mit en moi ; Vous-mêmes peignez-vous cet amant hors de soi, La Fontaine, Filles de Minée. M. le Tellier savait que, si la prudence du souverain magistrat est obligée quelquefois dans les cas extraordinaires de suppléer à la prévoyance des lois, c'est toujours en prenant leur esprit, Bossuet, le Tellier. Ayant en quelque sorte à suppléer pour elle [l'Académie] à ce que le public en attendait [une grammaire]…, Régnier Desmarais, Gramm. préface. N'avez-vous pas même peut-être fait suppléer aux talents que la nature vous a refusés, une effronterie qui porte toujours un poison plus sûr dans les cœurs ? Massillon, Panégyr. Ste Agnès. Vous suppléez à la faiblesse de votre esprit avec le même artifice que vous employez pour suppléer à la faiblesse de votre vue ; et vous n'êtes capables d'embrasser un grand nombre d'idées, qu'après que vous les avez considérées chacune à part, Condillac, Art d'écr. I, 1. Le sentiment supplée à tout, et rien ne supplée au sentiment, Marmontel, Œuvr. t. VIII, p. 482.
  • 7Se suppléer, v. réfl. Se compléter. À Rome, qui fut dans les premiers temps une espèce d'aristocratie, le sénat ne se suppléait pas lui-même, Montesquieu, Esp. II, 3.
  • 8Être remplacé. La sollicitude maternelle ne se supplée pas, Rousseau, Ém. I.

REMARQUE

Les grammairiens ont voulu distinguer suppléer actif de suppléer neutre, en disant que, avec le premier, c'est fournir ce qu'il faut de surplus pour que la chose soit complète, tandis que, avec le second, c'est remplacer une chose par une autre qui en tient lieu, quoique d'une nature différente. Cette distinction n'a pas pour elle l'usage ; voyez ci-dessus les exemples qui la contredisent.

HISTORIQUE

XIIIe s. De haute honor sui en voie, Quant en telle [dame] ai mon cuer mis, Où toute valor souploie, Et où tout bien est assis, Couci, p. 120.

XIVe s. Et fust souploïe la flebeté [faiblesse] du nerf qui est insufficient, H. de Mondeville, f° 21, verso. Li autre quatre furent esleuz pour souploier le nombre, Bercheure, f° 61, verso. Que ladite demoiselle vousissions enaager, et soupplir ce qui lui defaut de son aage, Du Cange, aagiatus.

XVe s. Que le deffault de la foiblesse de mon savoir soit souppleyé, Christine de Pisan, Charles V, I, Prol. En leur priant humblement excuser et supployer à mon ignorance, Chron. de Jean de Troyes, 1460.

XVIe s. Apportons ce qui est de nous, et Dieu suppleera le reste, Calvin, Instit. 183. Ainsi, pour retrencher ce qui excedoit ès uns, et suppleer à ce qui defailloit ès autres…, Amyot, Lyc. et Num. comp. 3. Il fault un peu aider à la lettre de l'ordonnance qui est obscure, et suppleer quelque chose qui luy default, Amyot, Solon, 34. Mal armez, mais suppleans le default de leurs armures par l'affection de leur bon vouloir, Amyot, Dion, 36.

ÉTYMOLOGIE

Prov. supplir, suplir ; espagn. suplir ; port. supprir ; ital. supplire ; du lat. supplere, de sub, sous, et l'inusité plere, remplir.