« enfanter », définition dans le dictionnaire Littré
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enfanter
- 1Donner le jour à un enfant. Heureuse la mère qui l'a enfanté.
Par extension.
Ce peuple que la terre enfantait tout armé
, Corneille, Médée, I, 1.Le monde, de qui l'âge avance les ruines, Ne peut plus enfanter de ces âmes divines
, Boileau, Lutr. III.Cieux, répandez votre rosée, Et que la terre enfante son sauveur
, Racine, Athal. III, 7.Sitôt que le devoir l'ordonne, La France enfante des soldats
, Lamotte, Odes, t. I, p. 64, dans POUGENS.Absolument.
Le chaos se féconde, et la nature enfante
, Delille, Parad. perdu, VII. - 2 Fig. Créer, concevoir, produire.
Tout ce qu'elles pourront enfanter de tempêtes, Sans venir jusqu'à nous, crèvera sur leurs têtes
, Corneille, Théod. I, 1.On y voit tour à tour la paix et les combats ; On y voit l'amertume enfanter les appas
, Corneille, Imit. II, 9.Le poëte par bonheur n'ayant point enfanté de nouvelles stances
, Scarron, Rom. com. part. I, ch. 13.Bienheureux Scudéri, dont la fertile plume Peut tous les mois sans peine enfanter un volume
, Boileau, Sat. II.Que Racine, enfantant des miracles nouveaux, De ses héros sur lui [le roi] forme tous les tableaux
, Boileau, Art p. IV.Accourez, troupe savante ; Des sons que ma lyre enfante, Ces arbres sont réjouis
, Boileau, Ode sur Namur.Et quel affreux projet avez-vous enfanté, Dont votre cœur encor doive être épouvanté ?
Racine, Phèd. I, 3.C'est au génie seul à enfanter toutes les hardiesses qui contribuent si fort au merveilleux de la poésie et au sublime de l'éloquence
, D'Olivet, Hist. de l'Acad. t. II, p. 59, dans POUGENS.Je l'ai vu, ce n'est point une erreur passagère Qu'enfante du sommeil la vapeur mensongère
, Voltaire, Sém. I, 5.Son nom et son malheur enfantent des soldats
, Voltaire, Triumv. II, 2.De la ligue en cent lieux les villes alarmées Contre moi dans la France enfantaient des armées
, Voltaire, Henr. III, 143.Ses succès, sa valeur, Bientôt à Spartacus enfantent une armée
, Saurin, Spart. I, 1.Absolument. Cet auteur enfante difficilement, il ne produit des ouvrages qu'avec peine.
- 3Dans le langage mystique, enfanter une âme en ou à Jésus-Christ, la rendre digne de Jésus-Christ et de la vie éternelle.
Si Dieu a béni le travail par lequel je tâche de vous enfanter en Jésus-Christ, et que, trop indigne ministre de ses conseils, je n'y aie pas été moi-même un obstacle
, Bossuet, Anne de Gonz.Dieu ébranlera tout l'État pour l'affranchir [Henriette] de ces lois ; il met les âmes à ce prix ; il remue le ciel et la terre pour enfanter ses élus
, Bossuet, Duch. d'Orl.Tant de saints pasteurs qui offrent leurs âmes et leurs travaux pour vous enfanter à Jésus-Christ
, Massillon, Car. Mot. de conv. - 4S'enfanter, v. réfl. Être enfanté, être produit. Une tragédie ne s'enfante pas si facilement.
PROVERBE
C'est la montagne qui enfante une souris, ou la montagne a enfanté une souris, se dit de grands projets qui viennent à rien.
Que produira l'auteur après tous ces grands cris ? La montagne en travail enfante une souris
, Boileau, Art p. III.
SYNONYME
ENFANTER, ENGENDRER. Engendrer est relatif à la génération ; enfanter, à l'enfant qui est mis au monde. De là la différence de sens entre ces deux mots : d'abord engendrer se dit également du mâle et de la femelle, de l'homme et de la femme ; enfanter ne se dit que de la femme seule. Au figuré, engendrer s'applique à ce qui peut être comparé à une génération ; et enfanter à ce qui peut être comparé à la mise au monde. Tant que l'idée de mise au monde n'est pas nécessaire, on se sert indifféremment d'engendrer ou d'enfanter : ce discours engendra ou enfanta des discordes. Mais, quand cette idée est nécessaire, c'est enfanter qu'il faut : on enfante un projet, un ouvrage.
HISTORIQUE
XIIe s. Graces rendit al enfanter, e Samuel le fist numer
, Rois, p. 4.
XIIIe s. S'ele [la mère] estoit franche quant ele conçut, et quant à l'anfanter est serve, droit dit que li enfes est frans
, Liv. de just. 54. Mestre, fist le chevalier, je vous demande si vous creez que la vierge Marie, qui Dieu porta en ses flans et en ses bras, enfantast vierge
, Joinville, 198.
XVIe s. Elle enfanta un enfant mort
, Paré, XXIX, 16. Vous ne tuerez point L. Caesar, que premierement vous ne me tuez, moy qui ay enfanté vostre capitaine
, Amyot, Anton. 23.
ÉTYMOLOGIE
Enfant ; provenç. enfantar, effantar, efantar ; ital. infantare.