« teindre », définition dans le dictionnaire Littré

teindre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

teindre

(tin-dr') v. a.

Je teins, tu teins, il teint, nous teignons, vous teignez, ils teignent ; je teignais ; je teignis ; je teindrai ; je teindrais ; teins, teignons ; que je teigne, que nous teignions ; que je teignisse ; teint ; teignant.

  • 1Faire prendre à une étoffe ou à quelque autre chose une couleur différente de sa première couleur. Teindre du fil, de la laine, une étoffe. Teindre en rouge, en noir. Teindre n'est autre chose qu'extraire d'une substance les principes colorants qu'elle contient, pour les transporter sur une autre, Ameilhon, Instit. Mém. litt. et beaux-arts, t. I, p. 545. La laine est probablement la première matière que les hommes ont teinte, parce qu'il n'y en a guère qui prennent si aisément la teinture, ID. ib. p. 549. On n'a commencé à teindre le lin qu'assez tard ; Pline ne fait pas remonter au delà du siècle d'Alexandre les premières tentatives qu'on a faites en ce genre, ID. ib. p. 574.
  • 2Il se dit des choses qui colorent l'eau et les autres liqueurs où on les jette. On teint le vin blanc avec du gros vin rouge.
  • 3Il se dit aussi de ce qui imprime une couleur qu'il est difficile de faire disparaître. Les mûres teignent les mains, le linge. Ne pourrai-je, en fuyant an indigne repos, D'un sang plus glorieux teindre mes javelots ? Racine, Phèdre, III, 5. Le fatal rivage que j'ai teint du sang de mon ami et du mien, Lesage, Diable boit. 15. Des trois couleurs rouge, jaune et bleue dont sont teintes les pierres précieuses, la rouge est la plus fixe, Buffon, Min. t. VII, p. 415.

    Par extension. Ce Jésus en qui Madame a espéré, dont elle a porté la croix en son corps par des douleurs cruelles, lui donnera encore son sang, dont elle est déjà toute teinte, Bossuet, Duch. d'Orl.

  • 4 Fig. Imprimer ce que l'on compare à une couleur, à une teinture. Nous les teignons [les idées des choses] de nos qualités, Pascal, Pens. I, 1, éd. HAVET. Des couleurs du sujet je teindrai mon langage, Delille, Jard. I.
  • 5Se teindre, v. réfl. Être teint. Les laines et les cotons se teignent presque toujours au bouillon, Thenard, Traité de chim. t. III, p. 319, dans POUGENS.

    Fig. Contracter une certaine manière d'être. Afin de nous abreuver et nous teindre de cette créance [la foi], qui nous échappe à toute heure, Pascal, Pens. X, 8. Quelquefois elles [les lois] passent au travers [des préjugés] et s'y teignent, Montesquieu, Esp. XXIX, 19. Malgré lui, dans lui-même, un vers sûr et fidèle Se teint de sa pensée et s'échappe avec elle, Chénier, Élégies, XX.

  • 6 Fig. Prendre une teinture, une connaissance légère. Il nous est plus facile de nous teindre d'une infinité de connaissances que d'en bien posséder un petit nombre, Vauvenargues, Max. 269.

HISTORIQUE

XIe s. En Rencesvals jo la tendrai vermeille [mon épée], Ch. de Rol. LXXVI.

XIIe s. En l'autre chambre avant s'en est li reis alés, De maltalent e d'ire e tainz et tressués, Th. le mart. 3.

XIIIe s. Que tez piez [ton pied] soit teinz ou sanc, Psautier, f° 78. Fille, com ceste amour vous a palie et tainte ! Audefroi le Bastard, Romancero, p. 16. Riches dras [elle] ot vestus qui furent tains en graine [écarlate], Berte, LXXIV. Icele [flèche] fu de felonie Toute tainte et envenimée, la Rose, 969. Amour d'omme envers fame n'est mie tainte en graine, Por trop pou se destaint, por trop pou se desgraine, J. de Meung, Test. 437.

XVIe s. Les teinturiers teignent le plus souvent la couleur qu'ilz voyent estre la plus requise, Amyot, Cat. 15. Les delices des grands s'envolent en fumée, Et leurs forfaicts marquez teignent leur renommée, D'Aubigné, Tragiques, édit. LALANNE, p. 82.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, tîd ; provenç. tengner, tenher ; catal. tenyir ; espagn. teñir ; portug. tingir ; ital. tingere, tignere ; du lat. tingere (comparez τέγγειν, mouiller).