« bord », définition dans le dictionnaire Littré
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bord
- 1 Terme de marine. Côté d'un vaisseau. Le bord du vaisseau fut enfoncé par une lame furieuse.
Le bord du vent, le bord qui est du côté d'où le vent souffle, par opposition au bord sous le vent, qui est l'autre bord.
Rouler bord sur bord, éprouver un roulis continu.
Virer de bord, changer de route ; et au figuré, changer de conduite.
Vaisseau de haut bord, autrefois, tout bâtiment qui naviguait au long cours, par opposition aux petits bâtiments plats qu'on désignait sous le nom de vaisseaux de bas bord ; aujourd'hui vaisseau de guerre à plusieurs ponts.
Bord à bord, locution adverbiale qui s'emploie pour exprimer la proximité de deux bâtiments. Les deux vaisseaux étant bord à bord.
Par extension. La rivière est bord à bord du quai, elle est si haute que le bord de la rivière se confond avec le bord du quai, elle affleure le quai.
- 2Bordée. Le navire courait des bords. Courir bord sur bord, louvoyer à petites bordées, de manière à ne guère changer de place.
Le bon bord, la bordée qui rapproche du but ; le mauvais bord, celle qui en éloigne ; et au figuré, courir le bon bord, se livrer à la piraterie ; et, par extension, faire des siennes.
La connétable Colonne ne contraignit pas ses mœurs à Rome, ni de courir le bon bord, du vivant et surtout depuis la mort de son mari
, Saint-Simon, 149, 182.Fig. et dans le langage familier, être du bord de quelqu'un, être de son avis, de son parti.
Il verra M. de Seignelay dans son bord
, Sévigné, 569. Nous disons maintenant, non pas dans son bord, mais de son bord.Il est seul de son bord, il est seul de son avis.
- 3Le vaisseau même. Étant passé de son bord sur celui de l'amiral. Aller ou monter à bord. Aussitôt tous les équipages furent à bord. Mettre à bord.
Achillas à son bord [au bord du vaisseau de Pompée] joint son esquif funeste
, Corneille, M. de Pomp. II, 2.Vingt corsaires pourtant montèrent sur son bord
, La Fontaine, Fianc.Le capitaine me prit à son bord avec mon domestique
, Chateaubriand, Itin. 6.À bord ! commandement de revenir au vaisseau.
- 4Extrémité d'une surface quelconque, par comparaison avec le bord d'un vaisseau. Les bords d'un bouclier. Les bords d'un chapeau. Frotter d'un topique les bords d'une plaie.
- 5Rivage de la mer. Il s'avança jusqu'au bord de la mer. Suivre le bord de la mer. Venir ou arriver à bord.
L'honneur est comme une île escarpée et sans bords
, Boileau, Sat. X.N'est-ce pas nous rendre au naufrage Après nous avoir mis à bord ?
Malherbe, III, 1.Un nautonier s'offre à le mettre à bord, Mais ce pilote est l'ami du naufrage
, Millevoye, l'Amour naut.Par extension, en langage poétique, région, pays. Se fixer sur les bords ausoniens.
Je demande Thésée aux peuples de ces bords…
, Racine, Phèd. I, 1.Achille était absent, et son père Pélée L'avait, tu t'en souviens, rappelé de ces bords
, Racine, Iphig. I, 1.Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée
, Racine, Phèd. I, 3.Les sombres bords, la demeure des morts.
On ne voit point deux fois le rivage des morts, Seigneur ; puisque Thésée a vu les sombres bords, En vain vous espérez qu'un Dieu vous le renvoie
, Racine, Phèd. II, 5.Fig.
Moi qui… Pensais toujours du bord contempler les orages
, Racine, Phèdr. II, 2.Alors sa charité rompit les bords
, Fléchier, Aig.Faut-il sans boire abandonner ce bord [la vie] ? Priez pour moi, je suis mort, je suis mort
, Béranger, Mort vivant. - 6Le rivage d'un fleuve, d'une rivière, d'un lac, d'un torrent. Sur le bord d'un fleuve, d'un ruisseau. Les bords du Rhône, de l'Eurotas. En suivant les bords du lac de Genève. Couler à pleins bords.
Tel en un secret vallon, Sur le bord d'une onde pure, Croît à l'abri de l'aquilon Un jeune lis, l'amour de la nature
, Racine, Ath. II, 9.En même temps que l'eau [d'un fleuve] les a rongés [ses bords], elle a élargi son lit, c'est-à-dire qu'elle a perdu de sa hauteur et de sa force ; ce qui étant arrivé à un certain point, il se fait encore un équilibre entre la force de l'eau et la résistance des bords, et les bords sont établis
, Fontenelle, Guglielmini.Mon lac est le premier ; c'est sur ses bords heureux Qu'habite des humains la déesse éternelle, L'âme des grands travaux, l'objet des nobles vœux, Que tout mortel embrasse ou désire ou rappelle, La liberté…
, Voltaire, Épît. 76. - 7Ce qui borde un puits, une fontaine, un fossé. Le bord d'un puits. Narcisse couché sur le bord de la fontaine.
Fig. Vieillard qui est sur le bord du tombeau, sur le bord de sa fosse. Il arrête un ami sur le bord de l'abîme. Être au bord du précipice.
