« déshonorer », définition dans le dictionnaire Littré

déshonorer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

déshonorer

(dé-zo-no-ré) v. a.
  • 1Ôter à quelqu'un l'honneur, le priver de la considération, de l'estime. Cette action vous déshonore. être déshonoré par celle que j'adore, Corneille, Cinna, V, 2. Et me déshonorant par d'injustes alarmes, Pour attendrir mon cœur on a recours aux larmes, Racine, Iphig. III, 6.
  • 2Déshonorer une femme, la séduire, et aussi lui faire violence. Cela vaut mieux que de cuire des hommes et de déshonorer des filles, comme a fait mon cousin don Carocucarador, inquisiteur pour la foi, Voltaire, Jenni, 3.
  • 3Flétrir, dégrader. Déshonorer sa famille… Par un autre hymen vous me déshonorez, Corneille, Sertor. III, 4. Vous l'a-t-elle donné [ce titre] pour mériter sa haine En le déshonorant par l'amour d'une reine ? Corneille, Nicom. I, 2. De la main de ton père un coup irréparable Déshonorait du mien la vieillesse honorable, Corneille, Cid, III, 4. Je n'ose m'éblouir d'un peu de nom fameux Jusqu'à déshonorer le trône par mes vœux, Corneille, Sertor. II, 2. Toi d'avoir par sa mort déshonoré ta main, Corneille, Hor. V, 1. L'éclat du diadème et cent rois pour aïeux Déshonorent ma flamme et blessent tous les yeux, Racine, Bérén. III, 1. Il va du Dieu des morts déshonorer la couche, Racine, Phèdre, II, 5. Et ma gloire, plutôt digne d'être admirée, Ne doit point par des pleurs être déshonorée, Racine, Mithr. V, 5. Il est certain que ce péché, déshonorant nos corps, déshonore le corps de Jésus-Christ, Bourdaloue, Annonciat. de la Vierge, Myst. t. II, p. 96. Il déshonora le nom français chez les sauvages par une infâme perfidie, Raynal, Hist. philos. XV, 7.
  • 4Faire tort à. Les vices déshonorent les talents. Ces récits déshonorent la pudeur de vos oreilles, Massillon, Or. fun. Prof. 3. N'avoir jamais déshonoré l'usage de son esprit par aucun abus de la poésie, Gresset, Disc. de réception à l'Acad. On ne me verra point déshonorer sa cendre Par d'inutiles cris…, Voltaire, Triumv. IV, 5. Ces imaginations déshonorent la physique, Voltaire, Mœurs, Chang.
  • 5Ôter la beauté, l'éclat. Quelle affreuse pâleur déshonore sa face ! Roucher, Mois, 10. Les vertus les plus légères, s'il en est de telles, sont attachées comme la feuille au rameau qu'on déshonore en l'en dépouillant, Diderot, Règne de Claude et Néron, II, 6.

    Déshonorer des arbres, en couper la cime et les branches. Déshonorer une statue, la mutiler. Déshonorer un bâtiment, en altérer la forme.

  • 6Se déshonorer, v. réfl. Perdre l'honneur. Vous vous déshonorerez par une telle conduite. Je ne veux plus me déshonorer pour l'amour de vous ; et, si vous ne me faites des satisfactions de ce reproche, je suis résolu de vous écrire des lettres toutes pures d'amour, pleines de feux, Voiture, Lett. 28. Ce sont les opinions, ce sont les erreurs par lesquelles l'homme abusé se déshonore lui-même, Bossuet, Duch. d'Orl.

HISTORIQUE

XIIe s. Quant il vus volt tolir vostre curt e fauser, E apele autre curt, si le poez grever ; Car iluec vus volt il granment desonurer, Th. le mart. 44. Cum li reis fud venuz à sun palais, ses dix suignantes [concubines] que Absalon ses fiz out deshunurées, fist enclore, Rois, 197.

XIIIe s. Ciertes, dist li rois, c'est bien drois, et bien l'ai dessiervi, car par moi est la tiere de cha mer pierdue, et crestientés deshonnorée, Chron. de Rains, 38.

XVIe s. Dieu est grievement deshonnoré, si on se perjure en son nom, Calvin, Instit. 290. Le zele est une ardante affection de l'ame qui tend à l'honneur de Dieu et au salut du prochain, dont s'ensuit aussi qu'elle s'irrite quand on le deshonnore, Lanoue, 68. Par icelles [doctrines] Dieu est mesconnu et deshonnoré, Lanoue, 76. Ceux qui, portans ce magnifique titre de chrestien, le vont neantmoins deshonnorant par leurs iniquitez, Lanoue, 379. Dieu seroit (ainsi qu'on doit esperer) favorable à ceux qui l'adorent, contre ceux qui le deshonorent, Lanoue, 442. Cela n'estoit pas tant honorer sa mere que deshonorer son païs, Amyot, Alc. et Cor. 6. Lucius s'ala seoir es plus reculez sieges du theatre ; ce que voyant, le peuple en eut pitié et ne peut supporter de le voir ainsi deshonoré, Amyot, Flam. 38. Elle tourmenta et deshonora grandement son mari qui en estoit passionné de jalousie et d'amour, Amyot, Pyrrh. 60.

ÉTYMOLOGIE

Dés… préfixe, et honorer ; provenç. desonorar, deshonrar, deshondrar ; esp. et port. deshonrar ; ital. disonorare.