« chair », définition dans le dictionnaire Littré

chair

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

chair [1]

(chêr) s. f.
  • 1Toutes les parties molles du corps de l'homme et des animaux, et plus particulièrement la partie rouge des muscles. Recevoir une blessure dans les chairs. Mais je n'ai plus trouvé qu'un horrible mélange D'os et de chairs meurtris et traînés dans la fange, Racine, Ath. II, 5.

    En chair et en os, la personne elle-même. On le disait au fond d'un précipice ; mais le voilà en chair et en os.

    Entre cuir et chair, au-dessous de la peau : il éprouvait des élancements entre cuir et chair ; et figurément, en soi-même : il s'impatientait entre cuir et chair.

    Être en chair, avoir de l'embonpoint, avoir la chair ferme ; se dit aussi du cheval et autres animaux.

    En chirurgie, on appelle chairs indistinctement les parties molles qu'on traverse avec l'instrument tranchant.

    Terme de pathologie. Substance molle qu'on observe dans les solutions de continuité, formée principalement par les bourgeons vasculaires. Chairs baveuses, excroissances de chair.

    Familièrement. C'est une masse, une grosse masse de chair, se dit d'une personne lourde de corps et d'esprit, ou seulement très grosse.

    Vendeur de chair humaine, racoleur, agent pour le remplacement militaire, et aussi celui qui fait métier de prostituer des femmes.

    Chair à canon, les troupes que l'on expose sans ménagement aux coups de l'ennemi.

  • 2L'apparence extérieure, la peau. Avoir la chair douce, rude, blanche.

    Avoir la chair fraîche, avoir un frais coloris.

    Avoir la chair courte, avoir la peau sujette à se gercer.

    Chair de poule, l'aspect que présente la peau lorsque l'impression du froid y détermine des aspérités dues à la saillie des bulbes des poils, ce qui la fait ressembler à la peau d'une poule plumée.

    Fig. Cela fait venir la chair de poule, cela excite la frayeur, l'horreur.

  • 3La viande des animaux terrestres et des oiseaux considérée comme aliment. Chair de bœuf, de mouton. Chair crue, cuite, dure, tendre, fine, courte, longue, salée, fraîche. Vendredi chair ne mangeras. Chair blanche, le veau, la volaille, etc. par opposition au mouton, chevreuil, lièvre, etc. De cette double proie L'oiseau se donne au cœur joie, Ayant de cette façon à souper chair et poisson, La Fontaine, Fabl. IV, 11.

    Chair à saucisse, chair de porc hachée qu'on met dans les saucisses et dans d'autres mets.

    Hacher menu comme chair à pâté, mettre en pièces, couper par morceaux.

    Fig. Sentir la chair fraîche, se dit des désirs amoureux qu'excite la présence d'une personne, et aussi, d'une façon générale, de tout ce qui peut exciter le désir du gain, l'intérêt, la curiosité. La Marans arriva, elle sentait la chair fraîche, Sévigné, 35.