Cette bouteille donna la mort au pape, et mit son fils au bord du tombeau
, Voltaire, Mœurs, 111.Vois-je l'État penchant au bord du précipice ?
Racine, Bérén. IV, 4.Je leur semai de fleurs le bord des précipices
, Racine, Athal. III, 3.Les dieux nous ont conduits jusqu'au bord de l'abîme
, Fénelon, Tél. VII.Quand nous sommes aux bords d'une pleine victoire…
, Corneille, Sertor. II, 2.Il n'était pas sur les bords du sommeil que…
, La Fontaine, Rem. - 8Limite d'un chemin. Maison de campagne qui est au bord de la route.
- 9Orifice d'un vase. Remplir un verre jusqu'aux bords.
De peur que je n'en gronde, Verse au moins jusqu'au bord
, Béranger, Inf. de Lis.C'est l'orgie opulente enviée au dehors, Contente, épanouie, Qui rit, et qui chancelle, et qui boit à pleins bords, De flambeaux éblouie
, Hugo, Crépusc. 33.Familièrement. Un rouge bord, un verre plein de vin jusqu'au bord. Boire des rouges bords. Boire à rouge bord.
Un laquais effronté m'apporte un rouge bord D'un auvernat fumeux qui, mêlé de lignage, Se vendait chez Crenet pour vin de l'Ermitage
, Boileau, Sat. III. - 10Bout en parlant des lèvres. Mouiller le bord de ses lèvres.
Avoir un mot sur le bord des lèvres, être sur le point de se le rappeler et de le prononcer. Avoir un aveu sur le bord des lèvres, être tout disposé à le faire.
Fig. Avoir l'âme sur le bord des lèvres, être près de mourir.
Tour des yeux. Il a le bord des yeux rouge et malade.
Bordure d'un vêtement. Tunique ayant un bord de pourpre. Heureux ceux qui purent seulement toucher le bord de ses vêtements.
Ruban, galon, qui sert à border. Un mètre de bord.
Endroit où la cloche a le plus d'épaisseur.
Bord de front, tresses qui se placent sur le bord d'une perruque.
SYNONYME
BORD, CÔTE, RIVE, RIVAGE. En général la bande de terre qui limite et contient une eau. Bord est le terme le plus général ; toute eau a des bords ; au lieu que la côte ne se dit que de la mer et s'élève au-dessus des flots qu'elle domine. Bord exprimant ce qui borde, ce qui contient, et côte ce qui domine et est élevé, rive et rivage expriment ce qui n'a ni l'une ni l'autre de ces conditions, et ne sont considérés que comme la langue de terre adjacente à un cours d'eau. La mer, les fleuves, les grandes rivières, qui ont seuls des rivages, ont des rives comme les ruisseaux.
HISTORIQUE
XIIIe s. À tant se sont empaint en mer, En retraiant pour avoir bort ; Toutes les nès issent du port
, Fl. et Bl. 1380.
XIVe s. Sa nef… Tu en cele emprise douteuse Bort à bort contre l'orgueilleuse, Qui si fut très durement grande
, Branche des royaux lignages, t. II, p. 375. À Huguelin de Champdivers, enlumineur de livres, pour sa paine et sallaire d'avoir enluminé par les bors et relié une grant heures pour monseigneur le duc de Thourraine
, De Laborde, Émaux, p. 169. Mais au bort du fossé vint li ducs chiere lie, Et voit les assaillants faisant gran envaïe
, Guesclin. 19997.
XVe s. Ne jouez plus de vostre sort, Car trop le passez oultre bort
, Orléans, Bal. 91.
XVIe s. Aratus non pour cela ne voulut oncques y mener ses citoyens [au camp ennemi], ains les arresta sur le bord d'une grande baricave qu'il y avoit entre deux, et les engarda de passer oultre
, Amyot, Aratus, 45.
ÉTYMOLOGIE
Espagn. et ital. bordo ; de l'anc. haut allem. bort, bord d'un vaisseau. Il y a aussi dans le celtique : gaél. bord, planche ; cornw. bord ; kymri, burdd, table ; et dans le germanique : anc. scand. bord ; anc. haut allem. bort, table, planche. Le bord est donc proprement une planche ; et l'étymologie permet de saisir l'enchaînement des significations. La première est celle de bord d'un vaisseau, c'est-à-dire ouvrage fait en planches ; puis, par métonymie, ce qui borde, ce qui renferme, ce qui limite, ce qui est à l'extrémité.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
BORD. - REM. On le trouve au sens d'espèce de diamant. C'est une fausse orthographe pour bort (voy. ce mot au Supplément).
HISTORIQUE
XIIe s. L'escu qui plus est blans que neis [neige] o une boucle de fin or Orlé de pierres tuit li bor
, Benoit de Sainte-Maure, Roman de Troie, V. 23378.
XIIIe s. Ajoutez : Charles s'en va, le cuer ot moult irié, Et outre bort [de l'autre côté du gué], de duel mesaisié : Las, que diront, fait-il, François prisié ?
Adenes LI Rois, les Enfances Ogiers, V. 3005. (c'est la reproduction de ces vers : Moult dolans s'est enz ou gué embatus ; Outre l'emporte li bons destriers crenus, V. 2972 ; ce qui prouve que outre bort signifie bien à l'autre bord). Cette remarque est nécessaire, parce que bord au sens de rive est très rare ; cet exemple d'Adenes est le seul que nous connaissions.