« satisfaire », définition dans le dictionnaire Littré

satisfaire

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

satisfaire

(sa-ti-sfê-r'. Marguerite Buffet au XVIIe siècle, Observ. p. 139, dit : Plusieurs coupent ici une s, disant satifaire et satifation ; il faut sonner une s et dire satisfaire et satisfaction) v. a.

Il se conjugue comme faire.

  • 1Causer le sentiment que nous recevons quand les choses sont à notre gré (avec un nom de personne pour sujet et pour régime). Un enfant qui satisfait son père et sa mère. Le pauvre satisfait Dieu par ses souffrances, et le riche par ses charités, Bourdaloue, 8e dim. après la Pentecôte, Dominic. t. III, p. 126. Vous aurez satisfait une mère, une sœur, Et vous aurez surtout satisfait votre honneur, Racine, Théb. II, 3.

    Satisfaire ses créanciers, leur payer tout ce qui leur est dû.

    Satisfaire un homme qu'on a offensé, lui faire réparation. Mon frère, un père enjoint que je vous satisfasse, Rotrou, Vencesl. I, 2. Il a nié : c'est satisfaire les personnes ; et l'on n'a nul droit de se plaindre de tout homme qui se dédit, Molière, G. Dand. I, 8. Je suis certain que vous me satisferez du mal que je souffrirai, Montesquieu, Lett. pers. 67.

    Donner une explication suffisante. Je vous puis sur ce point aisément satisfaire, Corneille, D. Sanche, V, 3. Notre grand Hurtado de Mendoza, dit le père, vous y satisfera sur l'heure, Pascal, Prov. VII. Approchez-vous, Néron, et prenez votre place ; On veut sur vos soupçons que je vous satisfasse, Racine, Brit. IV, 2.

  • 2Avec un nom de personne pour sujet et un nom de chose pour régime, donner satisfaction à… Quand l'Église ouvre la bouche des prédicateurs dans les funérailles de ses enfants, ce n'est pas pour accroître la pompe du deuil par des plaintes étudiées, ni pour satisfaire l'ambition des vivants par de vains éloges des morts, Bossuet, Yol. de Monterby. Tous les mauvais désirs naissent dans un cœur qui croit avoir dans l'argent les moyens de les satisfaire, Bossuet, la Vallière. Il méprisa ces âmes qui n'apportent d'autres préparations à leurs charges que celle de les avoir désirées… qui n'achètent ces titres vains d'occupation et de dignité que pour satisfaire leur orgueil et pour honorer leur paresse, Fléchier, le Tellier. Hâtez-vous, dit-elle, mon cher Télémaque, de satisfaire ma curiosité, Fénelon, Tél. IV. Il est aisé d'irriter l'amour, quand on ne le satisfait pas ; et fort mal aisé de ne pas l'éteindre, quand on le satisfait, Fontenelle, Dial. 5, Morts mod. Et j'ai cru satisfaire en cet affreux séjour Deux vertus de mon cœur, la vengeance et l'amour, Voltaire, Alz. II, 1. Il y a beaucoup moins de danger à satisfaire la curiosité de l'enfant qu'à l'exciter, Rousseau, Ém. IV.

    Satisfaire l'attente de quelqu'un, répondre à ses vœux, à ses désirs.

    Satisfaire un besoin, faire ce que la nécessité commande. Lieu où l'on satisfait les besoins naturels.

    Satisfaire sa passion, sa colère, son ambition, sa vanité, etc. se laisser aller aux impulsions de sa colère, de son ambition, de sa vanité, etc.

  • 3Avec un nom de chose pour sujet, assouvir. Le sang de Polyeucte a satisfait leurs rages, Corneille, Poly. I, 3.

    Plaire, être agréable. Satisfaire l'esprit, le cœur, les sens, la vue, l'oreille. Son discours ne m'a pas satisfait. Peut-être… Que, se voyant tromper, elle fermait les yeux, Et qu'un peu de pitié la satisfaisait mieux, Corneille, Rodog. I, 7. Voilà tous les honneurs que vous aurez de moi ; S'ils ne vous satisfont, allez vous plaindre au roi, Corneille, Nicom. III, 3.

    Absolument. Voilà, mes frères, à quoi se réduisent toutes les espérances mondaines ; faut-il s'étonner si elles ne peuvent satisfaire ? Fléchier, Serm Samaritaine.

  • 4Lever les doutes. Je ne toucherai à présent qu'à ce qui regarde cette dernière [la comédie], qu'Aristote définit simplement, une imitation de personnes basses et fourbes ; je ne puis m'empêcher de dire que cette définition ne me satisfait point, Corneille, 1er disc. Je supplie qu'on lise sur cette matière [le sentiment des bêtes] le chapitre de l'étendue des connaissances humaines, de M. Locke [Essai sur l'entendement humain] ; si ce qu'a dit ce sage et modéré philosophe ne satisfait pas, rien ne satisfera, Voltaire, Mél. litt. au P. Tournemine, 2e lettre.
  • 5 V. n. Donner satisfaction à, obéir à. En vain, pour satisfaire à nos lâches envies, Nous passons près des rois tout le temps de nos vies à souffrir des mépris et ployer les genoux, Malherbe, I, 3. Grande reine, je satisfais à vos plus tendres désirs, quand je célèbre ce monarque [Charles Ier], Bossuet, Reine d'Anglet. Toute autre place qu'un trône eût été indigne d'elle ; à la vérité, elle eut de quoi satisfaire à sa noble fierté, quand elle vit qu'elle allait unir la maison de France à la royale famille des Stuarts, Bossuet, Reine d'Angl.