  • 4La partie blanche ou rougeâtre, mais de nature musculeuse, que l'on mange dans les poissons. Le saumon a la chair fine et ferme.
  • 5On nomme aussi chair, le parenchyme, la partie succulente de certains fruits : c'est le sarcocarpe. La chair de la pèche, du melon, de l'abricot.
  • 6La nature humaine, considérée en opposition à la nature spirituelle. Le verbe s'est fait chair. La résurrection de la chair. Ou s'il y a des dieux, ils ont le cœur de chair, Régnier, Élég. III. Fils de cette sainte veuve plus selon l'esprit que selon la chair, Bossuet, Or. 9. La multitude adore des divinités de chair et de sang, Fénelon, XVII, 240. Les âmes timides veulent s'appuyer sur un bras de chair ou sur la force de leur sagesse, Fénelon, XVIII, 150. Ce n'est pas un bras de chair qui l'a conservée, Massillon, Carême, Vérité de la religion. Le reproche que fait Jésus-Christ à ses parents selon la chair, Massillon, Carême, Salut. Vous nous défendez dans vos écritures de nous faire un bras de chair, Fléchier, Tur. Dieu brise le bras de chair qui les appuyait, Fléchier, Le Tell. Honteux attachements de la chair et du monde, Corneille, Polyeucte, IV, 2. Ceux qui vivaient selon la chair, Bossuet, Hist. I, 1. Si la chair et le sang, se troublant aujourd'hui. Ont trop de part aux pleurs que je répands pour lui, Racine, Ath. I, 2. De la chair corrompue éteindre en nous les feux, Racine, Hymnes. On voit tous les jours les amateurs du monde tomber avec leurs protecteurs, et avec ces appuis de chair et de sang en qui ils mettaient une vaine confiance, Massillon, Myst. Purific. Soumission. Nous allons triompher de la chair et du démon, Massillon, Carême, Jeûne. De la chair et du sang réprimez les murmures, Delavigne, Paria, II, 1. S. Jérôme charge ses épaules d'un lourd fardeau, pour dompter une chair révoltée, Chateaubriand, Génie, II, III, 8.

    En termes d'Écriture, toute chair, l'ensemble des êtres vivants, homme et animaux. Hors des heures de louange, toute chair est ici en silence devant le Seigneur, Fénelon, XVII, 264. La multitude l'empêchat-elle d'exterminer toute chair au temps du déluge ? Massillon, Car. Petit nombre des élus.

    Le mariage ne fait qu'une chair de l'homme et de la femme.

    C'est la chair de sa chair, c'est l'objet de ses plus vives affections, c'est un autre lui-même.

    La chair, la concupiscence charnelle. L'œuvre de la chair, L'œuvre de chair, la conjonction charnelle. L'aiguillon de la chair. Le péché de la chair, le péché d'impureté. Le péché de la chair tentait l'humanité, Régnier, Sat. I. Vous êtes donc bien tendre à la tentation ; Et la chair sur vos sens fait grande impression, Molière, Tart. III, 2.

    Être de chair, avoir des faiblesses humaines, et particulièrement des faiblesses amoureuses. Filles du sang royal ne se déclarent guères ; Tout se passe en leur cœur ; cela les fâche bien : Car elles sont de chair ainsi que les bergères, La Fontaine, Fianc. Vous considérerez, en regardant votre air, Que l'on n'est pas aveugle et qu'un homme est de chair, Molière, Tart. III, 3.

  • 7 S. f. plur. Dans les arts, toute imitation de la chair de l'homme. Les chairs sont mal rendues dans ce tableau. Ce sculpteur traite bien les chairs, ses chairs sont belles.

    Au singulier, telle partie est belle de chair.

    Couleur de chair, rouge pâle qui approche de la couleur de la chair de l'homme. Un maillot couleur de chair.

  • 8 En termes de fauconnerie, l'oiseau est bien à la chair, lorsqu'il chasse bien.
  • 9 Terme de tanneur, côté de la peau opposé à celui où se trouve le poil.
  • 10 En termes de forge, le fer a de la chair quand la cassure en est inégale et paraît d'un brun noirâtre.
  • 11 Terme de minéralogie. Chair fossile, espèce d'amiante à feuillets épais et solides.
  • 12Chair à dame, espèce de poire peu estimée.

PROVERBES

La chair nourrit la chair, c'est-à-dire la viande est le meilleur aliment.

Il n'est ni chair ni poisson, se dit d'un homme d'un caractère indécis, qui flotte entre deux partis.

Jeune chair et vieux poisson, c'est-à-dire il faut manger les animaux quand ils sont jeunes, et les poissons quand ils sont vieux. En vérité, mon compère, vous faites bien mentir le proverbe : jeune chair et vieux poisson ; car, n'étant qu'un jeune brochet, vous avez une fermeté que les plus vieux esturgeons n'ont pas, Voiture, Lett. 143.

