« chaire », définition dans le dictionnaire Littré

chaire

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

chaire

(chê-r') s. f.
  • 1Siége élevé d'où l'on parle, enseigne ou commande, et, particulièrement, espèce de tribune à dais d'où le prêtre adresse la parole aux assistants. Chaire de bois, de marbre, sculptée, etc. Ce mandement fut lu en chaire dans toutes les églises. Ce qui obligea le curé de monter en chaire, Pascal, Prov. 15. Ils ne montent pas dans les chaires pour y faire de vains discours, Bossuet, Par. de Dieu, 1. Si nous sommes soigneux de former des prêtres que Louis puisse choisir pour remplir nos chaires, Bossuet, le Tellier. Ce que cette chaire, ce que ces autels, ce que l'Évangile que j'annonce, et l'exemple du grand ministre dont je célèbre les vertus, m'oblige à recommander plus que toutes choses, c'est les droits sacrés de l'Église, Bossuet, ib. Les autres [prêtres] à l'État rendus plus nécessaires, Ont éclairé l'Église, ont monté dans les chaires, Voltaire, Henr. V.

    La chaire évangélique ou la chaire de vérité, la chaire où l'on prêche l'Évangile. À présent que je suis assis dans la chaire de Jésus-Christ et des apôtres, et que vous m'écoutez avec attention, Bossuet, la Vallière.

    Être assis dans la chaire de mensonge, de pestilence, etc. professer l'hérésie. Lucifer assis dans sa chaire infernale, Boileau, Sat. XI. Vous, malheureux, assis dans la chaire empestée Où le mensonge règne et répand son poison, Racine, Ath. III, 4. Des femmes de la société, de graves philosophes avaient des chaires d'incrédulité, Chateaubriand, Génie, I, 1.

    L'éloquence de la chaire, nom générique qui comprend toutes les sortes de discours qui sont ou peuvent être prononcés dans les églises, savoir : les panégyriques, les oraisons funèbres, les sermons, les prônes, les conférences, etc.

    Fig. La prédication. Les orateurs de la chaire. Avec quel succès le grand art de la chaire est cultivé à Genève, Rousseau, Dédic.

  • 2Tribune où siége un professeur dans les écoles publiques. Le professeur est en chaire.

    Fig. L'enseignement même ou la place du professeur. Une chaire de littérature française. Ce professeur a obtenu la chaire qu'il désirait. Le peuple ne donne ni chaires, ni pensions, ni places d'académie, Rousseau, Ém. v. Le rhéteur Eumènes tenait à Rome une chaire d'éloquence, Chateaubriand, Mart. 115.

  • 3Siége qu'a l'évêque au haut du chœur. L'évêque, étant dans la chaire, donna la bénédiction au peuple. Les évêques à qui ils avaient laissé une chaire, Bossuet, Hist. II, 13.

    Fig. La chaire apostolique, la chaire de saint Pierre, la chaire d'unité, termes qui désignent le siége apostolique, la papauté.

  • 4Chaire curule, ou, absolument, chaire, chaise curule. Des chaires, des licteurs, des faisceaux, Rousseau, Ém. IV.
  • 5 Terme de marine. Grand bateau plat pour charger et décharger les vaisseaux.

REMARQUE

1. Du temps de Vaugelas, l'identité de chaire et de chaise (voy. CHAISE) était encore si présente qu'il indique les cas où il faut se servir de l'un ou de l'autre. Aujourd'hui l'emploi de ces deux mots, qui sont le même mot différemment prononcé, est tellement spécifié qu'il n'y a plus lieu à aucune remarque de ce genre.

2. Th. Corneille dit : " J'ai vu plusieurs ouvrages de poésie où l'on faisait rimer chaire avec affaire ; ce qui marque qu'il y a des provinces où l'on prononce ce mot comme le féminin de l'adjectif cher. D'autres le font rimer avec guerre, ce qui est mal, quoique la prononciation de chaire en approche davantage. " Ces nuances n'existent plus pour notre oreille ; et chaire rime avec affaire, chère et guerre.

HISTORIQUE

XIIe s. Le povre [il] sache [tire] del femier, od les princes le fait sedeir ; chaere de glorie li fait aveir, Rois, 7.

XIIIe s. Cil qui ci est en une chaiere entre nous, Villehardouin, LXVII. Un riche chevalier estoit mort, et li avoit l'en fet une grant fosse large en terre, et l'avoit l'en assis moult noblement et paré en une chaere, Joinville, 266.

XVe s. Respondit tanstost messire Guillaume de Fermiton et dit : Dites à Jean de Chastel-Morant qu'il s'en voise reposer un petit en sa chaiere, Froissart, II, II, 81. Le duc de Berry, frere du roy, presidoit assis en chaire, Commines, I, 8. Ladicte demoiselle estoit en sa chaire et le duc de Cleves à costé d'elle, Commines, V, 14.

XVIe s. S'eslançant d'une chaire où elle estoit assise, Montaigne, III, 181.

ÉTYMOLOGIE

Saintonge, Berry et norm. chaire, chaise ; bourguig. cheire, chaise ; picard, cahière, cahielle, kielle, chaise ; wallon, chèïre, chaise ; namurois, chèière, chaise ; rouchi, caière, kèière, chaise ; provenç. cadera, cadeira ; catal. cadira ; anc. espagn. cadera ; portug. cadeira ; ital. cattedra ; du latin cathedra, siége, du grec ϰαθέδρα, de ϰαθ, ϰατὰ, sur, et ἕδρα, siége, dont le radical est le même que le radical latin sed dans sed-ere (voy. SEOIR). Plusieurs patois ont conservé des formes analogues à la forme ancienne chaere, c'est-à-dire non contractée ; chaere, dans les anciens textes, était toujours de trois syllabes.