« vers.2 », définition dans le dictionnaire Littré

vers

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

vers [2]

(vêr ; l's ne se lie pas : vêr une montagne, et non vêr-z une montagne) prép.
  • 1Elle sert à exprimer une certaine direction, une situation d'un certain côté. Voguer vers la rive. Lever les mains, les yeux vers le ciel. Lève-toi, m'a-t-il dit, prends ton chemin vers Suse, Racine, Esth. I, 1. Il envoya Clitus vers l'Hellespont, pour empêcher les troupes ennemies de passer d'Asie en Europe, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VII, p. 117, dans POUGENS. Le premier moment de la vie Est le premier pas vers la mort, Rousseau J.-B. Od. II, 13.

    Il se construit avec quelques adverbes. Ouvrant ceux de ces pores qui regardent vers là [de ce côté], Descartes, l'Homme. Les parties du sang qui, étant les plus agitées et les plus pénétrantes, sont les plus propres à composer ces esprits, se vont rendre plutôt vers le cerveau que vers ailleurs, Descartes, Méth. v, 8.

  • 2Auprès de. Je l'ai envoyé vers vous. Envoyé vers tel prince d'Allemagne. Le coadjuteur et lui [Beaufort] employèrent toutes sortes de moyens vers M. le Prince et vers Mme de Longueville pour les adoucir, La Rochefoucauld, Mém. 99. Nous devrons être contents, lui [Malebranche] et moi : lui, de s'être justifié vers le public ; moi, d'avoir tiré de lui un désaveu, Fénelon, t. III, p. 9.
  • 3Environ. Nous partirons vers midi. Vers le commencement du règne de Louis XIV. Ce n'est que vers l'année 1725 qu'on a commencé en Espagne à traduire quelques-uns de nos livres de physique, Voltaire, Héraclius de Calderon, Dissert. Mort de Périclès vers le mois de boédromion (octobre), 429 ans avant J. C. Barthélemy, Anach. t. VII, table 1. Je rentrai vers le soir, me disant sur ma route…, Delavigne, Paria, III, 4.
  • 4 Fig. À l'égard de, envers. Mais au lieu d'affaiblir vers toi mon amitié, Corneille, la Veuve, v, 11. Je deviens sacrilége, ou je suis parricide, Et vers l'un ou vers l'autre il faut être perfide, Corneille, Cinna, III, 2. Ce monarque, en un mot, a vers vous détesté Sa lâche ingratitude [de Tartufe] et sa déloyauté, Molière, Tart. v, 8. Et pouvez-vous le voir [un billet] sans demeurer confuse Du crime dont vers moi son style vous accuse ? Molière, Mis. IV, 3. Je me sens également obligée à l'amour, aux empressements, aux services de ces deux princes ; et je trouve une espèce d'injustice bien grande à me montrer ingrate, ou vers l'un ou vers l'autre, par le refus qu'il en faudra faire dans la préférence de son rival, Molière, Am. magn. III, 1. C'est véritablement celle-là [l'acceptation que Dieu fait du sacrifice] qui couronne l'oblation ; mais elle est plutôt une action de Dieu vers la créature que de la créature envers Dieu, Pascal, Lett. sur la mort de son père. Et m'acquitter vers vous de mes respects profonds, Racine, Bajaz. III, 2. L'un de l'autre jaloux, l'un vers l'autre perfides, Voltaire, Triumv. v, 2.
  • 5Par devers, acception vieillie. Il a vers soi, presque toute achevée, une vie des vieux médecins grecs et latins, Patin, Lettres, t. II, p. 493.

REMARQUE

Les grammairiens prétendent que vers ne peut pas se dire pour envers, au sens figuré et moral ; et en effet l'Académie a suivi leur décision, mais à tort ; car ni la dérivation (vers et envers étant étymologiquement le même mot) ni l'usage ne justifient cette décision : les meilleurs auteurs, Corneille, Molière, Pascal, Racine, Voltaire, ont donné à vers le sens d'envers ; l'on peut suivre, au besoin, leur exemple.

HISTORIQUE

XIe s. Vers Engleterre passat il la mer salse, Ch. de Rol. XXVII. [Il] Turna la teste vers la paiene gent, ib. CLXXI.

XIIe s. Cité n'avons, qui vers lui [Charlemagne] puist durer, Ronc. p. 2. N'est pas merveilles se m'aïr [je m'irrite] Vers amour, qui m'a tant grevé, Couci, III. Onques vers li [elle] n'eu [je n'eus] faus cuer ne volage, ib. XI. Guiteclins le cuida [son pere] puis vers [sur] Carlon vengier, Sax. IV. Pur ço que la guerre vers les enemis Deu maintenist, Rois, p. 71. Si hom peche vers altre, à Deu se purrad acorder ; et s'il peche vers Deu, ki purrad pur lui preier ? ib. p. 8.

XIIIe s. Vers le lion s'en va, ou soit sens ou folie, Berte, II. Fame n'a point de conscience Vers quanqu'el het, vers quanqu'el ame, la Rose, 9457. Li tens, vers qui noient [néant] ne dure Ne fer ne chose tant soit dure, Car il gaste tout et menjue, ib. 377.

XIVe s. Duquel la doctrine, pour la valeur et excellence de elle, a esté multipliée et en grant reputation vers les saiges presque partout le monde, Oresme, Prol.

XVe s. Le plus tost qu'ils purent, retournerent vers Bretagne, Froissart, II, II, 1.

XVIe s. Il y feit engraver ceste inscription : Ionie est vers le soleil naissant, Peloponese est devers le baissant, Amyot, Thés. 30. J'ay une merveilleuse lascheté vers la misericorde, Montaigne, I, 2. Les compaignons de Demosthenes, en l'ambassade vers Philippus, Montaigne, I, 289. Un parler sec tirant vers le desdaigneux, Montaigne, I, 292. Son affection vers moy, Montaigne, III, 73.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, vet, ver ; bourguig. vé, var ; Berry, vé, vés ; de la prép. lat. versus ou versum, vers, de vertere, tourner (voy. VERSION).