« appuyer », définition dans le dictionnaire Littré

appuyer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

appuyer

(a-pui-ié) v. a.

J'appuie, j'appuierai, j'appuierais. On écrivait autrefois, j'appuye, j'appuyerai, j'appuyerais. On écrit aussi j'appuîrai, j'appuîrais ; ce qui indique la prononciation. L'y n'est plus conservé qu'à l'infinitif, et dans tous les temps où il est suivi d'une voyelle autre que l'e muet : appuyant, appuyé, appuyons ; je veux que nous appuyions ; il appuya, etc.

  • 1Donner un appui à. Appuyer une muraille par des piliers. Appuyer un édifice par des arcs-boutants.

    Appuyer contre, faire porter une chose contre une autre, de manière qu'elle soit soutenue ou abritée. Appuyer l'échelle contre le mur.

    Appuyer sur, poser sur ce qui peut soutenir. Appuyer ses mains, ses coudes sur une table.

  • 2 Fig. Vous n'appuyez votre bonheur que sur le mensonge, Pascal, Prov. 17. …En vain sur leur faiblesse appuyaient leur défense, Racine, Andr. I, 1. Un père est toujours père, et sur cette assurance J'ose appuyer encore un reste d'espérance, Corneille, Poly. V, 3. C'est bâtir sur la boue que d'appuyer les fondements de sa fortune sur l'affection passagère d'une vile populace, Vertot, Révol. rom. XIV, 303.
  • 3Faire peser. Il appuie trop le pied en marchant. Il lui appuya le genou sur la poitrine.
  • 4Tenir tout contre. Il m'appuya son pistolet contre la poitrine.
  • 5 En termes de manége, appuyer l'éperon à son cheval, et elliptiquement, appuyer des deux, appliquer l'éperon, les deux éperons à son cheval.
  • 6 En termes d'escrime, appuyer la botte, appuyer le fleuret sur le corps de son adversaire après l'avoir touché ; et, figurément, presser, embarrasser quelqu'un.
  • 7 En termes d'art militaire, appuyer la droite d'un corps de troupes à un bois, à un mamelon, la disposer de manière qu'un bois, qu'un mamelon la protége.
  • 8 En termes de marine, v. a. Soutenir les vergues du bord du vent contre un vent qui souffle grand frais.
  • 9Soutenir, aider. Fallait-il appuyer une prétention raisonnable ? Fléchier, Mont. On ne le voit pas se mettre en peine d'appuyer une douteuse réputation par l'intrigue et par la cabale, Fléchier, Panég. II, 68. … Vous appuyez vous-même son courroux, Racine, Brit. III, 1. Il venait par la force appuyer son partage, Racine, Mithr. II, 3. Vous-même en expirant appuyiez ses discours, Racine, Phèd. III, 3. Un bruit que j'ai pourtant soupçonné de mensonge, Appuyant les avis qu'elle a reçus en songe, Racine, Ath. III, 4. La sultane, à ce bruit, feignant de s'effrayer, Par des cris douloureux eut soin de l'appuyer, Racine, Baj. I, 1. Et son trouble appuyant la foi de vos discours, Racine, Esth. III, 6. Vous daignerez appuyer sa demande, Molière, F. sav. I, 2. Le pape dont Constant appuya le décret, Bossuet, Hist. I, 11. César que Cicéron appuyait au sénat, Voltaire, Catil. I, 2. Tu n'as de fils qu'Octave, et nulle adoption N'a d'un autre César appuyé ta maison, Voltaire, M. de Cés. I, 1. Un homme savant appuya ce que disait la marquise, Voltaire, Cand. 22.

    Absolument. Personne à la cour ne veut entamer ; on s'offre d'appuyer, parce que jugeant des autres par soi-même, on espère que nul n'entamera, et qu'on sera ainsi dispensé d'appuyer, La Bruyère, 8.

  • 10 En termes de chasse, appuyer les chiens, les exciter du cor et de la voix.
  • 11 V. n. Peser fortement sur une chose. Appuyer sur un cachet, sur un burin. N'appuyez pas, l'endroit est sensible.

    Fig. Insister avec force. Cet argument sur lequel on appuie avec tant de force, Bossuet, Préf. Il avait un peu trop appuyé sur ce dernier article, Hamilton, Gramm. 10. Je n'ai point appuyé là-dessus et j'ai bien fait, Sévigné, 493.

    En termes de musique, appuyer sur une note, y donner plus de force. Appuyer sur un mot, le prononcer avec plus d'intensité.

