« détroit », définition dans le dictionnaire Littré

détroit

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détroit

(dé-troi ; le t ne se lie pas dans le parler ordinaire ; au pluriel, l's se lie : les dé-troî-z et les îles) s. m.
  • 1Proprement espace resserré ; il ne se dit en ce sens qu'en termes de géographie.

    Bras de mer resserré entre deux continents, entre une île et le continent, entre deux îles peu éloignées l'une de l'autre. Je suis venu jusqu'à la pointe de Gibraltar, d'où, aussitôt que l'on aura équipé une frégate, j'espère passer le détroit, Voiture, Lett. 39. Il [Alexandre] ne se proposait pas moins que d'aller, en partant du golfe de Perse, faire le tour de l'Arabie et de l'Afrique, et de rentrer dans la Méditerranée par le détroit de Gibraltar, appelé alors les Colonnes d'Hercule, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. VI, p. 550, dans POUGENS.

    Passer le détroit, se dit quelquefois, quand la phrase ne laisse aucun doute, pour passer la Manche.

    Fig. Quelquefois les savants ne sont pas fâchés de se trouver dans ces sortes de détroits, d'où ils ne peuvent sortir qu'à force de savoir, Fontenelle, Delisle. J'agissais pour tâcher d'annuler l'arrêt qu'il [Luxembourg] avait obtenu et le réduire à l'ancien détroit d'option entre son érection nouvelle ou n'être point pair, Saint-Simon, 297, 62. Craindre les écueils de la bonne fortune, et passer avec courage les détroits de l'adversité, Marmontel, Mém. I. Pour mieux goûter le calme, il faut avoir passé Des pénibles détroits d'une vie orageuse Dans une vie enfin plus douce et plus heureuse, Chénier, Élég. 27.

    Défilé. Le détroit des Thermopyles. L'armée de Darius fut défaite dans les détroits de la Cilicie, Vaugelas, Q. C. liv. III, dans RICHELET. Il envoya le comte Andragatius, avec ordre de fortifier les Alpes Juliennes et d'en garder tous les détroits, Fléchier, Théodose, III, 91.

    En ce sens il n'est plus guère usité ; on dit de préférence défilé.

  • 2 Terme d'anatomie. Nom de deux rétrécissements que présente la cavité pelvienne et que l'on distingue en supérieur ou abdominal et inférieur ou périnéal.
  • 3 Terme de marine. Ancre de détroit, celle qui est tenue sous le beaupré par son orin.
  • 4Ancien terme de palais et d'administration. Étendue d'une juridiction. Il n'avait pu être déposé par un seul évêque que hors de son détroit et sans avoir été ouï, Fléchier, Théodose, II, 51.

    District ; sens auquel il n'est plus usité. Quand des chiens étrangers passent en quelque endroit Qui n'est pas de leur détroit, La Fontaine, Fabl. X, 15.

    District est la forme latine du mot dont détroit est la forme française, comme strict et étroit.

SYNONYME

DÉTROIT, DÉFILÉ, GORGE, COL, PAS. Ces mots désignent des passages étroits. Le détroit est composé du mot étroit et signifie passage resserré. Le défilé est le passage où l'on ne peut aller qu'à la file. Quand détroit s'applique aux passages resserrés sur terre, il n'y a entre lui et défilé que la nuance qui résulte de l'étymologie : le détroit ou le défilé des Thermopyles, suivant que l'on considère seulement le resserrement de ce passage ou la nécessité d'y aller à la file. Mais aujourd'hui détroit ne se dit plus guère que des passages resserrés dans la mer ; dès lors le sens en est tout à fait distinct de défilé qui ne s'applique jamais à la mer. La gorge, dite métaphoriquement de la gorge des animaux, est une entrée qui conduit dans les montagnes, un passage entre des collines escarpées et de hauts rochers, ce qui la distingue du défilé, qui peut aussi être en terrain plat, par exemple quand il est formé par une langue de terre entre un marais et une rivière. Le col appartient aussi aux montagnes et indique le passage élevé qui conduit d'un versant à un autre. Enfin le pas, limité à quelques localités, le pas de Calais, le pas de Suze, le pas des Thermopyles, indique seulement qu'il y a là, sur terre ou sur mer, en plaine ou en montagne, un passage resserré.

