« usé », définition dans le dictionnaire Littré

usé

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

usé, ée

(u-zé, zée) part. passé d'user
  • 1Qui a subi détérioration, diminution par l'usage, par le frottement. Sur cette pierre usée un lugubre flambeau Semble de son feu pâle éclairer un tombeau, Chénier M. J. Fénelon, II, 3. De quel éclat brillaient dans la bataille Ces habits bleus par la victoire usés ! Béranger, Vieux serg.

    S. m. L'usé, la partie usée d'une chose.

  • 2Terre usée, terre devenue stérile, parce qu'on lui a fait trop produire, ou produire toujours la même chose.
  • 3 Fig. Très affaibli par le travail, les maladies ou les excès, en parlant des personnes. Mme de Guerchi n'est morte que pour avoir le corps usé à force d'accoucher, Sévigné, 19 févr. 1672. [Marius] usé de fatigues, affaibli par l'âge et devenu très pesant, Rollin, Traité des Ét. 3e part. ch. 2. Ah ! de mes jours usés le déplorable reste Doit-il être acheté pour un prix si funeste ? Voltaire, Oreste, I, 5.

    Cervelle usée, esprit affaibli. Tu me fais donc servir de fable et de risée, Passer pour esprit faible et pour cervelle usée, Corneille, Ment. v, 3.

    On dit de même : santé usée. Elle sacrifia sa santé, toute faible et toute usée qu'elle était, à l'honneur d'être auprès d'une grande reine, Fléchier, Mme de Montaus.

    Ce cheval est usé, a les jambes usées, ses jambes ne valent plus rien.

  • 4 Fig. Il se dit des gens, des sentiments, qui, par excès, par abus, se sont éteints. Qu'eût fait sainte Thérèse, si elle n'eût plus eu à donner à Dieu qu'un cœur usé et des restes d'une vie scandaleuse ? Fléchier, Panég. Ste Thérèse. Le fanatisme usé des siècles héroïques Se conserve, il est vrai, dans des âmes stoïques, Voltaire, Catilina, IV, 1. Les sens usés sans avoir joui, l'esprit affaibli sans avoir produit rien de bon, et blasé sans avoir rien goûté, D'Alembert, Œuv. t. IV, p. 220.

    Une passion usée, un amour refroidi, diminué par le temps.

    Avoir le goût usé, avoir le goût émoussé par les ragoûts épicés, les liqueurs fortes.

    Il se dit des personnes en un sens analogue. Ils sont la plupart usés sur tous les plaisirs, par cela même qu'ils ne leur coûtent aucunes peines, Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virg.

  • 5 Fig. Il se dit des idées, des expressions qu'un très fréquent usage a rendues communes, banales. Cette folie [plaisanterie au sujet de Mme de Grignan] n'est point encore usée, et nous a fait rire deux ou trois fois, Sévigné, 30 juill. 1689. Un grand défaut des images fabuleuses, qui viendra, si l'on veut, de leur excellence, c'est d'être extrêmement usées, Fontenelle, Sur la poés. en gén. Œuv. t. III, p. 294, dans POUGENS. Le Système de la nature… livre stérile en bons raisonnements et pernicieux par les conséquences, mais éblouissant dans un petit nombre de pages par la peinture, quoique usée, de nos misères, Voltaire, Mél. litt. Sur un écrit anonyme.

    On dit de même : Ce sujet est usé, ces moyens sont usés. Il [Montesquieu] donna le traité sur la grandeur et la décadence des Romains, matière usée qu'il rendit neuve par des réflexions très fines et des peintures très fortes, Voltaire, Louis XIV, Montesquieu. Les réticences perfides, le silence affecté dans certaines occasions, sont encore des moyens employés avec autant de succès, que s'ils n'étaient pas usés depuis des siècles, Genlis, Mme de Maintenon, t. I, p. 238, dans POUGENS.

  • 6 Fig. Il se dit des choses qui cessent de faire impression sur nous. Tout est déjà usé pour eux à l'entrée même de la vie ; et leurs premières années éprouvent déjà les dégoûts et l'insipidité que la lassitude et le long usage de tout semble attacher à la vieillesse, Massillon, Pet. carême, Malheur des gr. Le monde usé pour moi n'a plus rien qui me touche, Gresset, Sidney, II, 2. Ce César l'entendait bien mieux, et aussi c'était un autre homme [que Napoléon] ; il ne prit point de titres usés, mais il fit de son nom même un titre supérieur à celui de roi, Courier, Corresp. mai 1804.