    Satisfaire aux besoins naturels, faire ce qu'ils commandent. Vous ne pouvez satisfaire ici à vos besoins, retenez-vous, Dict. de l'Acad. au mot retenir. Satisfaire aux nécessités de la nature, ib. au mot nécessité.

  • 6Faire ce qu'on doit par rapport à quelqu'un ou à quelque chose. Pourrai-je entre vous deux régler alors mon âme ? Satisfaire aux devoirs et de sœur et de femme ? Corneille, Hor. II, 6. Mais, quitte envers l'honneur, et quitte envers mon père, C'est maintenant à toi [Chimène] que je viens satisfaire, Corneille, Cid. III, 4. Je vous déclare que je ne prétends point qu'il [Pourceaugnac] se marie qu'au préalable il n'ait satisfait à la médecine, Molière, Pourc. II, 2. Pendant qu'il [le fils de Condé] s'occupe à relever le prince abattu, il est blessé entre les bras d'un père si tendre, sans interrompre ses soins, ravi de satisfaire à la fois à la piété et à la gloire, Bossuet, Louis de Bourbon. Pour satisfaire à certaines lois du monde, que n'abandonne-t-on pas, et de quoi ne se prive-t-on pas ? Bourdaloue, Purif. de la Vierge, Myst. t. II, p. 185. Ce que j'admire, madame, c'est que vous satisfaites à tout, Voltaire, Lett. à Catherine II, 12 mars 1772. Je vais achever la conquête du monde, Et voir dans l'Orient le trône de Cyrus Satisfaire, en tombant, aux mânes de Crassus, Voltaire, M. de Cés. I, 3.

    Absolument. La mort de Notre Seigneur étant le sacrifice de prix infini par lequel il avait satisfait et payé pour nous, Bossuet, Var. XI. Plus la satisfaction est rude, moins il y a d'empressement à satisfaire, Fléchier, Serm. Médis.

    Donner satisfaction, réparation. Commandez que son bras… Répare cette injure à la pointe des armes ; Il satisfera, sire ; et vienne qui voudra, Attendant qu'il l'ait su, voici qui répondra, Corneille, Cid, II, 7.

    Satisfaire à la conscription, tirer au sort pour le recrutement de l'armée.

  • 7Répondre. Mon cher et grand philosophe, je satisfais, autant qu'il est en moi, aux questions que vous me faites, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 6 mai 1760.
  • 8Lever un doute, une difficulté. La censure ne satisfait pas aux objections, Pascal, Prov. III.

    En mathématique, satisfaire aux conditions d'une équation, se dit d'une construction, d'une solution, qui est conforme aux conditions imposées par la question.

  • 9Se satisfaire, v. réfl. Donner satisfaction au désir qu'on a de quelque chose. De force ou de gré, je veux me satisfaire, Corneille, Héracl. I, 2. Si on ne se satisfaisait soi-même en faisant du bien, je ne sais pas pourquoi vous m'en feriez, Scarron, Lettres, Œuv. t. I, p. 223, dans POUGENS. Je vais me satisfaire en les punissant, Sacy, Bible, Osée, X, 10.
  • 10Être apaisé. Nos deux frères sont morts, ma mère suit leurs pas, Et le ciel toutefois ne se satisfait pas, Rotrou, Antig. III, 5.

    Se satisfaire soi-même, se venger soi-même d'une offense.

  • 11Se donner à soi-même une explication suffisante. Les causes, comme à vous, m'en semblent fort obscures ; Je ne me satisfais d'aucunes conjectures, Corneille, Hor. I, 1.

HISTORIQUE

XIVe s. Et ne les auroient de quoy satisfier [payer], Du Cange, satisfacere. Nous fussiemes sateffié de autel pourfit que esdites terres nous deussiemes avoir eu, Du Cange, ib. Je veut et ordonne que mes debtes soient paiés et satisfiés des plus apparilhiés de tous mes biens, Testament de Robert de Namur (comm. par M. Caffiaux)

XVe s. Mais homme de soy nullement Satefier si n'en povoit, Et nul autre ne le devoit, Convers. de St Denis. Monseigneur… pour satisfaire à la requeste qu'il vous a pleu me faire…, Commines, Prolog.

XVIe s. Allez vous en satisfaict, Montaigne, I, 85. Quant je suis allé le plus avant que je puis, si ne me suis je aulcunement satisfait, Montaigne, I, 155. Il est plus aysé de satisfaire parlant de la nature des dieux, que de la nature des hommes, Montaigne, I, 247. Antisthenes me semble avoir satisfaict à celuy qui luy reprochoit…, Montaigne, I, 274. Mes escripts ne contiennent nulle certitude qui me satisface à moy mesme, Montaigne, II, 227. Nous trouvasmes que toute la despense estoit payée et satisfaicte, Carloix, VIII, 29. L'argent qui leur restoit après avoir satisfait à leurs necessitez, Amyot, Caton, 7. Le premier qui se prit à courir pour charger, fut Caius Crassianus, voulant satisfaire à une grande promesse qu'il avoit faite à César, Amyot, Pomp. 101. Ses parens lui conseillerent d'espouser cette jeune fille, à fin que des biens d'elle il peust satisfaire à ses creanciers, Amyot, Cicéron, 52.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. satisfar ; catal. satisfer ; espagn. satisfacer ; portug. satisfazer ; ital. satisfare ; du lat. satisfacere, de satis, assez, et facere, faire. Dans satis-facere, satis est le complément direct de facere ; c'est pour cela que satisfacere est un verbe à complément indirect.