HISTORIQUE

XIe s. Les roches bises, les destreiz merveilleus, Ch. de Rol. LXIII. Pour son seigneur doit hom souffrir destreiz [peine], ib. LXXVII. Ne lui faudront pour mort ne pour destreit, ib. CCXLVIII. La bataille ert de merveilleus destreit, ib. CCXLVIII. Veez les porz et les destreiz passages, ib. LVII.

XIIe s. Vez [voyez] les destroiz merveilloz et pesanz, Ronc. p. 34. Et gesir mainte nuit au vent et à l'orage, Maint destroit encontrer ou maint autre passage, Sax. XXVI.

XIIIe s. Cil jurerent sur sains au conte Baudoin de Flandres qu'il iroient par les destrois de Maroc, Villehardouin, XXX. Et la terre estoit plaine de montaignes et de destrois, Villehardouin, CLXXVI.

XVe s. Espargnez vos gens… car vous trouverés encore des destroits, des passages, des assauts et des rencontres plusieurs, Froissart, I, I, 272. Et se tenoient tous bien rangés sur le destroit du passage de la riviere, dont les Anglois estoient durement rencontrés, quand ils venoient à l'issue de l'eau pour prendre terre, Froissart, I, I, 279. Gens d'armes ne vivent point de pardons, ni ils n'en font point trop grand compte, fors au destroit de la mort, Froissart, II, II, 207. Quand ceux de la ville de Bristo virent qu'autrement ils ne pouvoient venir à paix ni sauver leurs biens ni leurs vies, au destroit ils s'y accorderent et ouvrirent les portes, Froissart, I, I, 20. Elle [une ville] estoit très mal pour veue de vivres, et y avoit assez et trop de gens pour la tenir à destroit, Commines, V, 5. Ils estoient en embusche en un lieu destroit par où notre bon curé devoit passer… et s'adviserent de faire en ce destroit un très beau piege, Louis XI, Nouv. LVI.

XVIe s. Et sera nommé cestuy destroict la mer picrocholine, Rabelais, Gar. I, 33. Herodote recite, de certain destroict [district] de la Libye, qu'on s'y mesle aux femmes indifferemment, Montaigne, II, 88. Ayant rengé par un siege les habitans si à destroict que…, Montaigne, III, 159. Il passa avecques un seul vaisseau le destroict de l'Hellespont, Montaigne, III, 172. On n'avoit jamais veu aulcun de ce destroict [localité] à l'aumosne, Montaigne, III, 224. Estant un jour assiegé fort à destroit par les Clitoriens, Amyot, Lyc. 2. S'estans retirez tous les capitaines au destroit de l'entrée du Peloponnese, Amyot, ib. 33. Ils n'ozerent plus s'arrester aux passages, où ilz avoient esté ordonnez, ains, abandonnant les destroits, se meirent à fouir vers leur grand camp, Amyot, Fab. 17. Combien qu'il feussent assez à destroit de vivres, jamais toutefois ilz ne prirent rien sur le païs, Amyot, Flamin. 8. Il feit aussi venir tous les princes et roys compris dans le destroit de sa charge [ressort, rayon], Amyot, Pomp. 47. Ceulx qui tumbent en telz destroits de necessité, Amyot, Anton. 21.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. destreyt, destret, destreg ; espagn. distrito ; ital. distretto ; du participe passé districtus, resserré, de la préposition de, et stringere, serrer (voy. ÉTREINDRE). Destroit, dans l'ancienne langue, avait souvent le sens de détresse.