« âpre », définition dans le dictionnaire Littré

âpre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

âpre

(â-pr') adj.
  • 1Qui cause une impression désagréable, soit sur le goût, soit sur l'ouïe, soit sur le toucher, par la rudesse de son action ou par les inégalités de surface. Un fruit âpre. Un corps âpre au toucher. Un chemin âpre et difficile. Une voix rude et âpre.

    Poétiquement. Ses yeux creux pleins d'un feu âpre et farouche, Fénelon, Tél. III.

  • 2 Fig. Sévère, dur, violent. âpre vertu, Corneille, Hor. II, 3. âpre jalousie, Corneille, Sertor. I, 1. Et je garde, au milieu de tant d'âpres rigueurs, Mes larmes aux vaincus et ma haine aux vainqueurs, Corneille, Hor. I, 1. L'âpre déplaisir, Corneille, Pomp. IV, 1. Aux plus âpres tourments un chrétien est en butte, Corneille, Poly. I, 1. Qu'un si charmant abus serait à préférer à l'âpre vérité qui vient de m'éclairer, Corneille, Héracl. III, 1. Et cet âpre courroux, quoi qu'elle en puisse dire, Ne s'obstinera point au refus d'un empire, Racine, Alex. III, 3. [L'hymen] y joint [à l'amour], dit Climène, une âpre jalousie, La Fontaine, Filles de Min. La haine devenait plus âpre, Bossuet, Hist. I, 10. Leur âpre austérité que rien ne peut gagner, N'est dans ces cœurs hautains que la soif de régner, Voltaire, Brut. I, 4.
  • 3Difficile. Quelques grandes difficultés qu'il y ait à se placer à la cour, il est encore plus difficile et plus âpre de se rendre digne d'y être placé, La Bruyère, 8.
  • 4Cupide, avide. Homme âpre. âpre au gain. Les curés les plus durs, les plus âpres à exiger leurs droits, sont ceux qui vivent d'une manière plus sordide et plus indécente, Massillon, Disc. Syn. Avarice.

    On dit d'un chien : Il est âpre à la curée, c'est-à-dire, il est avide, vorace. Fig. Il se dit aussi d'un homme avide d'argent et de places.

    On dit qu'un faucon est âpre à la proie, quand il se sert vigoureusement du bec et des ongles.

HISTORIQUE

XIIe s. Ne feras mès pechié qui te soit aspre, Li coronements Looys, V. 395. Or ne leroie, por nul home que saiche, Ne por paien, tant soit ne fier ne aspre…, ib. V. 402. [Espines] poignans et aspres qui ne peuvent florir, Ronc. p. 155. Un plus aspre juïse [jugement] par temps vous eslirons, ib. p. 199. Jà de plus aspre mort nel pouvez justicier, ib. p. 200. Car veez cum li peres chastie sun enfant Par mult dulce parole e par aspre e mordant, E mainte feiz le bat de la verge trenchant, Th. le mart. 78.

XIIIe s. Se il dient que en cesti cloistre l'en peut mener aspre vie pour l'ame sauver, Joinville, 288.

XIVe s. Car il sont d'assalir si aspre et si engrant, Qu'il ne doubtent la mort un denier valissant, Baud. de Seb. IV, 231.

XVe s. Et que en leur partie ils fissent bonne guerre et aspre aux Anglois, Froissart, II, II, 13. [Les] autres jours se faisoit la guerre tant aspre qu'il estoit possible, Commines, I, 11. Celluy qui leur est voisin, s'il est fort et aspre, ilz le laissent vivre ; mais s'il est foible, il ne sçait où se mettre, Commines, V, 18.

XVIe s. L'aspre condemnation du peuple romain contre les soldats…, Montaigne, I, 55. Quelle affection peult estre plus aspre et plus juste, que celle des amis de Pompeius [assistant à sa mort] ? Montaigne, I, 63. Le soleil estant extremement aspre, Montaigne, II, 193. Voilà, ce me semble, qu'on devroit respondre à ces gens qui sont si aspres au sang, Lanoue, 84. Qui estoient plus aspres à ceste curée qu'un chiquanaux à gripper, Lanoue, 141. Des rochers forts aspres à monter, Amyot, Cam. 44. Et estimoit on qu'il deviendroit si aspre en son courroux qu'il seroit bien malaisé de l'appaiser, Amyot, Fab. 21. À la fin il devint un peu trop aspre et trop ardent à acquerir, Amyot, Caton, 45. La guerre sourdit forte et aspre de tous costez à Demetrius, Amyot, Démétr. 61. Un feu aspre, Paré, XXVI, 4.

ÉTYMOLOGIE

Asper ; provenç. aspre ; espagn. aspero ; ital. aspro.