« destinée », définition dans le dictionnaire Littré

destinée

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

destinée

(dè-sti-née) s. f.
  • 1L'effet du destin. Le cours des destinées. C'est sa destinée d'être parfaitement aimé, Sévigné, 496. On rencontre sa destinée Souvent par des chemins qu'on prend pour l'éviter, La Fontaine, Fabl. VIII, 16. Les Juifs attachaient au temple leur destinée, Bossuet, Hist. II, 8. Sous un nom emprunté sa noire destinée Et ses propres fureurs ici l'ont amenée, Racine, Iphig. V, 6. Celui par qui le ciel règle ma destinée Sur ce secret encor tient ma langue enchaînée, Racine, Esth. I, 1. Chacun doit suivre courageusement sa destinée, Fénelon, Tél. XII. Et puis qu'on dise qu'il n'y a pas de destinée ; c'est vous, madame, qui m'avez valu cette destinée-là ; c'est à vous que je dois votre grand-maman [la duchesse de Choiseul qui rendit des services à Voltaire], Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 1er juin 1770. L'essentiel, pour être le moins mal possible, est de se soumettre à sa destinée, D'Alembert, Lett. au roi de Prusse, 15 déc. 1780.

    Au plur. Remplir, accomplir ses destinées. N'en craignez point, seigneur, les tristes destinées, Corneille, Cinna, II, 1.

    Par extension. La destinée des passions, ce que les passions font de nous. Cette tendresse née avec nous, cette destinée des penchants, Massillon, Car. Enf. prof.

    Le destin. Mais enfin le succès dépend des destinées, Racine, Baj. I, 1. Votre plus jeune fils, à qui les destinées Avaaient à peine encore accordé quatre années, Voltaire, Zaïre, II, 3. Mon cœur est à vous, mais la destinée n'est à personne ; elle se moque de nous tous, Voltaire, Lett. Richelieu, 8 nov. 1769. La mort de cet homme, tué précisément au lieu de lui et parce qu'il l'avait voulu sauver… lui fit croire que sa destinée, qui le conservait si singulièrement, le réservait à l'exécution des plus grandes choses, Voltaire, Charles XII, 2. Ne touchons pas à la destinée : elle fait tant de peur, quand on veut s'en mêler, quand on tâche d'obtenir plus qu'elle ne donne ! Staël, Corinne, VIII, 4. Que peut-elle cette destinée sur les êtres vulgaires et paisibles ? ils suivent les saisons, ils parcourent docilement le cours habituel de la vie, Staël, ib. XIII, 4.

  • 2Condition, sort. Jamais tu n'as vu journée De si douce destinée, Malherbe, II, 5. Il devait subir la destinée de tous les autres, Bossuet, Hist. III, 1. La destinée ordinaire de ceux qui refusent de prêter l'oreille à la vérité est d'être entraînés à leur perte par des prophètes menteurs, Bossuet, ib. II, 8. Celui qui a la conscience d'avoir bien mérité de son pays… ne doit attendre sa moisson, sa destinée, la seule qui l'intéresse, la destinée de son nom, que du temps, juge incorruptible qui fait justice à tous, Mirabeau, Collection, t. III, p. 357.
  • 3Vie, existence. Vous pouvez d'un seul mot trancher ma destinée, Corneille, Hor. V, 1. Sache donc que je touche à l'heureuse journée Qui doit avec Clarice unir ma destinée, Corneille, Ment. IV, 2. Et mes sanglantes mains sur moi-même tournées Aussitôt malgré lui joindront nos destinées, Racine, Andr. IV, 3. On dit qu'Iphigénie, en ces lieux amenée, Doit bientôt à son sort unir ma destinée, Racine, Iphig. I, 2. Cette charmante mère, avant sa destinée [mort], Molière, Mélic. II, 2. Chercher une nouvelle destinée dans l'île de Chypre, Fénelon, Tél. IV.

    PROVERBE

    On ne peut fuir sa destinée.

HISTORIQUE

XIIe s. Ah ! Dex de gloire, com male destinée ! Ronc. p. 33. Frere Olivier, com dure destinée ! ib. p. 175. Oïl, par Dieu, tels est ma destinée, Couci, VI. Entre lui e le rei resurst mult grant meslée Des fous clers ki esteient par male destinée Larrun e murdrisur e felun à celée, Th. le mart. 26. À icest mot l'a Bernier acolée, Et ele lui, grant joie ont demenée, L'un baise l'autre par bone destinée, Raoul de C. 225.

XIIIe s. Bien diriez que [je] n'ai coulpe en ceste destinée, Berte, XVI. Saluez moi roi Flore par bonne destinée, ib. LXVIII. Ah ! Dieu, loés soiez de ceste destinée, ib. CXXVI. Ce fut par pute destinée Que Renart s'est dedenz couchiez ; Ysengrin est par tens iriez, Ren. 6866.

XIVe s. Quant le dieu de fortune ou destinée donne du bien assez, quel mestier est il de amis ? nul, Oresme, Eth. 282. Livres sibilins en quelx estoient contenues les destinées futures de l'empire de Rome, Bercheure, f° 2, verso.

XVIe s. Ce sont, pour vrai, choses determinées Par l'immuable arrest des destinées, Marot, I, 229. Incessamment ma destinée tourne Comme une roue, et jamais ne sejourne…, Amyot, Démétr. 64.

ÉTYMOLOGIE

Destiné ; provenç. destinada ; ital. destinata.