« enrichir », définition dans le dictionnaire Littré

enrichir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

enrichir

(an-ri-chir) v. a.
  • 1Rendre riche. Ce trafic l'a bien enrichi. Je te restituai d'abord ton patrimoine ; Je t'enrichis après des dépouilles d'Antoine, Corneille, Cinna, v, 1. Il abaisse à nos pieds l'orgueil des diadèmes [des rois] ; Il prend d'eux les tributs dont il nous enrichit, Corneille, ib. III, 4. Sache quelle province enrichit les traitants, Boileau, Sat. VIII. Des Romains que la guerre enrichit de nos pertes, Racine, Mithr. III, 1.

    Absolument. Le travail enrichit.

  • 2 Par extension, il se dit de tout ce que l'on compare à une richesse. Ainsi le ciel vous veut enrichir de ma perte [de ce que je perds], Corneille, Héracl. v, 3. Madame… Mille libertés à vos chaînes offertes Semblent vous enrichir chaque jour de nos pertes, Molière, l'Ét. v, 13. La peste… Capable d'enrichir en un jour l'Achéron, La Fontaine, Fabl. VII, 1.

    Fig. Il se dit aussi des richesses morales. Elle n'a travaillé qu'à enrichir son âme, Patru, Harangue à la reine de Suède, dans RICHELET. Le ciel de ses bienfaits t'enrichit sans mesure, Voltaire, Triumv. IV, 4. Tout ce qu'il [l'enfant] voit, tout ce qu'il entend le frappe, et il s'en souvient…tout ce qui l'environne est le livre dans lequel, sans y songer, il enrichit continuellement sa mémoire, en attendant que son jugement puisse en profiter, Rousseau, Ém. II.

  • 3Garnir de quelque ornement riche ou précieux. Enrichir une montre de pierreries, un livre de figures. Enrichir un portrait de diamants.

    Fig. Il se dit d'ornements moraux ou intellectuels. Enrichir la science de nouvelles découvertes. Il a enrichi son poëme d'un nouvel épisode. Cet auteur a enrichi son livre de recherches curieuses.

    Enrichir une langue, la doter d'expressions nouvelles, de tournures heureuses. Il [Racine] a fort enrichi la langue, non par des expressions nouvelles, qu'il faut toujours hasarder très sobrement, mais par l'art heureux avec lequel il sait réunir ensemble les expressions connues pour donner à son vers ou plus de force ou plus de grâce, D'Alembert, Dial. poés. et philos. Œuvr. t. IV, p. 167, dans POUGENS.

    Par antiphrase et plaisanterie, enrichir la langue, prononcer des jurements, des malédictions, de gros mots. Il faut voir de quels mots elle enrichit la langue, Boileau, Sat. x.

  • 4S'enrichir, v. réfl. Devenir riche. Il s'est enrichi par le commerce. L'ardeur de s'enrichir chasse la bonne foi, Boileau, Ép. IX. Son désintéressement ne venait pas de sa fortune, il venait de son caractère, car il n'est pas rare qu'un homme riche veuille s'enrichir, Fontenelle, Bourdelin. Souvent il n'y a pas bien loin de l'avarice à la trahison et à la perfidie ; et l'on ne peut guère compter sur la fidélité d'un général qui a la passion de s'enrichir, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. VIII, p. 304, dans POUGENS. Rome étant une ville sans commerce et presque sans arts, le pillage était le seul moyen que les particuliers eussent pour s'enrichir, Montesquieu, Rom. I.

    Terme de mineur. Un filon s'enrichit lorsqu'il devient ou plus épais ou plus chargé de parties métalliques.

  • 5 Par extension, devenir possesseur d'objets considérés comme précieux. Approche, heureux rival, heureux choix d'une ingrate ; C'est donc pour s'enrichir d'un si noble butin Qu'elle s'est obstinée à suivre son destin, Corneille, Théod. IV, 6. Ne vous plaignez plus, Si j'ose m'enrichir, seigneur, de vos refus, Corneille, Sert. III, 3. Tu veux que d'un si cher et si noble trésor [une jeune fille] Ses criminelles mains s'enrichissent encor, Voltaire, Fanat. I, 1. On s'enrichit du bien qu'on fait à ce qu'on aime, La Chaussée, Préj. à la mode, I, 8.
  • 6 Fig. Recevoir, prendre des richesses intellectuelles ou morales. La mémoire s'enrichit par la lecture des bons livres. Il coûte moins à certains hommes de s'enrichir de mille vertus que de se corriger d'un seul défaut, La Bruyère, XI. Platon s'enrichit des dépouilles de Socrate, d'Héraclite et d'Anaxagore, Diderot, Opin. des anc. philos. Eclectisme. La vue s'enrichit aux dépens du toucher, Condillac, Traité des sens, III, 4. Un âge s'enrichit des pensers d'un autre âge, Delille, les Trois règnes, VIII.

    PROVERBE

    Qui s'acquitte s'enrichit, ou qui paie ses dettes s'enrichit.

HISTORIQUE

XIIe s. Li Sire fait povre e enrichist, humilied e suzleved, Liber psalm. p. 235. De noz aveirs, sans nul mentir, [Il] Les cuide escreistre e enrichir, Benoit de Sainte-Maure, II, 8963.

XIIIe s. Nus hoirs ne doit enriquir du torfet son pere, Beaumanoir, XXI, 17.

XIVe s. La fin à quoy il [un tyran] tent, c'est soy enrichier et son pueple mettre en servitute, Oresme, Eth. 67. Je pri Dieu qu'en enfer soient tous ceux damnés Qui tant ont enrichi evesques et abbés, Guesclin. 20801. Qui trop se haste de soy enrichir, il ne sera pas innocent, Ménagier, I, 9. Il se vouloit enrichesir, Bercheure, f° 26, recto.

XVIe s. Priant les dieux qu'ils me donnent la grace d'enrichir [devenir riche] de bon acquest, La Boétie, 198. Si j'ai par ceste traduction mienne aucunement enrichy ou ploy vostre langue, honoré vostre regne…, Amyot, Moral. épitr. p. 16. Qui veut enrichir en an, se fait pendre en six mois, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 409. Robbe enrichie de broderie, Montaigne, I, 337.

ÉTYMOLOGIE

En 1, et riche, avec la terminaison verbale ir ; provenç. enrequezir, enriquir, enrriquir, enrequir ; espagn. enrequecer ; ital. inricchire.