« espérance », définition dans le dictionnaire Littré

espérance

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

espérance

(è-spé-ran-s') s. f.
  • 1Attente d'un bien qu'on désire, et qu'on entrevoit comme probable. Mon orgueil à ce bruit prendrait quelque espérance, Corneille, D. Sanche, IV, 3. Il mettait l'espérance du succès dans les troupes, Bossuet, Hist. III, 4. Il éleva sa maison à de plus hautes espérances, Bossuet, ib. I, 11. L'espérance enferme ou est elle-même, selon les docteurs, une espèce de désir, Bossuet, Connaiss. III, 6. Qui ne sait où son rare mérite [d'une princesse] et son éclatante beauté, avantage toujours trompeur, lui firent porter ses espérances ? Bossuet, Anne de Gonz. Nous n'avons jamais qu'un moment à vivre, et nous avons toujours des espérances pour plusieurs années, Fléchier, Mme d'Aiguillon. Cela donna sujet à M. Despréaux de s'étendre sur vos louanges, c'est-à-dire sur les espérances qu'il a conçues de vous ; car vous savez que Cicéron dit que, dans un homme de votre âge, on ne peut guère louer que l'espérance, Racine, Lett. à son fils, XXVI. J'avais conçu de toi de grandes espérances, Fénelon, Tél. XI. L'espérance trompée accable et décourage, Voltaire, Oreste, III, 4. Le temps viendra sans doute où l'Europe ne sera qu'une grande famille, mais l'espérance a aussi son fanatisme ; serons-nous assez heureux pour que dans un instant le miracle auquel nous devons notre liberté se répète avec éclat dans les deux mondes ? Mirabeau, Collection, t. III, 314. D'une prison sur moi les murs pèsent en vain ; J'ai les ailes de l'espérance, Chénier, la Jeune captive. Hélas ! il disait lui-même, d'après Pindare, que l'espérance n'est que le rêve d'un homme qui veille, Barthélemy, Anach. ch. 61. Grâce aux amours, bercé par l'espérance, D'un lit plus doux je rêve le duvet, Béranger, Dieu des b. gens. Mon cœur, lassé de tout, même de l'espérance, N'ira plus de ses vœux importuner le sort, Lamartine, Méd. I, 6. Te dirai-je… Qu'un instant, comme toi, devant ce ciel immense, J'ai serré dans mes bras la vie et l'espérance, Et qu'ainsi que le tien mon rêve s'est enfui ? Musset, Lett. à Lamartine. Je sais ce que la terre engloutit d'espérances, Et, pour y recueillir, ce qu'il y faut semer, Musset, ib.

    Par antiphrase. Grâce aux dieux, mon malheur passe mon espérance, Racine, Andr. v, 5.

    De grande espérance, qui fait concevoir une haute idée d'un mérite futur. Un fils d'une si grande espérance, Bossuet, Hist. I, 8.

    Par extension. Dans une terre, dont le maître s'est éloigné, on voit un arbre de riche espérance devenir stérile, Chateaubriand, Mart. II, 42.

    En espérance, en perspective, en comptant qu'une chose se fera. Déjà de Titus épouse en espérance, Racine, Bér. I, 1.

    Dans l'espérance, en espérant… Je suis venu, dans l'espérance de vous trouver. Dans l'espérance que le démon lui avait donnée de…, Pascal, Prov. 11.

    Être sans espérance, se dit d'un malade qu'on n'espère plus conserver. Les médecins l'ont condamné, il est sans espérance.

    Être sans espérance, se dit aussi des personnes qui n'espèrent plus conserver un malade. Notre ami ne passera pas la journée, nous sommes sans espérance.

    Au plur. Espérances signifie ce que l'on attend au décès de quelque parent. Elle a dix mille écus de rente et des espérances.

  • 2Se dit pour la personne ou la chose sur laquelle se fonde l'espérance. Voilà donc votre roi, votre unique espérance, Racine, Ath. IV, 3. … Notre écolier Qui, grimpant sans égard sur un arbre fruitier, Gâtait jusqu'aux boutons, douce et frêle espérance, La Fontaine, Fabl. IX, 5. Je l'aurai fait passer [une jeune fille] chez moi dès son enfance, Et j'en aurai chéri la plus grande espérance, Molière, Éc. des femm. IV, 1.
  • 3Celle des trois vertus théologales par laquelle nous espérons posséder Dieu.
  • 4Jeu de l'espérance, espèce de jeu de dés.

HISTORIQUE

XIe s. Qui de morir nen orent esperance [ne s'attendaient pas à mourir], Ch. de Rol. CVIII.

XIIe s. Que tout [j'] i met mon cuer et m'esperance, Couci, X. Mis Deus [mon Dieu], ma force, en lui est ma speranche ; il est mis escudz e ma salveted, Rois, p. 205.

XIIIe s. … et n'avoient esperanche que jamais fussent delivrés, Chr. de Rains, p. 100. L'esperance où tu m'as mis par la promesse de l'avenement ton fil, Psautier, f° 148.

XVe s. J'ai esperance que ceux qui le liront…, Commines, Prol. Folle esperance deçoit l'homme, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 300.

XVIe s. L'esperance qu'ils concevoient, que…, Amyot, Philop. 18.

ÉTYMOLOGIE

Espérant, part. présent d'espérer ; provenç. esperansa ; espagn. esperanza ; ital. speranza.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ESPÉRANCE. Ajoutez :

5Terme du calcul des probabilités. Espérance mathématique, produit qu'on obtient en multipliant la valeur d'une chose en unités monétaires par la fraction qui exprime la probabilité mathématique du gain de cette chose.