« brave », définition dans le dictionnaire Littré

brave

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

brave

(bra-v' ; Chifflet, Grammaire, p. 123, remarque que l'a a le son que nous marquons par un accent circonflexe, brâ-v' ; la prononciation a changé) adj.
  • 1Qui affronte courageusement le danger. Les plus braves. Qui n'est brave qu'en paroles. M. de la Rochefoucauld a dit que vous aviez voulu paraître brave dans l'espérance que quelque charitable personne vous en empêcherait, Sévigné, 27. … Les meilleurs soldats et les chefs les plus braves, Corneille, Cinna, I, 3. L'éclatante vertu de leurs braves aïeux, Corneille, Cid, I, 1. Et nous verrons ainsi qui fait mieux un brave homme Des leçons d'Annibal ou de celles de Rome, Corneille, Nicom. I, 3. Il l'a fait en brave homme et le doit soutenir, Corneille, Cid, IV, 5. Être brave est montrer sa force, Pascal, Pens. div. 6. Que faisaient cependant nos braves janissaires ? Racine, Baj. I, 1.

    Brave se dit d'un cheval qui a du courage, de la vigueur et de la docilité.

  • 2 Familièrement, et surtout avec les mots homme et gens, bon, honnête, obligeant. C'est un brave homme. C'est une famille de braves gens.

    Ironiquement. Et les braves Pyrrhoniens, Pascal, dans COUSIN.

    Très familièrement. Vous êtes un brave homme d'être venu me voir. Nous n'avons, m'a-t-il dit, ni Lambert ni Molière ; Mais, puisque je vous vois, je me tiens trop content ; Vous êtes un brave homme, entrez, on vous attend, Boileau, Sat. III.

  • 3 Familièrement, vêtu, paré avec soin. Riquet à la houppe se présente à elle, brave, magnifique, et comme un prince qui va se marier, Perrault, Contes, 78. Elle se fait brave pour la noce de son fils, Perrault, 601. Ta forte passion est d'être brave et leste, Molière, Éc. des fem. V, 4. Est ce que tu es jalouse de quelqu'une de tes compagnes que tu voies plus brave que toi ? Molière, Am méd. I, 1. J'ai loué cet habit pour paraître un peu brave, Boursault, Ésope à la cour, III, 5.

    Brave comme une noce, comme un jour de Pâques, extrêmement paré.

  • 4 S. m. Un homme vaillant à la guerre. Il est de faux dévots ainsi que de faux braves, Molière, Tart. I, 6. Rien n'est plus lâche que de faire le brave contre Dieu, Pascal, Préf. gén. Faisons tant que nous voudrons les braves, la mort est la fin qui attend la plus belle vie du monde, Pascal, dans GIRAULT-DUVIVIER. Le brave la défie [la mort] et marche au-devant d'elle, Voltaire, Orphel. I, 5. Le droit de dominer où chaque peuple aspire De l'habile et du brave est le prix glorieux, Saurin, Spartac. III, 4. C'est trop d'incertitude, il faut mourir en brave, Delavigne, Vêp. sicil. IV, 4. Je crains peu, direz-vous, les braves du Parnasse, Boileau, Sat. IX. Les deux armées semblent avoir voulu se renfermer dans des bois et dans des marais, pour décider leur querelle, comme deux braves en champ clos, Bossuet, Louis de Bourbon. Gloire à ces braves ! Sparte et Rome Jamais n'ont vu d'exploits si beaux, Hugo, Odes, II, 3. Cela me fait souvenir de ce qu'on dit quelquefois : quand brave rencontre brave, brave demeure, Sévigné, 597.

    Familièrement et par plaisanterie, c'est un brave à trois poils, c'est un homme d'une bravoure éprouvée. Locution venue de la forme de la moustache des raffinés d'honneur sous Henri III et Henri IV.

    Mon brave, locution vulgaire qui se dit soit à un homme avec qui l'on est très familier, soit à un homme inférieur de position. Venez ici, mon brave.

  • 5Assassin à gages. Il le fit assassiner par un brave qu'il paya. Peu usité (voy. BRAVO 2).

REMARQUE

1. Un brave homme est un honnête homme ; un homme brave est un homme qui a de la bravoure. Cette distinction, qui est maintenant établie par l'usage, ne l'était pas au XVIIe siècle ; et, comme on peut voir dans les exemples, Corneille a dit constamment un brave homme pour un homme brave. Quant à braves gens, il a les deux sens et signifie soit des hommes vaillants, soit des hommes bons et obligeants.

2. Le sens de bon que brave a dans : c'est un brave homme, est étendu, dans le Midi, à toutes sortes d'emplois qui sont vicieux : notre curé est fort brave, voilà de braves poulets ; il faut dire : notre curé est un brave homme ; ces poulets sont beaux. Un brave curé, c'est un curé qui est un excellent homme ; un curé brave serait un curé qui aurait de la bravoure.

HISTORIQUE

XVIe s. Il avoit donné preuve de sa suffizance en quelque brave et docte sujet, Des Accords, Bigarrures, Avis au lecteur, p. 1. Tenir tables delicates, estre braves en accoustremens, Calvin, Inst. 881. Il est des morts braves et fortunées : je lui ay veu trencher le fil d'un progrez de merveilleux advancement, et dans la fleur de son croist, à quelqu'un, d'une fin si pompeuse, qu'à mon advis, ses ambitieux et courageux desseins n'avoient rien de si hault que feut leur interruption, Montaigne, I, 68. Donner dans la bresche, d'une brave asseurance, Montaigne, II, 7. J'aimerois mieulx une vie moins brave [aisée] et moins affaireuse, Montaigne, IV, 77. Il y avoit un barbier d'etuves qui estoit fort brave [fier], Despériers, Contes, XXXII. Cato adjousta à ce glorieux exploit une brave magnificence et haultesse de paroles, Amyot, Caton, 28.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. brau (féminin brava), dur, méchant, brave ; catal. brau ; espagn. et ital. bravo ; bas-lat. bravus, sauvage. Le sens primitif est sauvage, dur, fougueux, d'où on passe facilement au sens de vaillant, courageux. Mais d'où vient celui de beau, bien habillé ? Sans doute de vaillant on est venu à habile (bravo en italien a cette acception), puis bon, beau, bien habillé. Cette acception est purement française et prouve que le mot brave est venu dans notre langue récemment de l'italien ou de l'espagnol ; s'il était ancien, il y serait sous la forme brou, répondant au provençal brau. Diez examine trois étymologies : 1° le latin pravus, méchant ; mais pravus a donné en provençal prau, et non brau ; 2° l'ancien haut-allemand raw, cru, d'où cruel, méchant, par l'épenthèse d'un b ; étymologie insuffisamment appuyée ; 3° le kymri braw, terreur, à laquelle Diez objecte que le sens de terreur ne se retrouve dans aucune langue romane. Aussi, admettant l'objection, on peut proposer comme quatrième conjecture le gaélique borb, cruel, barbare, hautain. Le bas-breton brao, beau, bien habillé, vient du français. On a aussi indiqué le latin bravĭum, brabīum, brabēum, du grec βραϐεῖον, prix de la victoire, récompense. Mais aucun intermédiaire, dans les langues romanes, ne permet de passer du sens de prix de la victoire à brave, surtout dans sa signification primitive ; puis l'accent diffère dans brave et dans bravīum : deux raisons qui ne permettent pas d'accueillir cette étymologie.