Il n'y a point de belle chair près des os, c'est-à-dire une personne maigre n'est jamais belle.

L'esprit est prompt et la chair est faible, se dit des bonnes résolutions qui sont promptement conçues, mais que l'on tient difficilement.

SYNONYME

VIANDE, CHAIR. La viande est la chair préparée dans la boucherie ou dans la cuisine pour la nourriture de l'homme ou des animaux La chair n'a subi aucune préparation et est l'animal lui-même tel qu'il est après avoir été tué. Les animaux carnivores se nourrissent de chair ; l'homme mange de la viande.

HISTORIQUE

XIe s. En [pour cela] deit hom perdre du sang et de la char, Ch. de Rol. LXXXVI. L'haubert [il] lui rompt entresques à la charn, ib. XCIV. As chars vives, ib. CXXIV. [Je] ne vous lairrai por [par crainte de] nul home de char, ib. CLVII.

XIIe s. De mautalent [il] a la car tressuée, Roncisv. 52. Dex le garit [préserva] qu'en char [il] nel put toucher, ib. 63. Chascuns se doit enforcier De dieu servir, jà n'i soit li talens, Et la char vaincre et plagier, Quesnes, Romanc. 96. [Je ferai] La char oindre de miel, et lecher à mes ours, Saxons, XXVII. Mes fiz que je ai engendré de ma charn me quiert ocire, Rois, 179.

XIIIe s. [Féru] Si angoisseusement que la char en fut bloe [bleue], Berte, XXXIII. Ne pain, ne char, ne vin, ne gastiaux, ne biscuit, ib. XXXVI. Atant le lairons du roi Richart qui fu mors sans hoir de sa char, Chr. de Rains, 33. Je ne laissai hui à l'ostel Ne pain, ne vin, ne car, ne sel. Ren. 20586. Nus homs ne se devroit ià prendre à fame qui sa char veut vendre, la Rose, 4580. …S'ot la char tendre. Qu'en [on] la li peüst toute fendre à une petitete ronce, ib. 843. Et les chars salées, pour ce que il ne mangoient point de porc, Joinville, 237. La maladie de l'ost estoit tele que la char de nos jambes sechoit toute, Joinville, 236.

XIVe s. Mais estre batuz et feruz, ce leur est grant peine et grant douleur se il sont sensibles et se il ont char, Oresme, Eth. 89. Chars legieres sont de bonne digestion et saines, Oresme, ib. 180.

XVe s. Et pourvurent ledit chastel de vins, de farines, de chairs et de toutes autres pourveances, Froissart, I, I, 253. Il est grand et long et fort et de gros membres, sans estre trop chargé de chair, Froissart, II, III, 10. En char crue mon cueur ne se delecte, Oublions tout le vieil gouvernement, Orléans, Bal. 125. Mon mari a, que je croy, Par ma foy ! Le gozier de chair salée, Car il ne peut respirer Ne durer Se sa gorge n'est mouillée, Basselin, V. de Vir. 36. À ung jour de char [un jour gras], Bibl. des chartes, 4e série, t. IV, p. 373.

XVIe s. À qui le poisson seroit plus appetissant que la chair, Montaigne, I, 228. En chair et en os [en personne], Montaigne, III, 309. Et issoit de toute sa personne une odeur fort souëfve tellement que les habillemens qui touchoient à sa chair en estoient comme tous perfumez, Amyot, Alex. 6. Chair et semence de courge, Paré, XXI, 3. Toute chair n'est pas venaison, Leroux de Lincy, Proverb. t. II, p. 192. Jamais ne demeure chair à la boucherie, Leroux de Lincy, ib.

ÉTYMOLOGIE

Berry, bourguig. picard et wallon, char ; namurois, chau ; provenç. carn ; espagn. et ital. carne ; du latin carnem, accusatif de caro, qui tient au grec ϰρέας, à l'ancien haut allem. hrêo, génit. hrêwes ; irland. carna.