  • 12 En termes d'art militaire, appuyer sur la droite ou à droite, se porter du côté droit.
  • 13 En termes de manége, ce cheval appuie sur le mors, il porte la tête basse et fatigue la main du cavalier.
  • 14S'appuyer, v. réfl. S'aider, se servir comme d'un appui, d'un soutien. S'appuyer contre la muraille. Il s'appuyait sur sa canne.

    Fig. S'appuyant sur la faveur du ministre. Sur qui dans son malheur voulez-vous qu'il s'appuie ? Racine, Phèd. I, 5. Cependant, cher Osmin, pour s'appuyer de moi, L'un et l'autre ont promis Atalide à ma foi, Racine, Baj. I, 1. M. de Cambrai prétend s'appuyer de Blosius, Bossuet, Lett. quiét. 399. Il se veut appuyer du décret de saint Étienne, Bossuet, Bibl.

HISTORIQUE

XIe s. [Il] Vait s'appuier souz le pin à la tige, Ch. de Rol. XXXVI.

XIIe s. Dueil ot li rois qui s'apuie à Naymon [dont l'appui est en], Ronc. p. 154. L'espée [il] i apoia, par vertu l'a boutée, ib. p. 196. Dux Miles se redresse, si se cuide efforcier, Apuiant à s'espée se tint vers un moustier, Sax. X. Li dus Bueves sans barbe s'apoa à un dois [ductus], ib. XVIII. La cruiz arceveskal il meïsmes porta, à nul ne l'ad baillie ; car forment se duta ; De sur un banc s'assit et à Deu s'apuia, Th. le mart. 39. Bien se puet apuier li reis à ma reisun, ib. 32.

XIIIe s. Là s'apoia la bele, qui de plorer fut roe [rouge], Berte, XXXIII. Mal se volt [il se voulut] ou songe appuier, la Rose, 6534. Il lui apoia le coustel à costés, Bibl. des Chart. 2e série, t. III, p. 425. Mes voisins pot apoier son merien contre mon mur qui joint à li, Beaumanoir, XXIV, 2. Et puis s'apoierent à droit sor ce que cascune partie avoit proposé, Beaumanoir, LXI, 63. Il m'apoia, au passer que je fis de son glaive entre les deus espaules, Joinville, 225. En ce point que je estoie illec, le roy se vint apuier à mes espaules, et me tint ses deus mains sur la teste, Joinville, 256.

XIVe s. Je croirai vo conseil, bien m'i veil apoier, Guesclin. 9832. Li maistres de St Jacques a brochié le destrier, Tint sa lance en sa main, l'escu va embracier ; Encontre les deux cents est venus apoier, ib. 15032.

XVe s. Adonc furent ordonnées eschelles et mises et appoiées contre le mur, Froissart, II, III, 23. Il chevaucha jusques aux murs de la cité, et trouva Jean de Norvich qui s'appuyoit aux creneaux, Froissart, I, I, 255.

XVIe s. On cherche à fermir et appuyer nostre religion par la prosperité de nos entreprinses, Montaigne, I, 248. Un eschafauld appuyé sur des colonnes, Montaigne, II, 35. Les uns estoient appuyez du Pape, les autres de l'Empereur, et exerçoyent toutes sortes de cruautés, Lanoue, 26. Lesquels, venans après à conoistre qu'ils ne sont nullement appuyez, après avoir rompu leurs lances, retournent, Lanoue, 291. Serrez et portans leurs piques droites apuyées contre l'espaule, Lanoue, 320. Huict jours après le massacre, il vint une grande multitude de corbeaux s'appuier sur le pavillon du Louvre, D'Aubigné, Hist. II, 29.

ÉTYMOLOGIE

Picard, apoier ; wall. aspoï ; namurois, aspouï ; bas-lat. appodiare ; de ad, à, et podium, hauteur, élévation (voy. PUI ou PUY).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

APPUYER.
1

Fig. Ajoutez : Vous êtes trop distraits, vous autres gens du monde ; vous n'appuyez pas sur les plaisirs comme nous autres ermites, Bussy-Rabutin, Lett. à Mme de Sévigné, 15 mai 1670.

5Ajoutez :

Appuyer la tête au mur, ou, simplement, appuyer, se dit du cheval qui se transporte parallèlement à lui-même en conservant une direction plus ou moins oblique.

8Ajoutez :

Appuyer une poursuite, la faire vigoureusement. Les corvettes la Pomone, la Bayadère, la Victorieuse,… appuyèrent une si vigoureuse poursuite aux pirates qu'en moins de dix-huit mois ils en eurent complétement purgé l'archipel, Jurien de la Gravière, Rev. des Deux-Mondes, 15 févr. 1874, p. 843.